Georges PETIT à Rawa Ruska

 

 

La famille PETIT a conservé l’ensemble de la correspondance rédigée par Georges PETIT, depuis le jour de sa mobilisation jusqu’à décembre 1944.

Elle constitue un témoignage précieux des conditions de captivité faites aux prisonniers de guerre.

A partir de ces courriers, ses descendants se sont attachés à reconstituer le plus possible tout le contexte de cette captivité (lieux, événements, histoire des camps qu’il a traversé).

Certaines informations sont incomplètes, du fait du manque de liberté pour s’exprimer et des interruptions de la correspondance.

En particulier, manquent les conditions de la capture et celles de la libération.

Bernard PETIT, son fils, a participé à l’inauguration d’une stèle à la mémoire des prisonniers français de Rawa Ruska, en Ukraine, le 31 mai 2003. Ce voyage a été à l’origine des recherches entreprises par la suite.

Ce document, qui peut être complété constitue un apport au devoir de mémoire, familiale d’abord mais aussi générale                                                        Bernard et Danièle PETIT.

 

Auteur: PETIT Georges, 118èmeCompagnie radio de C. A. Secteur Postal 146

 

Situé quelque part en Lorraine

Dimanche courant ( reçue le 14 Septembre 39)

Mes bien chers Parents

Je me rends compte d’ici du mauvais sang que vous devez vous faire à mon sujet. Ne vous inquiétez pas, tout va très bien et le moral est excellent. Après avoir voyagé durant deux jours, nous voilà actuellement en Lorraine mais très loin des premières lignes, donc tout à fait tranquilles à ce sujet.

Quant à moi j’ai à m’occuper de la conduite d’un camion radio et pas autre chose. Ici, le temps est plutôt maussade, pluie et brouillard se succèdent sans trêve. J’ai quitté avec bien du regret ce cher vieux soleil de Toulouse.

J’aime à croire à présent que malgré tous ces tristes évènements vous serez complètement rassurés sur ma personne.

J’ajouterai que je suis avec Gabriel Frauciel d’Espinas et un autre (Ardourel) de St Antonin. Je ne suis pas tout seul.

Sur ce, je vais vous quitter en vous promettant de vous écrire bientôt.

Votre fils, frère et neveu qui vous embrasse bien fort à tous.

 

Eberswiller

 

Le 2 Septembre 39 (toujours même adresse)

Mes bien chers Parents

Ce n’est seulement qu’avant hier que j’ai reçu ta lettre, Maman, et tu sais cela fait du bien, vu en plus de cela que nous voici, moi et 4 camarades, isolés depuis 2 jours aux environs d’Eberswiller. Malgré cela, nous sommes assez bien ravitaillés, mais pas fameux ni copieux, c’est donc pour cela que je te demanderai des victuailles non périssables en cours de route, ainsi que des chaussettes de laine, et ce que tu jugeras bien et chaud pour l’hiver, ainsi qu’une petite fiole d’eau de vie et du beurre. Je comprends que je vais d’embêter, mais mes camarades en reçoivent et nous le partageons ensemble. Donc, je ne voudrais pas être en reste avec eux. J’ajouterai à cela que nous avons le camion avec nous et que nous pouvons nous déplacer facilement et rapidement en cas de danger, malgré que depuis 2 jours, ce soit relativement calme. N’ayez donc aucune crainte à mon sujet et ayez bon espoir, comme je l’ai moi-même. Je vous embrasse tous bien fort sans oublier Margot, tante Anna et ma petite Lilette. Votre fils Georges.

J’ai surnommé mon camion « Lisette » en souvenir d’Elise Cadilhac à qui je pense bien souvent.

 

Déplacement à Guerpont (Meuse)

 

Le 26 Septembre

Mes chers Parents

Nous voici toujours cantonnés au même endroit, mais pour combien de temps, nous l’ignorons ! Il faut que j’ajoute que réellement nous sommes privilégiés quant au temps. Si les nuits sont glaciales, en revanche le jour est réellement printanier, raison de plus pour vous donner un moral excellent.

Il est vrai que j’aurais bien tort de me faire du souci vu que le danger sera toujours assez éloigné. J’espère donc que maintenant, vous serez tout à fait tranquillisés.

J’ai oublié de vous demander dans ma dernière des nouvelles de Margot et de ma petite Lilette. J’aime à croire qu’elles sont parmi vous.

Et Marcel, où est-il et quelle est son adresse actuelle ? Je voudrais bien lui écrire et avoir de ses nouvelles. Enfin vous me direz tout cela dans une prochaine lettre que j’attends impatiemment, car vous savez, c’est quelque chose une lettre dans les circonstances actuelles… ! ! Quant aux habitants de Guerpont (Meuse) (c’est le lieu où nous nous trouvons) eh bien savez – vous, ça n’est pas le caractère enthousiaste et chaud du Midi, ah ça non. En plus de cela, pour être relativement près de la Champagne on paye facilement le vin Blanc ou Rouge de 4 à 4 F 50. Aussi, les économies partent-elles assez vite, surtout que l’ordinaire n’est pas fameux et qu’il faut s’acheter de quoi « bouffer ». A ce sujet si vous pouviez m’envoyer quelques conserves non périssables (saucisson, pâté, que sais-je), et aussi de bonnes chaussettes de laine car j’appréhende l’hiver d’ici. Quant à l’envoi, renseignez vous à la poste, je crois qu’il y a des modes d’envoi spéciaux pour le cas actuel. Je joins à ma lettre un certificat de présence aux Armées pour que tu demandes une allocation en tant que soutien de famille. Tâches de faire le nécessaire Maman. J’apprends à l’instant que nous quittons Guerpont pour une autre destination. Pas très loin sans doute. Je vous quitte donc en vous embrassant de tout mon cœur et en comptant sur vous pour tout ce que je vous demande. Votre fiston Georges

 

 

Déplacement à Maizières les Metz, bassin de Briey

 

Le 6 - 10 – 39

Chers Tous

Me voici à nouveau déplacé, mais cette fois-ci en arrière du front, dans le bassin de Briey, plus exactement à Maizières les Metz. C’est beaucoup plus tranquille que sur la ligne Maginot. C’est un pays essentiellement d’usines et de mines, pas très intéressant d’ailleurs rien qu’à cause de cela, mais où tout est horriblement cher. Aussi, je ne saurais trop vous demander des victuailles car, comme à l’habitude, la nourriture n’est pas des meilleures et des plus copieuses. Quant au certificat de présence au corps, il y a déjà longtemps que je l’ai envoyé. Je m’étonne que vous ne l’ayez déjà reçu. J’espère que ça ne saurait tarder. J’ai bien quelques économies, mais si ça continue à être cher comme ici je ne tiendrai pas le coup longtemps. Dans tous les cas, ce que je puis vous assurer c’est que l’arme dans laquelle je suis est bien plus à l’abri du danger que l’infanterie par exemple. Donc ne vous frappez pas inutilement. Evidemment dans une guerre le danger existe partout mais bien moins au corps d’armée avec les officiers supérieurs qu’en première ligne. Nous nous déplaçons tellement souvent qu’on ne peut être repérés. Il est fortement question que nous partions demain Dimanche dans la Somme, aussi j’attends et je vous écris au volant du camion. Je vous redonnerai de mes nouvelles d’ici peu. En vous embrassant tous bien fort, je vous quitte.

Votre fils, frère, tonton, neveu. Georges

Mon bon souvenir à tout le quartier.

 

Le 8 – 10 – 39 Maizières les Metz

Bien chers Parents

J’ai bien reçu avant-hier ta dernière lettre mais je m’étonne que vous ne receviez pas les miennes régulièrement. J'écris à peu près tous les jours. Je vous demandais entre autre des victuailles non périssables et des chaussettes de laine, ainsi que tout ce que vous jugerez bon de m’envoyer. Une bonne couverture de laine ne me serait pas de trop ainsi que quelque argent, malgré que j’en ai encore un peu ; et ça part vite ici quand on passe dans un village. On dirait que les habitants s’entendent pour vous faire payer horriblement cher des bêtises de rien du tout, et qui comportent principalement des victuailles, soit des œufs, du beurre,…etc. Quant à la bière, eh bien ! à la vôtre, pour être le pays de cette boisson, on la paye plus cher que chez nous. Je ne vais pas continuer bien longtemps ma missive, vu qu’il me faut préparer mon camion pour un départ proche (demain je crois). Je m’arrête donc là et joins à la présente mes meilleurs baisers.

P. S. Si tu pouvais joindre au colis de l’eau de Cologne ainsi que de la crème Junior pour la barbe, ça me serait utile. Ici, impossible de rien trouver. Bons baisers. Georges

 

Déplacement à Jarny Conflans, Meurthe et Moselle

 

Le 11 – 10 – 39

Mes chers Parents

Enfin, je ne comprends rien à votre silence. Je reçois bien quelques lettres me demandant de vous dire ce qu’il me manque ; j’ai pourtant écrit plusieurs lettres vous réclamant des victuailles, chaussettes et autre.

Pourtant, cela commencerait à m’être utile ici, car il commence à faire drôlement froid et bien souvent, l’ordinaire n’est pas très copieux. Enfin, j’aime à croire que la présente vous arrivera et que vous ferez le nécessaire au plus tôt. Pour l’instant, me voici en Meurthe et Moselle, à Jarny - Conflans plus exactement.

Ici au moins, on est assez loin du front et de ce fait, on roupille tranquilles. Vous voyez donc qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer outre mesure. J’ai écrit aussi à Marcel mais je n’ai pas eu encore de réponse.

Je ne vais pas vous en dire bien long aujourd’hui car la soupe sonne et on donne le courrier en même temps. Donc pour aujourd’hui, je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur et au moins, ne vous faites pas de mauvais sang à mon sujet. Votre fiston qui vous aime. Georges

 

Adresse : 2°S.R. Georges PETIT, 118ème compagnie Radio, 6ème s/s groupe. Secteur postal 146

Déplacement aux environs de Montmédy

 

Le 16 – 10 – 39

Ma chère Margot et vous tous.

J’ai reçu ce matin seulement ta lettre où tu me grondais de ne pas t’avoir écrit. Mais ma chère frangine, je pensais qu’en écrivant à Maman, c’était à vous tous que je m’adressais. Donc il n’y a pas lieu de m’en vouloir tu sais. N’êtes vous pas tout ceux que j’aime le plus avec une préférence bien évidente pour ma petite Lilette. Comme tu me le dis, cette maudite guerre m’aura privé d’entendre ses premières paroles. J’en ai gros sur la « patate » tu sais, rien que de penser à tout cela, au moins, n’oublie pas de m’envoyer sa photo. Comme elle doit être mignonne maintenant, et dire qu’il faut être privé de tout cela, c’est démoralisant ! ! !Pour vous donner un peu plus de cafard, voilà deux jours qu’il pleut et que nous sommes à 7 Kms de la frontière Belge aux environs de Montmédy, toujours avec le camion et mes quatre camarades. On craint une attaque brusquée par la Belgique, mais n’ayez pas peur, ils ne passeront pas de sitôt, tout le monde est prêt et je vous jure qu’il y a ce qu’il faut pour les attendre ces « salopards » ! ! ! ! S’ils s’approchent trop quelle dégelée ils vont prendre. Malgré tout, c’est à souhaiter que ça n’arrive pas, car de toute façon on est obligé d’y laisser des plumes de part et d’autre. Mais enfin mieux vaudrait en finir au plus tôt de ce cauchemar.

Aujourd’hui le secteur est d’un calme plat, on se demande même avec les copains si c’est vraiment la guerre, car nous sommes passés (toujours les mêmes cinq copains) dans des endroits où ça « pétait » drôlement. On finit, vois-tu, qu’on s’y habitue à la fin et qu’on trouve drôle quant tout est calme. Ne croyez pas malgré cela que je suis dans une arme de choc. Bien d’autres armes sont avant le Génie Radio, donc il n’y a pas lieu de vous tourmenter à mon sujet. J’ai toujours le ferme espoir de m’en sortir et le moral est toujours excellent. Il n’y a que la nourriture qui ne va pas trop bien et le froid qui ne manque pas de venir te geler les pieds. Aussi, nous couchons tous les cinq dans le camion et nous nous serrons tant que nous pouvons pour nous réchauffer. A ce sujet, tu voudras bien dire à Maman qu’elle me procure un passe-montagne et des gants de peau si possible. On m’a « fauché » ceux que j’avais déjà. Je m’aperçois que chaque fois que je vous écris je réclame quelque chose. Mais comme je vous l’ai déjà dit, tout ici est mis à sac, on ne trouve absolument rien. Comment vous dédommagerai-je de tout ce que vous faites pour moi ? Quant au colis que Maman m’a dit m’avoir envoyé, je n’ai jusqu’à ce jour rien reçu. Espérons que ça arrivera un jour ! Pourtant ta dernière lettre datée du 7 octobre m’est bien parvenue voilà 2 jours. Le colis étant parti en même temps, il est étonnant que je ne l’ai déjà reçu. Dans tous les cas, n’envoyez pas de denrées périssables vu le temps qu’il faut pour le transport. Des conserves, du chocolat, du sucre, des fruits surtout si possible, voilà ce qui peut durer le plus longtemps. J’ai reçu ce matin une lettre de Marcel et j’y ai répondu immédiatement. Tant mieux pour lui qu’il est dans une bonne « planque », il y en a bien assez qui souffrent ! ! Quant à René, voilà 3 fois que je lui écris et toujours pas de réponse. C’est désespérant vois-tu ma chère grande sœur ! !Aussi vous demanderai-je de m’écrire le plus souvent possible et de m’envoyer (encore) des journaux, n’importe quoi pour passer le temps. Je ne veux pas continuer plus longtemps car vous finiriez par vous apitoyer sur mon sort et à vous rendre malades vous-mêmes. Dis-toi bien ma chère Margot que ton grand frérot est armé de courage et de volonté et qu’il compte bien vous embrasser à tous bientôt. Maintenant je te charge d’être mon interprète auprès des familles Mercadier, Suzanne, les Lecussan, Gardet, Elise et sa famille, en un mot tous ceux qui étaient de bons amis. Et maintenant pour toi, Maman, Janou, tante Irma et Henriette et surtout, surtout entends-tu ma petite Lilette, votre sacré poilu de Georges vous embrasse de tout son cœur. Georges

P.S. Donnez-moi des nouvelles de Léo, Raymond Viguier, Coicou et de beaucoup d’autres qui sont au même tarif que moi.

 

Déplacement à Brouennes (Meuse)

 

Brouennes (Meuse) le 20 – 10 – 39

Ma chère petite soeurette

Ta gentille lettre est venue me trouver bien loin hélas, mais elle m’a tout de même fait beaucoup de plaisir. Je t’assure que les nouvelles dans les circonstances actuelles sont un véritable baume, vu qu’ici, les lettres sont les bienvenues, surtout quant elles vous viennent des êtres qui vous sont chers.

Donc, ma petite Jeannette, te voilà dans des parages que je connais très bien, étant donné que ça n’est pas loin de Cazes, d’où et de qui j’ai des nouvelles aujourd’hui précisément. Je te chargerai si tu le peux, d’aller chez Mr et Mme Craissac pour les remercier de vive voix, car ils m’apprennent qu’ils vont m’envoyer un bon pull-over. Je leur écrirai d’ailleurs à ce sujet. Puisque nous parlons de lainages, je te jure qu’il y a déjà un moment que ça se supporte ici. Il fait en permanence un temps de chien (pluie et vent) et en plus un froid de loup. Aussi, le soir, nous tâchons, les cinq isolés que nous sommes, de nous serrer le plus possible dans le camion et sur de la mauvaise paille pour ne pas avoir trop froid durant la nuit. Quant à la nourriture, toujours mauvaise et peu copieuse. Malgré cela, on tient le coup et le moral reste bon. Souhaitons que ça dure ! ! J’ai eu des nouvelles de Marcel tout dernièrement. Il a plus de veine que moi, lui, mais je n’en suis pas jaloux. Maman, Marguerite, tous mes amis de Toulouse m’écrivent aussi régulièrement. Ca fait plaisir tu sais ces petites lettres, on se sent moins seul et on respire un peu l’air du pays avec.

Nous sommes ici jusqu’au 25 prochain et ensuite nouveau déplacement mais dans quelle direction, toujours inconnue. Enfin on commence à s’y habituer après avoir fait la ligne Maginot, la Moselle, la Meurthe et Moselle, la Meuse, les Ardennes et avoir entendu bien souvent la mitraille. Tu vois, ma chère sœurette que malgré tout on ne se démoralise pas. On en reviendra ne t’en fait pas ! ! Un peu plus vieux et un peu plus maigre peut-être mais qu’est ce que c’est à côté d’une paix qui cette fois je l’espère sera la bonne.

Donc ne te tourmente pas trop à mon sujet et travaille bien pour aider Maman qui elle, doit être, d’après ses lettres, dans tous ses états. Quant tu y reviendras, tu tâcheras de la remettre. En attendant, ma chère petite sœur, je vais te quitter en t’embrassant de tout mon cœur. Ton grand frangin. Georges

 

Brouennes ce 22 – 10 – 39

Mes biens chers Parents

Je suis très content ces 2 ou 3 derniers jours pour la bonne raison que j’ai eu des nouvelles d’un peu partout, et en plus de cela, un colis de René en même temps que le tien Maman.

Ca ne pouvait mieux tomber, vu que pour l’instant on n’avait rien pour ainsi dire à manger. C’est assez que nous soyons détachés, mes quatre copains et moi, et en subsistance au 118 R-A-L. qu’on nous la fait sauter. Aussi croyez bien que toutes ces victuailles ont été les bienvenues. Malheureusement les transports sont bien chers et longs. Je n’ai reçu tout cela que hier 21 – 10. Enfin tout est arrivé à bon port c’est l’essentiel. Tu me demandes aussi Maman, combien de lettres j’ai reçu. Si je n’en ai égaré aucune, je n’en ai que 7, il en manquerait donc une. Il faut croire que celle-là n’est pas aussi pressée que les autres.

Mme Rouquet, ma propriétaire de Toulouse m’a écrit, m’annonçant qu’elle me faisait un bon pull-over et aussi que tu lui avais fait demander tous les tricots que je pouvais avoir à Toulouse. Elle n’a trouvé rien de bien fameux vu que j’avais pris les meilleurs. Je leur ai écrit pour les remercier, mais tu pourrais le faire aussi toi-même, Maman, car ils sont on ne peut plus gentils pour moi. La paire de chaussettes que tu m’as envoyée a été la bienvenue, mais j’aurais préféré des bas, genre sport, qui montent presque jusqu’aux genoux. Ca préserve mieux du froid et vous pouvez croire que ça commence à pincer par ici. On vidange déjà les radiateurs. Quant au passe-montagne, tâchez de me trouver quelque chose qui protège le cou, et qui en même temps peut se plier comme une casquette. Il y en a pas mal ici qui ont ce système-là. Enfin, faites pour le mieux, j’ai peur voyez-vous de trop vous demander de choses à la fois. Aussi je remets à une date ultérieure la demande d’autres bricoles qui me manquent et qu’il est impossible de trouver ici. Aujourd’hui le secteur est tout à fait calme; sauf quelques avions « boches » qui nous survolent, on ne se croirait pas en guerre. J’ai eu tout dernièrement des nouvelles de Jeannette et de la maison Craissac de Cazes, à qui j’avais écrit. Là aussi, on me tricote un pull-over. Vous voyez que je n’en serai pas embarrassé. Tu voudras bien faire part de ma lettre à Margot et tante Irma, je te prie Maman. Tu les embrasseras bien fort pour moi et surtout ma chère petite Lilette qui me manque beaucoup tu sais. J’espère que dès que vous aurez une photo vous me l’enverrez. En souhaitant ardemment de vous relire bientôt je vous embrasse à tous de tout mon cœur.

Votre fils qui pense bien souvent à vous tous. Georges

P.S. Tâchez de m’envoyer un ou deux tubes de Dermosol ou produit similaire pour s’enduire la peau après s’être rasé. Avec ce froid je suis plein de gerçures. Mille baisers.

Ajoutez aussi un bloc de papier à lettre et enveloppes. Il n’y a moyen de rien trouver ici.

 

Brouennes (Meuse) le 25 – 10 – 39

Ma chère Maman et vous tous

Je reçois à l’instant ta dernière lettre datée du 17 Octobre. Cela fait qu’à présent je les ai toutes reçues. Ca commence tout de même à être un peu plus rapide et ce n’est pas malheureux. Tu m’annonces l’envoi d’un colis de lainages et autres bricoles que je te demandais. Je n’ai encore rien reçu mais j’espère que ça ne saurait tarder. Je t’annoncerai que nous nous parons un peu du froid en ayant installé un vieux poêle tout abimé que j’ai réparé tant bien que mal et qu’on a placé dans le camion. C’est peu, mais c’est beaucoup tu sais. Au moins, on peut se coucher avec les pieds chauds.

En même temps que ta lettre, j’ai eu des nouvelles des cousins Vergnes, de Mme Pallaruelle, de Pautal. Nous nous tournons autour sans jamais pouvoir nous rencontrer. Il est vrai que lui encore n’est pas allé près du front comme le cas s’est présenté pour nous plusieurs fois. Mais maintenant, nous sommes tranquilles et c’est bien juste. Chacun son tour n’est-ce pas ! ! ! Nous n’avons qu’une chose à déplorer c’est la nourriture et le froid. On ne peut pas tout avoir ! J’attends toujours la photo de ma petite Lilette et elle me presse tu sais, car elle doit être mignonne à présent. Faites votre possible pour que je l’ai le plus tôt possible. Je vais vous quitter en vous embrassant à tous de tout mon cœur sans oublier tante Henriette et tante Irma. Georges

Toutes mes amitiés au quartier.

Dites leur que la santé va bien et le moral bon.

 

Le 28 – 10 – 39

Mes bien chers Parents

Enfin, pourquoi vous alarmez-vous pareillement… ? ? Je veux bien croire que vu les circonstances, on peut se faire du souci pour ceux qui vous sont chers, mais enfin il faut avoir du courage. Que devons-nous dire alors, nous qui sommes les plus mal placés… ? ?

Vous me ferez donc le plaisir de savoir patienter et d’attendre avec calme. D’ailleurs le premier fautif est bien les P.T.T., tantôt les lettres ne mettent que quatre ou cinq jours et d’autres fois plusieurs semaines. Donc, ne répondant qu’après le reçu de vos lettres et colis, il est tout naturel que vous restiez plusieurs jours sans nouvelles pour un beau jour en recevoir deux ou trois à la fois de différentes dates, chose qui m’arrive presque chaque fois. Par exemple, aujourd’hui j’ai reçu les colis contenant couverture, eau de Cologne, gants…etc, ainsi que deux lettres que vous m’avez écrites le 22 et le 23 Octobre. Vous voyez donc que ce que je vous dis plus haut se produit certainement inversement. Allons, encore une fois un peu de courage et de patience et nous « les aurons ». Ceci dit, je vous dirai qu’il est absolument faux que j’ai vu Aimé Bach, ainsi que G. Denayrolles. En revanche, j’ai eu la surprise de me trouver nez à nez avec Clément Donnadieu (le neveu de Julie) en ce même patelin de Brouennes où nous sommes depuis le quinze Octobre. Il m’a fait pitié par son état de maigreur, cela occasionné par des hémorroïdes (qu'on ne lui soigne pas) et par toujours la mauvaise nourriture. Depuis 8 jours, je ne l'ai pas revu, peut-être a-t-il été évacué sur quelque hôpital. Quant à G. Denayrolles, j’ai appris par ce même Clément (qui lui, l’avait rencontré) qu’il était dans les environs de Brouennes, plus exactement à Chauveney St Hubert. Je me suis rendu au dit lieu, mais son régiment était déjà parti dans une direction que j’ignore. En plus de cela, j’ai eu des nouvelles de Pautal qui se trouve à Mailly, donc plus en arrière que nous , et de Coicou qui était encore voilà huit jours à l’Isle en Jourdain, attendant de partir pour la Syrie me disait-il. A tous deux j’ai fait réponse immédiatement en leur souhaitant bon courage. Aujourd’hui j’ai reçu en même temps que votre colis de lainages, un paquet de Mme Craissac de Cazes (à qui j’avais écrit un mot) contenant un pull over, tricoté par leurs soins, ainsi que du tabac et des cigarettes. Ca m’a fait plaisir car j’ai vu qu’on ne m’oubliait pas, et par dessus le compte ce bon François de Toulouse a jugé bon lui aussi, de m’envoyer un autre colis contenant 2 grosses boîtes de conserves, l’une contenant un poulet rôti que nous avons dévoré immédiatement ce midi. Quant à l’autre, je ne sais ce qu’elle contient. En ces heures tristes, toute cette marque d’amitié vous encourage à tenir bon. Voilà mes biens chers parents tout ce que je vous dirai aujourd’hui. Le temps est toujours frais, gris et pluvieux, sujet à cafard donc. N’oubliez pas un peu de gnole dans votre prochain colis. Mille et mille baisers à vous tous et pour ma petite Lilette une grosse « poutounasse » de son tonton. Georges

Toutes mes amitiés au quartier ainsi qu’à Mr et Mme Mercadier et Suzanne.

 

Brouennes le 31 – 10 – 39

Ma chère Maman

Je viens de recevoir à l’instant le colis contenant poulet, chaussettes, beurre, chocolat ainsi que la petite médaille que j’ai immédiatement accrochée à ma plaque d’identité. Je vous ai écrit hier ce qui fait qu’aujourd’hui je ne vous en dirai pas bien plus long. Le secteur continue à être toujours calme et le temps est depuis hier au beau mais froid. Maintenant si vous pouvez m’envoyer le journal quotidien quand vous l’aurez lu, vous me feriez bien plaisir. Je crois que ça coûte peu de choses, l’envoi des imprimés. Enfin renseignez-vous mais ne faites pas de frais, vous en faites bien assez déjà ! ! Je termine en vous embrassant de tout mon cœur. Georges

 

Brouennes (Meuse) le 31 – 10 – 39

Ma chère Maman et tous

Je reçois à l’instant même tes 2 lettres du 24 et du 25 Octobre, toutes 2 à la fois. Vous voyez donc que, malgré la différence des dates de départ, ça arrive ensemble. L’essentiel est que ça n’y mette pas trop longtemps. Quant au colis, tout m’est bien parvenu, victuailles, gants, couverture, mandat sont arrivés à bon port, et le tout étant très désiré, surtout la couverture. Le veau a fait nos délices ces derniers jours, car, sauf du « singe », on n’avait plus rien à manger, le ravitaillement étant toujours très mal organisé. Aussi, tu peux croire ma chère Maman, que tous les champs de patates que nous avons alentour sont souvent l’objet de notre visite, et, avec le vieux poêle que nous avons et une gamelle, nous nous préparons des pommes de terre cuites à l’eau ou bien des frites. Enfin nous nous débrouillons de notre mieux, mais c’est plutôt un régime végétarien qui nous alimente. Je suis très heureux que les vendanges soient abondantes, ce qui ne nous empêche pas de boire de l’eau 8 jours sur 10. Il est bien vrai, comme je vous le dis dans ma dernière que j’ai rencontré Clément Donnadieu, mais d’Aimé Bach, pas même l’ombre. Je me demande qui a bien pu lancer ce « bobard ». Je viens d’arrêter ma lettre un court instant, car aujourd’hui, il fait une journée assez belle, et les avions sont de sortie. Il est donc prudent de se renseigner sur leur nationalité, ce que nous ne manquons pas de faire, et même de tirer dessus à la rigueur.

Rassurez-vous quand même, aujourd’hui, c’est encore assez calme. D’ailleurs, au cas ou ça irait mal, nous avons fait un abri sous terre à deux pas du camion, donc pas de danger.

Tu me dis aussi, Maman, que Raymond Viguier est encore à Toulouse, je veux bien croire qu’il a de la veine, mais on ne me fera pas croire qu’un coup de « piston » n’est pas là dessous. Tous ceux de sa classe ou à peu près et dans n’importe quelle arme sont par ici, donc vous me comprenez ! !…Je ne suis pas jaloux, mais c’est révoltant, ma peau vaut bien la sienne après tout ! Enfin, je ne veux pas en dire plus long, aussi je termine ma missive en vous recommandant d’avoir du « cran » et en vous embrassant de tout mon cœur. Georges

 

(lieu : effacé par la censure) le 2 – 11 – 39

Ma petite Jeannette

Je trouve extraordinaire que tu n’aies pas reçu ma dernière lettre que je t’ai écrite voici une dizaine de jours et en réponse à ta première. Il est vrai que les P.T.T. sont tellement longs qu’il ne faut pas s’en étonner. J’ai dans tous les cas reçu hier ta dernière datée du 27 – 10 et à laquelle comme tu le vois, je fais réponse. J’aime à croire que celle-ci te parviendra en son temps et te rassurera sur mon sort qui pour le moment est assez tranquille, après avoir passé quelques temps dans des secteurs un peu « orageux ». Je vois, par ce que tu me dis que tu travailles ferme aux environs de Lizac, et à ce fameux triage du chasselas, qui était pour moi il n’y a pas si longtemps, l’objet de bonnes parties de rigolade. Les temps ont changé malheureusement, mais je ne désespère pas d’en revivre encore quelques passages. Ici, le temps est toujours froid et pluvieux. Un vrai temps de guerre quoi.

Il ne va pas me rester grand chose à te dire maintenant, si ce n’est de te prier de m’écrire souvent et de tâcher d’aller à Cazes remercier de vive voix mes anciens patrons, et cela pour l’envoi d’un pull-over et autres gâteries que j’ai reçus voilà quelques jours. En t’embrassant de tout mon cœur, je te quitte avec l’espoir de te lire bientôt. Ton grand frère. Georges

 

Brouennes le 4 – 11 – 39

Chers tous

Deux mots en vitesse pour t’accuser réception de ta dernière lettre datée du 28 – 10 et la 16ème du nombre. Donc j’ai à peu près tout reçu.

Maintenant une bonne nouvelle. J’ai appris hier par mes officiers qu’il me faut aller passer un essai de mécanicien à Epernay pour rentrer dans une usine et cela ces jours-ci. Je vous tiendrai au courant mais continuez à m’écrire toujours à la même adresse. Bons baisers. Georges

 

Brouennes le 5 – 11 – 39

Ma chère grande sœur

Pour que tu ne sois pas trop jalouse, c’est à toi qu’aujourd’hui je m’adresserai directement. Je suis certain que tu as eu malgré tout de mes nouvelles par les lettres que j’ai écrites à Maman mais qui, de cœur, s’adressaient à vous tous. J’espère donc que tu ne m’en voudras pas !… J’ai eu, voici deux jours, des nouvelles de Marcel. Il ne s’en faisait toujours pas, mais ne m’annonçait pas cette crise de sciatique dont Maman me parlait dans sa dernière. J’aime à croire que ça ne sera pas long et douloureux comme la dernière (Partie déchirée…) vite sur pied. Quant (…) toujours bon pied. (…) l’avenir avec optimisme (….) par là le moral est bon.

J’ai trouvé hier Fernand Bach ainsi que quelques autres copains de Caylus, Laguépie, Parisot, mais tu ne les connais pas. Je tairai donc leurs noms.

Et toi, ma chère Margot, que fais-tu, dans quel état te laisse cette triste guerre ? Je voudrais être sûr que tu ne t’es pas laissée abattre et que, comme moi, tu as beaucoup d’espoir. Il le faut, entends-tu, car sans cela, les pires choses nous tomberaient dessus.

Et ma petite Lilette, quel beau petit ange ce doit être maintenant. Ah ! celle-là, elle peut dire que son vieux tonton est pressé de la revoir et qu’il pense bien souvent à elle.

Aussi je ne saurais trop te recommander de m’envoyer une ou plusieurs photos de ce petit « chou ». Il me semble que je vais te la croquer de « poutous » à mon retour. Enfin, j’espère que ce jour sera prochain, vu que je dois aller passer un essai à Epernay et être dirigé par la suite dans quelque usine.

J’y aurais bien un peu droit, car il y a un sacré moment que je roule dans des coins qui ne sont pas toujours très tranquilles. Pour l’instant encore, ça peut aller. Il n’y a que la pluie, le froid, et surtout la boue (jusqu’à la cheville) qui nous embêtent.

Quant à la canonnade, elle est minime ici. Tu vois par là qu’il n’y a pas trop lieu de se frapper. J’ai bien maigri un peu, mais je ne suis que plus leste. Donc, et je terminerai par là, tâche d’avoir un excellent moral, comme nous l’avons tous ici, et embrasse bien fort ma (….) comme je vous embrasse (…) du frangin. Georges

Mon bon souvenir à Mr et Mme Mercadier, Suzanne et Elise Cadilhac.

 

Brouennes Le 6 – 11 – 39

Mes chers Parents

Je suis tout étonné que vous n’ayez pas reçu ma lettre vous accusant réception de la couverture, gants, chaussettes…etc. La tienne, Maman, datée du 1er Novembre m’est parvenue ce matin, donc 5 jours après, c’est encore assez supportable dans ces conditions. Je vous écris en moyenne tous les deux jours et je fais réponse immédiatement à toutes vos lettres. De toute façon, tout, jusqu’ici, m’est bien parvenu avec plus ou moins de retard, mais l’essentiel est que ce soit arrivé à bon port. Aujourd’hui, je ne vous raconterai pas grand chose, vu que depuis bientôt trois semaines la vie n’a guère changé ici ; pluie, vent et froid sont toujours de la partie pour ne pas changer. Tu me demandais Maman, d’où étaient mes quatre copains. Et bien voilà, en commençant par la voie hiérarchique : Pellat, le premier, caporal, est un avocat stagiaire de Condom (Gers), Triomphe, le second, 1er S.R. un garçon épicier de Feurs (Loire), Fourcade, le 3ème, un commis des PT.T de Fumel (Lot et Garonne), et Lambert, le 4ème, un cultivateur des environs de Chauzeaux (Maine et Loire). Tout ce que j’ajouterai à leur sujet, c’est que ce sont quatre bons camarades et que l’entente est parfaite. Il n’y a que l’ami Fourcade plus âgé que moi de six mois seulement, il est marié et a deux enfants ainsi que 1er S.T.. Triomphe, mais lui sans enfant. Les autres sont célibataires.

Je vous annonçais dans ma dernière lettre que j’allais être convoqué pour passer un essai de « mécano » à Epernay. Je crains fort que d’après ce que j’ai appris de nos officiers, tout ne soit tombé à l’eau. Il faudra ajouter cela au manque de veine que j’ai eu jusqu’ici. Je ne m’en fais pas quand même et j’espère bien qu’un jour la chance tournera de mon côté. En attendant, tâchez de votre côté d’avoir bon espoir et souhaitez qu’un jour prochain nous réunira tous. Je vous embrasse comme je vous aime. Votre fils, frère, neveu et tonton. 2 poutous spéciaux pour ma petite Lilette. Georges

 

Brouennes le 7 – 11 – 39

Ma chère Maman

Je fais immédiatement réponse à ta lettre du 2 – 11 et t’accuse réception de tes deux mandats de 50 frs ce dont je te remercie. Il m’en reste bien encore, de mes économies, mais ça part vite ici car il faut à peu près tout acheter pour se nourrir, et bien joli encore quant on en trouve. Aussi, tapons nous sur les conserves presque tous les jours. Ca n’est guère bon pour la santé, mais il faut bien se nourrir, aussi, quant un colis nous arrive, c’est presque la noce. A ce sujet, mes quatre copains me prient de te remercier de toutes les bonnes choses que je leur ai fait déguster. Hier soir, nous avons eu une petite émotion à l’heure du souper. Il était 7h moins dix et nous commencions de manger, tout à coup plusieurs batteries de D.C.A. se sont mises à tirer et nous entendions distinctement les obus nous siffler au dessus de nos têtes. Eteindre les lumières, et se planquer dans les abris fut plus vite fait que dit. Cela dura bien un quart d’heure et finalement tout se tut et nous permit de terminer tranquillement notre souper. L’avion « boche » avait du être descendu, car on n’a plus rien entendu de la nuit. C’est la seule grosse alerte depuis que nous sommes ici. Vous voyez que c’est assez calme. Donc soyez tranquilles à mon sujet. J’ai, ces jours derniers, eu des nouvelles de Jane de Toulouse, mais point de René depuis bientôt huit jours.

Je vois journellement Fernand Bach ainsi que Rey, le fils aîné de l’ancien cantonnier retiré à Laguépie. Cela fait plaisir de se retrouver entre pays. Quant à Gaston Denayrolles, je tâcherai de le trouver dès que possible.

En vous quittant aujourd’hui, je vous embrasse bien affectueusement à tous. Georges

 

Brouennes le 17 – 11 – 39

Mes bien chers Parents

J’ai reçu ces jours-ci votre dernière lettre m’annonçant, entre autres, le maintien de Léo à Toulouse et divers petits faits concernant le pays. Quant aux quatre « Dépêche », vous avez eu une bonne idée, car il y a ici beaucoup de Tarn et Garonnais à qui j’ai fait part dudit quotidien, il va sans dire qu’ils en étaient très contents. Je vois Fernand Bach presque tous les jours, de Coicou, j’ai des nouvelles régulièrement car nous nous écrivons à chaque reçu de lettre de part ou d’autre. Je crois bien que c’est le seul copain avec qui j’ai une correspondance suivie, Marcel mis à part bien entendu. Ma pauvre Maman, je t’avais annoncé que j’étais désigné pour aller passer un essai à Epernay ces jours passés. Je crois bien que je vous avais écrit il y a peu de jours que je craignais fort. Aujourd’hui, j’en ai la confirmation. Etant détaché (et cela toujours pas aux meilleurs coins), on a trouvé le moyen au bureau de la compagnie, qui est loin à l’arrière, de remplacer mon nom par un autre plus « pistonné » que moi. Vous avouerez qu’il y a de quoi vous mettre en rogne ! ! Je n’avais absolument rien fait de mal, au contraire, vu que mon équipe, (mes quatre copains) et moi le premier, avons toujours été volontaires pour souvent aller dans des endroits où la situation n’était pas toujours des plus calmes. Après avoir rempli nos missions dans les meilleures conditions, je comptais que j’en aurais été récompensé. Et voilà le résultat ! Enfin, je ne veux plus me plaindre, j’en prends mon parti voilà tout. Malgré tout cela, la santé est bonne et ne croyez pas que le moral en soit atteint. Bien au contraire ! ! !… J’ai le ferme espoir que quelque chose de meilleur m’arrivera. Donc ne vous tourmentez pas à mon sujet et écrivez-moi, et envoyez moi ce que vous voudrez (voyez victuailles), toujours à la même adresse. Sur ce, je vous quitte pour aujourd’hui en vous embrassant de tout mon cœur.

Mille « poutous » à ma petite Lilette.

Votre fils, frère, neveu. Georges

Mes meilleurs souvenirs à la famille Mercadier, Suzanne, et tous les cousins et amis.

 

Brouennes le 18 – 11 – 39

Mes biens chers tous

Je n’ai reçu que hier ta lettre Maman, du 10 – 11, ainsi que le mandat de 50 frs.

Il est vrai qu’il y avait quatre jours qu’on ne nous avait porté aucune nouvelles, aussi je commençais à m’impatienter. Les journaux aussi me sont bien parvenus. Enfin, j’avais d’un seul coup huit ou dix lettres, soit des copains restés à Toulouse, de François, de ma restauratrice…etc.

Un colis de René avec quelques conserves et des bricoles que je lui avais demandées m’est aussi bien parvenu. Bref, j’ai bien pour une partie de la journée à répondre à toutes ces lettres.

Ma chère Maman, je suis bien content que l’allocation soit accordée, mais en attendant, je ne veux pas que tu te gênes pour moi. On commence drôlement à s’habituer à souffrir tu sais. Quant à mon changement, comme je te le dis dans ma dernière lettre, on m’a coupé l’herbe sous les pieds, mais comme je suis très bien vu par le Capitaine et le Lieutenant de ma compagnie, j’ai essayé de me trouver un autre système pour me sortir d’ici. Je te tiendrai au courant au fur et à mesure. Pour les colis et lettres que tu peux m’envoyer, tu ne te préoccupes pas du changement d’adresse s’il y avait lieu, de toutes façons ça me parviendrait aussi rapidement qu’ici. J’aurais bien aimé avoir une photo de Lilette, mais du moment qu’elle est « loupée », tant pis, j’espère tout de même que vous tâcherez d’en essayer d’autres.

Le temps ici est aujourd’hui relativement beau mais froid. Le secteur est calme depuis quelques jours et de ce fait, le moral est meilleur et la santé assez bonne, malgré un petit rhume sans gravité d’ailleurs. Nous sommes en train pour le moment de nous faire une « cagna » dans la terre pour nous protéger des « marmites ». Sur ce, je terminerai en vous embrassant de tout mon cœur. Votre fils. Georges

 

Brouennes le 18 – 11 – 39

Ma petite Jeannette

Je ne te dirai pas grand chose aujourd’hui, si ce n’est que je n’ai reçu que hier ta lettre du 8 – 11 – 39, et cela avec beaucoup de plaisir. C’est une des seules consolations que nous ayons, les lettres. Aussi je ne saurais trop te recommander de m’écrire souvent et longuement.

J’ai régulièrement des nouvelles de Maman, René et toute la famille. Hier même, j’ai reçu un colis de victuailles de René. Je te jure qu’il était le bienvenu car nous n’avons pas grand chose à bouffer. Comme toujours, il fait ici un temps abominable. Pluie, vent et froid sont journellement de la partie. Nous avons de la boue jusqu’à la cheville. Ce n’est guère agréable tu sais. Mais nous supportons tout cela avec l’espoir ferme que ça se terminera le plus tôt possible. J’ai bien peur que ma lettre ne te trouve plus à Lizac, mais j’espère qu’on te fera parvenir.

En attendant de te lire ou de te revoir bientôt, je t’embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Brouennes le 21 – 11 – 39

Bien chers tous

Comme vous pouvez le voir, le papier que tu m’envoies, Maman, est utilisé immédiatement.

Vous pouvez très bien comprendre de ce fait que le colis m’est bien parvenu et que le rôti de veau a été l’objet principal du repas de ce midi qui célébrait, ou plutôt qui fêtait notre camion : « La Lisette ». Après les félicitations de nos officiers pour notre bonne tenue au front (nous sommes les seuls dans la compagnie), notre Caporal a reçu les galons de Caporal chef. Il va sans dire que nous l’avons arrosé de notre mieux, malgré le manque de tout ici. Aussi ton colis, Maman, a été drôlement touché aujourd’hui et j’ajouterai qu’il n’en reste pas grand chose.

Que veux-tu, quand nous avons quelque chose de bon qui nous arrive nous ne savons pas nous retenir ! ! ! Comme de juste d’ailleurs. Car la nourriture est toujours des plus mauvaises et déficiente. On m’a déjà pas mal parlé des permissions de part et d’autre. Jusqu’à maintenant, je n’en ai rien su. Mon tour viendra peut-être, mais quand… ! ! !

J’ai reçu aujourd’hui plusieurs lettres, entre autres celles de Lucien et de René Garrigues. Vous dire que c’est toujours une joie que les lettres est inutile ! Et encore nous ne les avons que tout les quatre ou cinq jours. Vous comprendrez que nous attendons toujours avec impatience.

J’ai un camarade qui tient absolument à te remercier de tout ce que tu nous a envoyé de bon, et qui part, lui, en permission ce soir en tant que marié. C’est celui de Feurs, aux environs de Montbrizon. Je crois que tu connais ça Maman.

Pour ce soir, le sommeil me prend et je vais tâcher de m’enrouler dans la couverture et dormir de mon mieux.

En vous embrassant tous, je vous quitte. Georges

 

Brouennes ce 30 – 11 – 39

Bien chers Parents

J’ai bien reçu hier votre lettre du 21 – 11 ainsi que les journaux. Jusqu’à maintenant, tout m’est bien parvenu avec plus ou moins de retard, mais du moment que ça m’arrive, c’est l’essentiel. Les victuailles surtout sont les bienvenues, car la nourriture est toujours aussi mauvaise. Ne croyez pas tout de même que les lettres et les journaux aussi ne le soient pas autant, tout au contraire.

Nous avons besoin de nouvelles pour nous remonter le moral quant il est déficient, et c’est toujours terriblement long d’attendre le vaguemestre. Nous sommes tellement isolés qu’on ne nous apporte les lettres que tous les 4 jours. C’est long, vous savez ! Je suis très heureux que Léo soit resté à Toulouse, mais je le suis moins en pensant aux « macaronis ». Qu’est-ce qu’ils foutent de ne pas être déjà partis ? Le « piston » doit marcher pour eux va ! Coicou m’écrivait hier, et je te jure que lui aussi en a gros sur la « patate » de voir toutes ces lâchetés. Soyez sûrs que si nous avons une « perme » (problématique hélas) nous nous sommes jurés d’en mettre quelques uns au pli. Marceau Miquel, Louis Poux m’ont aussi donné de leurs nouvelles. En un mot, la presque totalité des jeunes Verfeillais est aux portes du front, ah ! C’est du joli… ! ! ! Nom de Dieu, plus j’y pense, plus l’envie me prend de cracher à la face d’un certain gros « pansu » et de ses acolytes soit disant patriotes mais à 1000 kms du feu.

Ne croyez pas que tout ce que je vous dis là ne soit dicté dans un moment de découragement, bien loin de là ! ! Mais Poux, Coicou, Miquel m’écrivent tous dans le même esprit de dégoût pour les gens que je cite plus haut, et ça achève par mettre en boule.

Dans tous les cas, si, (et je le souhaite) un jour, on se retrouve tous ensemble, je crois qu’il ne fera pas bon nous la faire boucler. Enfin, attendons et nous verrons. Je suis toujours en assez bonne santé malgré la persistance du mauvais temps. Il fait ici de véritables tempêtes de pluie et de vent. On tâche de parer à tout cela avec notre méchant poêle. Heureusement que le bois ne manque pas. J’ai écrit à Jeannette avant son départ de Lizac. Elle n’y aura pas reçu ma lettre, mais j’espère qu’on la lui fera parvenir. De Pautal, plus de nouvelles depuis un sacré moment. Pour sûr que sa permission inattendue l’aura retardé pour cela. Quant à moi, je n’y compte pas avant un bon mois et encore, s’il n’y a rien d’ici là.

Malgré tout, il y a le copain Triomphe, (celui de Monbrison), qui rentre Dimanche prochain de la sienne. Mais lui est marié et d’active. Enfin, attendons patiemment et ça viendra bien un jour bon Dieu.

Il ne va plus me rester grand chose à vous dire maintenant, si ce n’est que vous pouvez m’envoyer du papier et des enveloppes. Nous en faisons une grosse consommation. Bien des choses à tous les voisins en particulier à la famille Mercadier, Lecussan, Lagarde et d’autres.

Pour vous tous mes meilleurs baisers et bon courage.

Votre fils, frère, tonton, neveu. Georges

Il va sans dire que c’est à ma petite Lilette que j’adresse le plus de « poutous ».

 

Brouennes ce 3 – 12 – 39

Mes chers Parents

Suite à ta lettre du 26 – 11 et à laquelle je m’empresse de faire réponse, ma chère Maman, et par laquelle aussi je vous accuserai réception du mandat et de l’arrivée à bon port de l’eau de vie. J’avais omis de vous en parler dans mes précédentes lettres. Enfin, tout est bien qui finit bien ! Ici, tout est normal comme à l’habitude depuis quelques temps. Fernand Bach et son régiment ne sont plus là depuis bientôt une huitaine. Ils ont été remplacés par des artilleurs Coloniaux qui viennent directement du front, soit - disant au repos. Pourtant, il me semble que ce n’est pas trop tranquille ici. Enfin, ne cherchons pas à comprendre… ! ! !

Maintenant, Maman, il faudrait que tu m’envoies si tu le retrouves, un genre d’étui à cigarettes qui est en somme un appareil automatique pour les rouler. Ce n’est pas pour moi, c’est pour le Caporal qui ne sait pas les faire et au prix du tabac actuellement, il fait bon moins fumer. Tâchez de le retrouver, je suis sûr que je l’ai laissé à Verfeil. Quant aux chaussettes et tout le reste, ça ne peut pas mieux aller. Je ne vous parle pas des permissions car je n’y compte guère vu que les départs sont donnés au compte-gouttes. Heureux sont ceux qui ont pu rester à l’arrière. L’essentiel est que je sois toujours en bonne santé malgré une nourriture de plus en plus mauvaise et plus qu’insuffisante.

En attendant la joie de vous relire, je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Brouennes, ce 4 – 12 – 39

Ma chère Maman

Deux mots simplement pour t’accuser réception des deux colis gratuits que tu m’as adressés et qui me sont parvenus en bonnes conditions, sauf le chasselas que je regrette beaucoup ne pas avoir goûté. C’est vraiment un fruit trop périssable pour supporter un transport long et certainement sans ménagements. Quant aux pommes et aux fritons (qui ont été entamés immédiatement) ils ont été l’objet de notre entière satisfaction. Ce sont des choses qui nous sont totalement ignorées actuellement. Tu remercieras Mme Mercadier et tante Irma pour le reste de l’envoi en leur disant que je leur écrirai sous peu.

Je ne vous dirai pas grand chose de plus, vu que je vous ai écrit hier. Maintenant, Maman, si tu peux m’envoyer une paire de sandales bien chaudes, elles seraient bien souvent les bienvenues avant de nous coucher dans le camion. A la rigueur même, on peut les garder pour dormir. On n’en est pas à ça près maintenant. J’ajouterai à cela que le secteur est toujours calme pour le moment et que nous souhaitons que ça dure longtemps. Dis donc Marguerite, si tu voulais m’envoyer une copie du bail que vous avez passé à Francon, mon copain Pellat qui est avocat, m’a proposé de l’étudier pour voir de quoi il en retourne au sujet des embêtements que vous avez eu avant la guerre.

Sur ce, mes biens chers tous, je vais vous embrasser de tout mon cœur en vous disant à bientôt certainement.

Mille poutous à Lilette. Votre fils, frère, neveu. Georges

 

 

 

 

Brouennes ce 8 – 12 – 39

Mes chers Parents

J’ai bien reçu hier votre lettre du 1er Décembre ainsi que le mandat de 100frs. Le tout m’a fait grand plaisir mais c’est surtout les photos de notre petite Lilette qui m’ont le plus touché. Quel beau petit ange c’est maintenant ! ! Et que ne puis-je l’embrasser encore ! !… Pourtant je devrais me réjouir presque car mon tour de « perme » approche et il ne serait pas étonnant que je sois parmi vous pour les fêtes de Noël et du premier de l’an. Le copain Triomphe est rentré hier et aussitôt c’est Lambert qui est parti. Vu que c’est d’abord ceux d’active qui partent les premiers, et qu’eux deux en sont, c’est ensuite les plus vieux par postes.

Me trouvant être le plus ancien et Lambert devant rentrer le 22, c’est donc mon tour. Mais tout cela n’est qu’hypothétique car on a vite changé d’avis dans les conditions actuelles. Donc n’y portez pas trop d’intérêt. Il faut que je vous dise aussi qu’il n’a tenu qu’à un cheveu que notre compagnie parte en Syrie. Nous devions embarquer le 20 de ce mois-ci. Heureusement nos officiers ont pu écarter assez tôt cette expédition. De ce fait, nous sommes toujours à Brouennes qui,depuis quelques temps, (sauf hier), est dans un calme relatif. J’ai eu aussi hier des nouvelles de René et de Juliette. Quant aux journaux, ils m’arrivent régulièrement, à ma plus grande joie d’ailleurs. Notre Caporal Pellat va nous quitter pour aller suivre des cours en vue d’en sortir Lieutenant.

C’est regrettable, car nous étions non pas cinq copains, mais cinq frères, et vous savez en ces temps de guerre, c’est quelque chose l’amitié.

Voilà donc en peu de mots un aperçu de mon emploi du temps. Toujours en bonne santé et avec un excellent moral. Sur ce, je termine en vous embrassant de tout mon cœur. Georges

 

Aux armées ce 12 – 12 – 39

Chers tous

Bien reçu ces jours derniers vos lettres ainsi que tous les mandats annoncés. Ici, c’est toujours la même vie humide mais calme dans l’ensemble. Tu me demandais Maman si l’eau de vie m’était bien arrivée. Ca ne pouvait mieux aller, malheureusement il n’y en avait pas assez. Pas mal des « copains » par ici en reçoivent demi-litre. Margot me parlait de l’institutrice d’ici. J’ai su qui c’était dès les premiers jours, rien de bien intéressant quoi.

J’attends toujours patiemment mon tour de « perme » qui commence à se faire désirer. Je ne peux vous fixer aucune date n’en sachant rien. En attendant je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Brouennes ce 17 – 12 – 39

Bien chers Parents

C’est un peu en retard cette fois-ci que je réponds à ta dernière lettre Maman.

Rassurez-vous il n’y avait rien de grave qui m’en empêchait, tout simplement un bon rhume qui d’ailleurs est éliminé à ce jour. La lettre de Margot ainsi que le mandat de 100 frs me sont bien parvenus. A ce sujet, je serais bien curieux de savoir combien vous touchez d’allocation journalière et si un rappel vous a été versé, car je ne veux pas que vous en mettiez de votre poche. On est habitué à se priver maintenant et il n’est pas utile que vous souffriez pour nous. Je ne vous parlerai pas longuement de ces trop fameuses permissions car encore je ne sais rien pour moi, et pour fixer une date approximative, c’est impossible. Ici, c’est toujours la même vie calme maintenant, mais avec du froid et de la neige par dessus le compte. De la nourriture, je n’en parlerai pas non plus, vu que ça n’a pas changé. Nous sommes loin de la nourriture saine et abondante annoncée par les journaux. Aussi le poulet qui doit me parvenir est-il attendu comme le Messie, et surtout pour fêter ce Noël qui sera bien triste hélas… ! ! Ne croyez pas pour cela qu’on se laisse aller au découragement. Il n’en est rien car l’issue d’une victoire proche nous réconforte. En peu de mots je vous aurai tracé un peu de ma vie actuelle. J’espère qu’à la maison tout va pour le mieux et c’est dans l’espoir que ça continue dans ces conditions que je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fils, frère, neveu et tonton. Georges

Mille poutous à ma petite Lilette.

 

Brouennes ce 19 – 12 – 39

Mes chers Parents

Le papier seul vous fera foi que vos lettres du 12 et 13 Décembre me sont bien parvenues aujourd’hui, ainsi d’ailleurs que les journaux et tout le reste.

Malheureusement il y a une ombre au tableau, c’est que je ne serai pas parmi vous pour Noël. La malchance me poursuit ce qui fait que mon tour est encore retardé.

J’en prends mon parti que voulez-vous, mais non sans en avoir gros sur le cœur.

Bientôt trois mois que nous sommes en position et la relève ne s’est pas encore annoncée. Je ne compte plus sur rien et je me laisse vivre. Je crois que c’est le meilleur parti à prendre. Je suis bien content, Maman, que tu m’envoies de bonnes et chaudes sandales car tu sais, il fait souvent froid aux pieds par ici. Malgré tout, je me porte relativement bien et souhaite qu’il en soit de même pour vous tous. Georges

 

Brouennes ce 20 – 12 – 39

Mes chers tous

Deux mots simplement pour vous accuser réception du colis contenant sandales, madeleines…etc, le tout arrivé à bon port. Il y a maintenant une ombre au tableau, c’est que je suis fixé maintenant quant à avoir ma perme pour Noël. Encore une fois, je passe après plus pistonné que moi. Mais je crois que je vous en ai déjà parlé donc je ne reviendrai pas là-dessus. Les sandales me vont au « poil » et sont chaudes surtout ; c’est tout ce que je demandais.

Il nous faut peu de choses pour nous contenter vous savez. J’avais demandé à René un béret basque que j’avais laissé à Toulouse. Dans sa dernière lettre, il ne me parle pas de son envoi ni non plus d’un cache-nez. Si vous pouvez me procurer cela, je crois que ça me rendra service, surtout le béret qui permet de pouvoir mettre le casque par dessus, car on ne peut toujours porter le passe – montagne. Enfin, tâche de faire pour le mieux. Aujourd’hui le temps a été relativement doux, trop doux même car ce doit être un avant-précurseur d’une descente de neige. Quel cochon de temps Bon Dieu qu’il fait par ici ! !

J’espère que la température au pays est beaucoup plus clémente. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter que ça dure dans ces conditions et aussi de pouvoir bientôt vous embrasser tous. Mille baisers de votre fiston. Georges

Ne croyez pas que si je vous demande des comprimés « d’Aspro » c’est pour cause de maux de tête. Il n’en est rien ; c’est tout simplement en cas.

 

Brouennes ce 24 – 12 – 39

Bien chers tous

J’ai attendu jusqu’à aujourd’hui pour vous répondre, tant pour les lettres que pour les colis qui me sont tous bien parvenus et les journaux aussi. Soyez sûrs que le poulet et saucisse ne pouvaient mieux tomber pour ce triste Noël, cela nous permettra de faire un petit réveillon que j’aurais préféré faire parmi vous. Mais encore une fois, mon tour est passé pour en favoriser un autre. D’un autre côté, je suis bien content que Marcel ait beaucoup de chance pour se trouver à Verfeil à l’occasion de ces fêtes. Au moins que l’un d’entre nous s’y trouve, n’est ce pas !!

Ce jour de Noël ici est vraiment de circonstances, temps très gris, neige, verglas…rien n’y manque. C’est encore bien plus triste. De toutes façons il faut encaisser le coup sans broncher, le secteur est des plus calmes maintenant, c’est déjà un point de gagné.

Il ne me reste plus maintenant qu’à vous souhaiter un Noël aussi joyeux que possible vu que Marcel y sera et maintenant (un peu prématuré peut-être), que l’année qui vient se termine en beauté, c’est à dire par une victoire et la réunion complète de nous tous. Bonne et heureuse année de votre fils, frère, neveu, beau-frère et surtout tonton. Georges

 

Déplacement en forêt à 2 Kms de Brouennes

 

Aux armées ce 30 – 12 – 39

Mes chers tous

C’est seulement aujourd’hui que je reçois vos lettres des 23 et 24, et avec un retard sensible comme vous le voyez. Quant au colis et mandat, le tout est parvenu en temps voulu, ce qui nous a permis de faire un petit réveillon, mais bien triste hélas… ! ! !

Nos pensées étaient loin d’ici croyez-le ! Enfin, nous nous sommes vengés sur le poulet et sur une dinde que le Caporal Pellat avait reçue. Le tout a été dévoré après la messe de Minuit à laquelle nous avons assisté, et chez des paysans qui avaient eu la bonté (ils sont rares ici), de nous faire réchauffer le tout. Enfin tout s’est bien passé car nous n’avons pas été embêtés une seule fois par les alertes. Il faut que je vous dise aussi que depuis une dizaine de jours nous ne sommes plus à Brouennes même mais en pleine forêt, à environ 2 kms du patelin, sans une goutte d’eau, mais de la neige et un froid… Je ne vous dis que ça.

La nuit dernière il a fait – 18°. Heureusement que nous avions le poêle et que le bois ne manquait pas, sans cela je crois qu’on nous aurait retrouvés comme des bâtons de glace. Le vin, l’encre et le pain avaient gelé ! Aussi nous déguisons-nous en véritables esquimaux. Le passe–montagne et tout ce que nous pouvons nous mettre sur le corps est utilisé. A ce sujet, si vous pouviez me procurer deux ou trois paires de bons caleçons longs et de flanelle de corps, sans manches, je crois que cela me serait utile. Je vous demande tout cela car je ne sais quand je viendrai en « perme » maintenant, et d’ici là il peut faire encore plus froid, donc je préfère me préserver de tout ce qui peut m’attraper. Enfin, faites pour le mieux et le plus rapidement possible, et en terminant, je vous adresserai à tous, sans oublier tante Irma et tous nos amis et cousins, mes vœux les plus ardents pour 1940. Que cette année soit pour vous et nous une année de retour dans nos foyers avec toute la joie que vous devez espérer. Votre fils, frère, neveu et tonton. Georges

Mille poutous à ma petite Lilette. Mes vœux tous particuliers aux familles Simian et Mercadier.

J’ai appris par Coicou la naissance un peu malencontreuse de deux Verfeillais ou Verfeillaises. Vraiment, on se débrouille au pays ! ! !

 

Aux armées, ce 2 – 1 – 40

Mes chers Parents. C’est seulement aujourd’hui que je reçois votre lettre du 27 Décembre. Il est vrai que la distribution nous est retardée du fait que nous sommes éloignés du patelin d’environ 2 kms et comme je vous l’ai déjà dit au cœur d’une forêt. Ca n’a vraiment rien d’agréable. Autant que vous puissiez l’être, je suis bien embêté de ne pas m’être trouvé en perme pour ces fêtes de Noël et 1er de l’an. Marcel, lui aussi n’a pas eu cette chance. Que voulez-vous, il faut se plier aux exigence du métier militaire, ce qui fait que je ne sais quand je pourrai partir maintenant.

Mon tour n’est certainement pas loin, mais quand viendra-t-il… ? ? Mystère ! Enfin l’espoir fait vivre, c’est déjà quelque chose. La santé et le moral sont malgré tout excellents. Le froid se fait de plus en plus sentir dans ces régions (moins 22° par moments). Quant à René, je ne crois pas qu’il puisse (au cas où il serait pris) se trouver avec moi. Qu’il demande quand même, il ne risque pas grand chose. Qu’il demande le Génie Radio, au moins il sera plus tranquille.

Je ne vois plus grand chose à vous dire pour l’instant, aussi vais-je vous quitter en vous embrassant de tout mon cœur. Votre fils, frère, neveu et tonton. Georges. Deux gros « poutous » spéciaux à Lilette.

 

Aux armées, ce 4 – 1 – 40

Mes très chers tous

Votre lettre du 29 – 12 est venue me trouver comme vous le savez au beau milieu des bois, et aujourd’hui seulement. Les fêtes de Noël et du 1er de l’an ont porté un retard assez sensible aux correspondances. Je comprends que tout le monde a du être content de l’arrivée de Marcel. Je vous assure que j’en suis très heureux pour lui mais j’aurais tant tenu à m’y trouver en même temps. Le sort ne l’a pas voulu ainsi, et tout s’enchaînant, je finis par croire qu’une mauvaise étoile plane sur moi. Je n’ai pourtant rien fait pour mériter cela ! ! Que cela malgré tout ne vous tourmente pas car je le prends du bon côté.

Cela va faire 3 mois que nous sommes ici et maintenant on ne nous parle plus de « perme ». Les jeunes sont partis et revenus, mais nous les « anciens » devons rester sur les positions et attendre. Donc, faites comme si j’étais venu et reparti et continuez comme auparavant.

Je reçois régulièrement journaux, lettres et mandats. C’est déjà un point d’acquis. Il fait ici un froid excessif mais le bois ne nous manque pas, et le jour, nous nous réchauffons en travaillant à la construction d’une « cagna » qui une fois finie ne craindra pas les obus.

Nous aurons environ quatre mètres de terre au-dessus de nous. Vous voyez par là que nous pouvons voir venir. Je vais terminer car il n’est pas loin de 10 heures et nous n’avons pas trop de lumière. Je vais renfermer dans ma lettre tous mes plus gros baisers pour vous tous et surtout pour ma petite Lilette. Votre fils, frère neveu et tonton. Georges

 

Déplacement à Dun Sur Meuse

 

Dimanche, ce 10 – 1- 40

Mes chers tous

Ma lettre sera un peu courte ce soir vu que je suis à Dun sur Meuse depuis peu de temps. Je suis affecté maintenant au camion-atelier.

De ce fait, mon tour de permission se rapproche, et ne vous étonnez pas de me voir arriver aux environs du 24 ou 25. Envoyez malgré tout, tout ce que je vous ai demandé et si possible un mandat de 150 frs pour rembourser un copain qui m’en a prêté 50. Le reste me suffira pour le voyage.

Avec la joie que vous pensez, je vous embrasse tous bien fort. Georges

 

Dun sur Meuse ce 20 – 1 – 40

Bien chers tous

Cette fois-ci je crois que je vous écris pour la dernière fois avant mon départ en perme. Ce n’est pas malheureux car je commençais à perdre patience et le temps ici n’est pas fait pour vous mettre de la joie.

Voilà huit jours que nous avons presque continuellement du moins 20° ou 22. La neige par dessus le compte, c’est complet, aussi.

J’ai bien reçu le colis qui est arrivé à point vu les circonstances, aussi ai-je mis les caleçons immédiatement, ça me tient plus chaud que des caleçons de toile. Ceci dit, comptez me voir arriver aux environs du 25 courant.

En attendant, je vous envoie mes plus gros baisers. Georges

 

Dun sur Meuse ce 8 – 2 – 40 (de retour de permission)

Bien chers tous

Me voici donc revenu depuis avant-hier dans cette Sibérie Lorraine, après un voyage relativement bon. Malgré tout, il fait bien moins froid qu’à mon départ et ce n’est pas malheureux.

Comme je vous l’avais dit, j’ai resquillé un jour de plus sans accroc car on ne m’a encore rien dit. A savoir cela, j’aurais du en prendre un peu plus car vous pouvez croire qu’on a le cafard quand on revient ici. Enfin, il faut croire que ça se passera vite. Dans tous les cas, me voici affecté définitivement au camion–atelier, avec bien sûr de meilleures conditions de confort. Souhaitons que ça dure comme cela. Quant au poulet et autres, le tout est déjà digéré. J’ai oublié ma couverture, vous me l’enverrez donc le plus tôt possible, en attendant je vous embrasse tous bien fort. Georges

 

Dun sur Meuse ce 22 – 2 – 40

Bien chers tous

C’est aujourd’hui seulement que je vous réponds pour vous accuser réception des lettres et couverture qui me sont tout très bien parvenus. La cause de mon retard est occasionnée par le fait que j’étais en déplacement pour dépanner 2 voitures à une 40 tne Kms d’ici à Dauvillers plus exactement. J’y ai passé 3 jours et ne suis rentré qu’hier au soir. De ce fait, j’étais sans lettres durant mon séjour et je vous assure qu’il me tardait d’en avoir. Enfin, tout est bien qui finit bien et me voici revenu à Dun sur Meuse. Comme je vous l’avais annoncé, je suis bien mieux à tous points de vue. Le secteur est extrêmement calme et vous m’en voyez ravi car j’en avais assez de ma précédente vie des bois. Malgré un bon rhume que je n’ai pas manqué d’attraper sitôt arrivé ici, le moral et la santé peuvent aller. Surtout en plus de cela que les tours de permission recommencent à partir d’aujourd’hui. Aussi, l’espoir de repartir bientôt nous donne du cœur au ventre. Quant à la couverture, malgré le froid qui se fait toujours sentir, elle ne m’a pas trop fait défaut, et pour l’oreiller, faites comme vous le jugez. Mais envoyez-moi de « l’Aspro » et quelques victuailles. La nourriture peut aller ici, mais un peu de changement à l’ordinaire ne nous fait pas mal de temps en temps. Par exemple pour demain, nous avons un magnifique lièvre de 8 livres à bouffer. Bien entendu, il a été pris au collet. Enfin, nous passons le temps le plus agréablement possible. Bien chers Parents, pour ce soir je terminerai mon bavardage en vous embrassant tous bien fort et tout particulièrement ma petite Lilette. Georges

Si vous pouviez m’envoyer quelques sous, vous me feriez bien plaisir.

 

Dun sur Meuse ce 27 – 2 - 40

Bien chers tous

2 mots en vitesse, pour vous dire que tout m’est bien parvenu et c’est même dégusté. Le tout (victuailles bien entendu) était excellent. Quant au reste, ça va très bien. Il est 8 h ½ et j’arrive de Verdun chercher des pièces. Je suis harassé, dans ma nouvelle affectation, il ne manque pas de travail, mais au moins, je suis bien plus tranquille. René, qui m’a écrit hier, m’apprends que Margot a quitté Bréguet. Elle a peut-être eu tort, car elle aurait certainement été augmentée. Je comprends qu’elle devait avoir beaucoup de peine de quitter notre petit « bout de chou », mais elle pouvait être tranquille du moment que vous étiez là. Enfin, du moment qu’elle l’a jugé bon, je m’incline. Je vous apprendrai maintenant que les tours de « perme » ont déjà repris (craint-on un coup dur, je n’en sais rien), aussi, d’ici 1 mois ½ environ, je compte bien partir à mon tour.

En attendant cet heureux jour, je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fils, frère, neveu et tonton. Georges

 

Aux armées, ce 7 – 3- 40

Bien chers tous

Deux mots en vitesse car je suis débordé de travail, pour vous accuser réception du mandat de 100 Frs reçu aujourd’hui, mais quant au colis expédié le 25, je n’ai encore rien reçu. J’aime à croire que ça ne saurait tarder. Ici, pour l’instant tout est relativement calme, la nourriture est potable aussi, enfin en un mot, ça va mieux qu’au début. Maintenant, attendez-vous à me voir rappliquer vers le 5 ou 6 du mois prochain (évidemment s’il n’y a rien d’ici là). En attendant je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fils, frère, neveu et surtout tonton. Georges. Mille poutous à ma petite Lilette.

 

Aux armées, ce 14 – 3 – 40

Bien chers Parents

C’est immédiatement que je réponds à votre dernière lettre reçue aujourd’hui, car si j’attends, ce serait très en retard. Comme bien vous le pensez, je suis débordé de travail. A franchement parler, je ne le regrette pas, car le temps passe beaucoup plus vite et de ce fait plus agréablement. Tout ce que je puis vous dire, c’est que le secteur est toujours calme et que pour la santé, ça va on ne peut mieux. En un mot, ma vie a totalement changé depuis mon retour de permission. Donc ne vous en faites pas à mon sujet et attendez vous à me voir rappliquer incessamment. Mes plus gros poutous à tout le monde et tout spécialement à ma Lilette. Georges

 

Le 20 – 3 – 40

Mes bien chers tous

Vous devez vous apercevoir que je n’écris pas aussi souvent depuis mon retour. La cause en est à mon occupation actuelle qui je vous l’avoue, ne me laisse guère de loisirs. Dans tous les cas, en travaillant de mon métier, je trouve le temps moins long et vous pouvez croire que c’est quelque chose que d’avoir l’esprit occupé par autre chose qui ne vous rappelle pas les beaux jours de l’arrière. Enfin, pour le moment tout se passe pour le mieux et j’attends la « perme » avec empressement. Quant à la santé, ça va pour le mieux et pour les mandats et colis déjà annoncés, tout est arrivé à bon port et dans les meilleures conditions, surtout le rôti de veau qui a fait nos délices, vu que nous n’en mangeons jamais. En un mot, tout est déjà dévoré. J’aime à croire maintenant que Tante ne va pas plus mal et que vous tous, surtout ma petite Lilette, vous trouvez dans les meilleures conditions de santé.

Le froid a totalement disparu depuis quelques jours pour faire place à la pluie qui, je vous le certifie, n’est guère agréable par ici. Je ne compte partir en « perme » qu’aux environs des 2 et 3 avril si, d’ici là, il n’y a rien d’anormal. De toute façon, le plus tôt sera le mieux. Je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur et tout spécialement ma petite « Lilou ». Votre fils, frère, neveu et tonton. Georges

 

Dun sur Meuse, ce 18 – 4 – 40 (de retour de permission)

Bien chers tous

Me voici donc à nouveau rentré à la compagnie après un assez bon voyage. Rien n’est changé pour l’instant si ce n’est que l’on est mené comme des « bleus ». C’est un peu amer vous savez. Enfin, souhaitons que ça ne durera pas trop à ce régime. Le secteur est toujours calme par ici mais le temps est maussade et pluvieux. Il est vrai que c’est habituel dans ces régions.

Je ne vois plus grand chose à vous dire pour l’instant. Le vous embrasse tous bien fort et tout spécialement ma petite Lilou. Georges.

 

Dun sur Meuse, ce 25 – 4 – 40

J’espère que vous avez certainement reçu la première lettre écrite dès mon retour de perme et vous rassurant sur mon voyage et sur la situation qui se passe ici. Encore, pour l’instant, ça va à peu près, espérons que ça continuera comme ça. Ceci dit, je voudrais bien que vous m’envoyiez la pellicule où nous sommes photographiés tous les quatre frères et sœurs le jour du baptême de Lilou. J’ai l’occasion de faire reproduire en mieux et plus grand. Quant à la santé, tout va très bien et je vous embrasse tous bien fort en souhaitant qu’il en soit de même pour vous. Georges

 

Ce vendredi 26 – 4 – 40

Mes bien chers tous

Reçu ce matin la lettre de Margot m’apportant des vœux de bonne fête de vous tous. Ils me sont plus sensibles ici que partout ailleurs et pour cause. Actuellement, on nous mène une vie impossible à tous les points de vue. Je suis à me demander quand tout cela finira car si l’on croit remonter le moral des hommes en agissant de la sorte, j’ai l’impression très nette qu’ils se trompent. Malgré tout, nous tâchons d’encaisser le coup de notre mieux, mais je vous assure que le caractère s’aigrit de jour en jour. Enfin, souhaitons que tout se finisse au plus tôt et que ce cauchemar et cette vie de galère ne reste plus qu’en souvenir. Quant à Marcel, vraiment c’est bien la poisse ! ! Pour une fois que nous aurions pu nous rencontrer, il a fallu ce fâcheux contretemps pour nous couper net tous nos projets. Et maintenant, je vous annoncerai que j’ai fait hier une nouvelle demande d’affectation spéciale en qualité d’ajusteur-outilleur. Je ne sais pas ce que cela rendra, mais j’ai l’impression que c’est beaucoup plus sérieux qu’avant.

De toutes façons, je vous tiendrai au courant. Le secteur est ici toujours calme et la santé pas mauvaise.

En souhaitant qu’il en soit de même pour vous tous, je vous embrasse bien fort. Votre fils, frère, neveu et surtout tonton. Georges

P.S. Merci à Lucien et mes amitiés aux familles Lagarde et Lecussan.

 

Le 6 – 5 – 40

Bien chers tous

Voilà déjà un sacré moment que je ne vous ai donné de mes nouvelles et pourtant, ce n’est pas que je ne pense pas à vous, bien au contraire ; surtout en ce moment où on nous mène une vie impossible.

Nous n’avons pas une minute à perdre dans la journée et je vous jure qu’il faut travailler, ou sinon c’est la promesse d’aller, de vous foutre dedans qui vous attend.

Le résultat est que je me suis déjà buté avec les officiers et que je suis drôlement repéré. Enfin, jusqu’ici, je n’ai pas écopé et je me tiens le plus tranquille possible, car j’ai fait une nouvelle demande d’affectation spéciale qui, cette fois-ci est, je crois en bonne voie. Il ne faut tout de même pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, mais j’ai tout de même bon espoir. Que vous dirai-je encore, si ce n’est que le secteur est des plus calmes, et, si nous n’étions pas embêtés nous supporterions assez bien cette vie forcée. Je vous dirai aussi que j’ai bien reçu le colis de linge avec pâté et fritons qui ont été appréciés vu qu’il n’en reste déjà plus. Quand à la santé, ça peut aller. J’ai bien encore un peu d’enrouement mais ça s’atténue de jour en jour. Le dernier mandat est aussi bien arrivé et aussi bien malade car nous avons arrosé la promotion de plusieurs copains passés caporaux ou sergents. Je ne vois plus grand chose à vous dire pour aujourd’hui, j’espère que Marcel est en perme actuellement, vous l’embrasserez pour moi. A vous tous les meilleurs baisers de votre fils, frère, neveu et tonton. Georges

 

Déplacement dans les bois aux environs de Dun sur Meuse (lieu exact inconnu). Sans doute suite à une offensive Allemande.

 

Aux armées, ce 10 – 5 – 40

Mes bien chers tous

N’ayez aucune crainte, je n’ai encore rien eu pour le moment et j’espère que ça se terminera comme ça. Drôles de fêtes de Pentecôte tout de même ! ! ! Enfin ne vous en faites pas à mon sujet, je compte bien m’en sortir sans avaries. Je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fiston. Georges

 

Ce dimanche 12 – 5 – 40

Mes bien chers Parents

Triste Dimanche de Pentecôte que celui que nous venons de passer. Dans cette seule journée, nous avons eu 16 alertes. Heureusement, tout s’est bien passé jusqu’à maintenant. En un mot, le front est changé de position. Enfin j’espère que tout se terminera pour le mieux et le plus tôt possible. J’ai bien reçu aujourd’hui votre dernière lettre. Je vous quitte car il est 11 heures et nous ne dormons que d’un œil depuis plusieurs jours. Mille et mille baisers à vous tous. Georges.

 

Aux armées ce 17 –5 – 40

Mes bien chers tous

Enfin, depuis six jours nous avons un moment de répit mais je vous assure que nous avons eu chaud ! !…Heureusement, nous n’avons pas eu trop de pertes.

Tranquillisez- vous tout de même, nous sommes camouflés dans les bois. Donc hors de portée de vue des avions qui sont les plus dangereux pour nous. Mais enfin, on s’est habitués et le moral reste bon tout de même. J’ai bien reçu le mandat de 50 Frs en son temps, mais ici, nous n’avons pas l’occasion d’acheter ce qui nous est nécessaire ; aussi vous demanderai-je de m’envoyer de la nourriture qui ne périsse pas facilement et en plus de cela, quelques savonnettes, des enveloppes et des pierres à briquet, et si possible, un demi de « gnole » car ici elle nous fait plus que besoin. Je n’ai plus grand chose à vous dire et je termine bien vite car un copain part au secteur postal. Je vous embrasse bien fort à tous. Georges

 

Ce 19 au matin

Mes bien chers tous

J’ai bien reçu hier votre lettre datant du 13 courant et toujours dans les mêmes conditions avec malgré tout un peu d’accalmie dans le mitraillage et les bombardements. Je vous avouerai que les premiers jours n’étaient pas rigolos, mais maintenant, on commence à s’y faire. Il est vrai que la vie sous bois nous cache à la vue de ces salauds. Enfin de toutes façons, ne vous en faites pas, j’espère bien que tout cela se terminera pour le mieux et cela avant peu. Je vous renouvellerai comme dans ma dernière lettre de m’envoyer de la boustifaille et des lames de rasoir si possible où alors, faites-les moi envoyer par René qui les trouvera plus facilement à Toulouse. Le vaguemestre attend que j’ai fini aussi je termine en vous embrassant bien, bien fort. Votre fils, frère, neveu et tonton. Georges

 

Ce 24 – 5 – 40

Bien chers tous

Le secteur est aujourd’hui beaucoup plus calme et ce n’est pas malheureux ! !… Je commençais à en avoir mal à la tête de tous ces bombardements ! Enfin, on finit par s’y habituer à la longue, mais je vous assure que ça n’a rien d’agréable. De toutes façons, le moral reste excellent et la santé aussi. Que demander de mieux ? Toujours la même vie sous bois qui aurait son agrément durant cette saison si le danger ne planait pas sur nous.

Enfin, tranquillisez-vous, j’ai toujours le ferme espoir que tout cela se terminera pour le mieux. En vous embrassant de tout mon cœur, je vous quitte. Georges.

J’ai bien reçu mandat, lettres et journaux.

 

Ce 26 – 5 – 40

Très chers Parents

Deux mots pour vous rassurer un peu. Le secteur est pour le moment relativement calme et ce n’est pas malheureux. Toujours la même vie sous bois, éloignés de tout. Mais enfin l’essentiel est que nous soyons un peu à l’abri. Le temps est assez beau en ce moment par ici. Toutes vos lettres me sont bien parvenues avec plus ou moins de retard. Enfin tranquillisez-vous, je vous tiendrai au courant le plus souvent possible. Mille baisers à vous tous. Georges

Ce 27 – 5 – 40

Mes chers Parents

Je profite d’un moment de répit pour vous griffonner quelques mots. Toujours en bonne santé malgré le mauvais temps qui refait son apparition. Nous avons eu cette nuit un orage terrible qui, mêlé au tonnerre des canons nous a tenus en éveil toute la nuit. Enfin, soyez sans crainte, il ne m’est encore rien arrivé et je ne souhaite pas que cela m’arrive, il y en a bien assez malheureusement qui ont déjà dérouillé. Je vous quitte pour reprendre le boulot en vous embrassant de tout mon cœur. Georges

 

Aux armées ce 30 – 5 – 40

Mes bien chers Parents

Deux mots simplement pour vous rassurer sur mon sort , toujours à peu près le même mais cependant un peu plus calme depuis 2 ou 3 jours. J’étais hier à Verdun et je vous assure que ça paraît drôle, une ville de l’arrière non évacuée et où tout marche comme si rien ne se passait. J’en ai profité pour y faire un bon souper, c’est toujours ça de pris sur l’ennemi. Dès que vous pourrez m’envoyer un colis, tâchez d’y joindre une paire de sandales de corde, je crois que c’est 42 ou 43 qu’il me faut, mais il vaut mieux plus grand que trop petit. En attendant surtout de vous revoir, je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Ce 31 – 5 - 40

Bien chers tous

Je viens à l’instant de quitter Marcel qui me rendait la visite que je lui avais faite hier soir aux environs de 10 heures pendant la corvée d’eau.

Vous dire que je suis content et lui aussi est inutile. Vraiment je n’aurais jamais cru que l’on puisse se rencontrer surtout dans des conditions pareilles. Le hasard seul a voulu cela. Heureusement pour lui et pour nous aussi, le secteur est tout à fait calme maintenant, mais je vous assure que nous avons eu chaud pendant trois semaines. Enfin, je vous quitte pour aller essayer de dormir un peu et je vous embrasse bien fort à tous, et surtout ma petite Lilette. Georges

Le canon tonne, je crois bien, d’après le son, que c’est la batterie de Marcel qui tire. Ils ne sont pas loin de nous, 6 Kms à peine.

 

Aux armées ce 2 – 6 – 40

Chers tous

C’est après une journée quelque peu mouvementée que je viens à nouveau vous donner de mes nouvelles. Ne vous tourmentez pas quant à cela, car c’était notre aviation qui était en train d’en flanquer une « dérouillée » à ces sales Fritz. Ils en ont descendu quelques uns à notre plus grande joie d’ailleurs. Ceci dit, je vous dirai que j’étais encore hier soir avec Marcel. J’y étais allé en moto avec un autre copain qui lui-même connaissait un copain de Marcel, et qui est de Lizac. Il va sans dire que toutes les occasions que nous aurons pour nous retrouver ensemble, nous les utiliserons. Le moral est meilleur, croyez-le quant on est deux de la famille près l’un de l’autre et dans les circonstances actuelles. Enfin, nous y avons passé une bonne soirée qui s’est terminée aux environs de minuit. J’y serais bien revenu aujourd’hui, mais j’ai eu pas mal de travail et j’ai terminé trop tard. Tout ce que je puis vous dire maintenant, c’est que nous sommes tous deux en parfaite santé. La trahison du Roi des Belges nous avait bien démoralisés un peu, mais ça n’a été que de courte durée, aussi les attendons-nous de pied ferme maintenant. Voilà en peu de mots un petit exposé de notre vie actuelle. Il n’y a que le ravitaillement qui est quelque peu défectueux. Aussi regrettons-nous tous de ne pouvoir recevoir de colis. Espérons que l’on rétablira tout ça à bref délai. Quant aux réfugiés que vous pouvez avoir à Verfeil, ça ne m’étonne pas, car il en est passé ici au moins 10 000.

C’était lamentable à tous points de vue, et nous avions bien souvent le cœur serré de voir ce triste exode dû à la barbarie germanique.

Il est 10 heures et le sommeil me prends, je vais vous quitter en vous envoyant mes plus gros baisers. Votre fils, frère, neveu et tonton Georges

Mon meilleur souvenir à tous les voisins et dites-leur qu’on les aura.

Je n’ai pas encore reçu le mandat de 60 frs, mais ça ne saurait tarder. Toujours même adresse : camion-atelier.

 

Ce 4 – 6 – 40

Bien chers tous

Toujours en bonne santé et le secteur est assez calme ces jours-ci. Je n’ai pas revu Marcel depuis deux jours, il n’a pas eu le temps de venir sans doute et moi non plus d’ailleurs. Je vais tâcher d’y aller demain si je peux. Quant au mandat de 60 frs, je n’ai encore rien reçu. J’espère que ça ne saurait tarder. A-t-on des nouvelles de Coicou, Basse, Donnadieu… ? ? Ecrivez-moi en me répondant à tout cela. En vous embrassant de tout mon cœur, je vous quitte pour aujourd’hui. Georges

 

Ce 5 – 6 – 40

Bien chers tous

Toujours au même endroit, c’est à dire dans les bois. La santé pour cela va quand même pour le mieux. Je n’ai pas revu Marcel depuis plusieurs jours, mais j’ai l’idée que je le verrai aujourd’hui. Le secteur a été cette nuit quelque peu agité, mais il n’y a pas eu d’escarmouches bien importantes. Tout est rentré dans l’ordre au petit jour. Le temps est beau ici, trop beau même car les Fritz nous survolent assez fréquemment. Enfin tout va pour le mieux pour l’instant. ne vous en faites pas. Je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Ce 8 – 6 – 40

Bien chers Parents

La journée d’aujourd’hui a été quelque peu mouvementée. Sur le soir surtout, où les avions boches nous ont lâché quelques chapelets de bombes. Heureusement pour nous, l’objectif qu’ils visaient n’était pas le bois où nous sommes toujours, aussi, y a-t-il eu plus de peur que de mal. Enfin, tout s’est bien passé, c’est l’essentiel.

J’ai été voir Marcel avant hier au soir. Ils sont toujours au même endroit, aussi, vais-je profiter d’y aller le plus souvent possible. J’avais reçu le soir même la lettre de Margot, il a donc eu des nouvelles fraîches et moi, j’ai eu la grande joie de voir la dernière photo de notre petit perroquet. Ce qu’elle peut être mignonne, ce petit ange ! !… J’ai reçu aussi une lettre de Jeannette me disant être à nouveau à Lizac. Autant de lettres, autant de joies, car vous pouvez croire qu’elles nous font du bien en ces moments pénibles.

Enfin, je ne sais si je vous avais annoncé que j’avais reçu et touché le mandat de 60 Frs bien à propos d’ailleurs ce jour-là. Nous sommes allés à Verdun et j’en ai profité pour acheter quelques conserves. Nous ne sommes toujours pas très bien nourris, aussi est-il bon d’avoir quelques réserves. Il ne serait pas malheureux qu’on rétablisse l’envoi de colis aux « poilus », ne serait-ce que pour varier un peu notre maigre ordinaire. Espérons que ça ne saurait tarder. Il se fait tard et le sommeil me prends, car nous sommes debout depuis 5 h du matin, je termine donc en vous envoyant mes plus gros « poutous ». Votre fils, frère, neveu, tonton. Georges

 

Déplacement d’une quarantaine de Kms, sur la ligne de feu, direction inconnue.

 

Ce 12 – 6 – 40

Mes bien chers Parents

C’est après une nuit blanche que je vous écris. En fait, nous nous sommes déplacés d’une quarantaine de kilomètres, mais nous sommes toujours sur la ligne de feu.

Malgré tout ne vous alarmez pas, tout va bien pour le moment et le moral est bon. Mais il serait encore meilleurs si j’avais de vos nouvelles. Voilà 7 jours que, sauf les journaux, je n’ai pas eu une seule lettre. Y aurait-il quelque chose de grave dans la famille. J’ose espérer que non. Enfin, faites votre possible pour que vos nouvelles m’arrivent. Quant à Marcel, je n’ai pu le revoir avant mon départ. Je crois, malgré tout, qu’il est toujours au même endroit. Pour ce soir, je ne vous dirai pas plus long. Ayez surtout confiance et du courage. Mille baisers à tous. Georges

 

Fait prisonnier le 16 Juin 40, dans des conditions inconnues. Probablement retenu au camp d’Abbeville.

 

Le 21 – 6 - 40

Mes bien chers tous

N’ayez aucune crainte à mon sujet dorénavant, car je suis prisonnier depuis le 16 dernier. La santé est bonne et j’espère que vous êtes tous pareils. En vous embrassant bien fort, je vous quitte. Georges

 

Ce 26 – 6 - 40

Mes bien chers tous

Toujours prisonnier, mais en très bonne santé.

Nous n’avons rien à dire quant à la nourriture, ça va, et nous sommes très bien traités.

Il m’est impossible encore de vous donner une adresse exacte afin de me répondre. Dès que je le pourrai, je vous le ferai savoir. En attendant je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fils, frère neveu et tonton. Georges

 

PETIT Georges, prisonnier au camp des TanKs. Groupe 52. Route 55. Troyes (Aube)

 

Le 7 août 40

Mon cher frangin

Tâches de me faire parvenir par la Croix Rouge certainement tout ce que tu pourras m’envoyer question victuailles et pain ou biscottes. On meurt de faim littéralement. Préviens Maman qu’elle en fasse autant de son côté. Mille baisers à vous tous. Georges

 

Dimanche 8 – 12 – 40

Mon petit René

Une occasion exceptionnelle me fait te donner de mes nouvelles en vitesse. C’est un pompier d’ici qui s’était réfugié à Toulouse qui me procure cette occasion. Enfin, tout va pour le mieux actuellement et je n’attends que la libération qui, je l’espère, ne tardera pas. Donne de mes nouvelles à tout le monde si tu peux. Dis-leur qu’il me tarde de revivre notre ancienne vie. Tâches de m’écrire si tu le peux à cette adresse : Mr Pichon Ernest, 21 rue de Metz. Le Touquet. Paris-plage. Mille et mille « poutous » de ton frangin. Georges

 

Retour au camp d’Abbeville le 8 – 12 – 40. Adresse : PETIT Georges, matricule 2194, Fronstalag 172 A, 29° compagnie, 6° Bataillon, 3ème section Camp d’Abbeville (Somme)

 

Ce mardi 10 – 12 – 40

Mes bien chers tous

C’est à nouveau du camp d’Abbeville que je vous écris car voici deux jours que nous avons réintégré cet enfer. Cette fois-ci, il est fortement question d’un départ pour l’Allemagne. Croyez bien que ça ne nous fait pas sourire ! ! Aussi, plus que jamais, j’espère que vous ferez l’impossible pour me sortir d’ici. Je viens d’apprendre que pour les aînés de 4 enfants, il fallait les 3 frères et sœurs mineurs. L’âge de Marguerite m’enlevait donc tout espoir, mais encore une fois, je vous demande de faire l’impossible. La gendarmerie fera certainement une enquête, mais je crois qu’en parlant de cela à Mr Carnus, il me rendra cet immense service. Vous ne pouvez vous imaginer ce que nous souffrons ! Quant aux certificats de décès du père et les actes de naissance des frères et sœurs, je compte sur vous pour que tout soit conforme, c’est à dire que les dits certificats prouvent bien que tous les 3 sont mineurs. J’ai appris par une lettre de Mr Lépine que Marcel était sauvé, mais que tante Henriette et tonton Pierre étaient morts. C’est vraiment une année de malheur ! Sur ce je vous quitte et vis dans l’espoir que vous ferez tout pour aboutir à ma libération. Mille et mille baisers.

Voici l’adresse exacte : Petit Georges, matricule 2194, Fronstalag 172 A. 29° Compagnie. 6° Bataillon ; 3ème section. Camp d’Abbeville (Somme)

 

A partir de là les lettres ou cartes sont rédigées sur formulaires spéciaux envoyés aux familles ou utilisées par les prisonnier eux-mêmes.

 

Adresse : PETIT Georges N° 88256, Stalag XI B Arbeit Kommando 1487

 

Ce 12 Mars 41

C’est avec joie que je puis enfin vous donner de mes nouvelles qui, au point de vue santé sont bonnes. Je souhaite qu’il en soit de même de votre côté. Faites l’impossible pour m’envoyer chaussettes, tricot et surtout tabac et victuailles. Je travaille en usine et ne suis pas trop mal. J’attends avec impatience de vos nouvelles. Mille baisers à tous. Georges

 

Le 20 mars 1941

Bien reçu votre colis et désirerais envoi d’autres. Veuillez donner adresse exacte à René et Margot. Pensez à tabac ! ! Lames de rasoir me seraient utiles ainsi que chaussettes longues. Toujours en bonne santé et travaille toujours en usine. Donnez moi nouvelles de Coicou et des principaux camarades. Souhaite que tout aille pour le mieux quant à vous. Pour nous, il n’y a que la patience qui nous fait espérer. Gros baisers à toute la famille. Georges

 

La famille n’a jamais reçu les courriers évoqués.

 

Le 26 mars 1941

Bien reçu carte du 19 Février ainsi que 2ème colis. Pas reçu réponse des cartes du 10, 26 Déc et 7 Janvier. Pas de nouvelles des 4 enfants. Tâches de t’en occuper du mieux et à nouveau. Ecrivez-moi surtout et pensez toujours au tabac et papier à cigarettes. Un peu d’eau de Cologne me serait utile ainsi que chemise. Toujours en usine. Le froid sévit toujours par ici. Je voudrais bien avoir des nouvelles de mes principaux « copains ». Mille baisers à vous tous. Georges

 

Le 6 Avril 41

Bien chers tous

Cette 4ème lettre ne vous apprendra rien de nouveau, si ce n’est qu’hormis une carte-lettre et 2 colis de votre part, je n’ai plus rien depuis et Dieu sait pourtant si les nouvelles de tous et de tout ce qui se passe en France me seraient agréables. C’est la seule chose qui nous fait revivre un peu. Je n’ai avec moi qu’un seul camarade méridional et du 28°, tout le reste est dispersé. Tâchez donc de m’écrire longuement et de me faire écrire par mes frère et sœurs. Une photo de ma petite Lilette m’enchanterai aussi. Quant à ma santé, elle est toujours bonne, malgré le froid qui sévit toujours par ici. Quand à la nourriture, les colis reçus ont bien contribué à l’améliorer aussi, continuez à faire comme auparavant et n’oubliez pas du tabac et du papier à cigarettes. Pour le travail, c’est toujours dans la même usine que je travaille. Ce n’est pas trop pénible. Enfin, en un mot, ça peut aller pour l’instant. Je vous ai déjà demandé des nouvelles de mes anciens camarades « Coicou » entre autres. Je ne sais toujours rien ! (écrivez sur ce que j’ai tenté d’effacer au verso !) Mon frère René est-il soldat maintenant ? Ne vous manque-t-il rien quant à l’alimentation ? ? Je crains bien que si. Enfin, ne vous privez pas pour moi, tout de même. Si vous trouvez du chocolat facilement, tâchez de m’en envoyer ! Je terminerai en vous disant que le moral est bon malgré tout, et que nous avons une grande espérance dans l’avenir. Tout mon bon souvenir à nos amis et parents et pour vous mes plus chauds baisers. Georges (savonnettes)

 

Le 12 Avril 1941

Chers tous. Bien reçu votre dernier colis ce 8 courant. Continuez à envoyer comme avant, surtout tabac et victuailles, sans vous priver naturellement. Bonne santé mais moral bas. Bien reçu aussi lettre Maman et René ce 10. Donnez moi nouvelles le plus possible de tous et de tout. Attends toujours photo Lilou et de vous tous si possible. Que Margot m’écrive aussi. Mille baisers à tous. Georges.

 

Le 21 Avril 1941

Mes chers tous. Tout d’abord je voudrais que vous disiez à Marguerite, Marcel et René que d’abord je suis limité mais qu’ils pensent bien qu’à chacune de mes lettres, une part de ma pensée va vers eux. Donc qu’ils ne s’en formalisent pas ! Ceci dit, le colis de saucisse, chocolat et autres m’est bien parvenu. Donc continuez à m’envoyer ce que je vous demande sans vous formaliser des étiquettes adresse. M’est bien parvenue aussi une lettre de René m’annonçant son départ pour Foix, ainsi qu’une lettre de Maman. Depuis rien plus. Espérons que ça ne va pas tarder. Enfin pour le moment, j’ai toujours besoin de chaussettes longues, lames de rasoir, tabac et papier, eau de Cologne et une bonne paire de sandales pour l’été (en corde de préférence), savonnettes, fil et aiguilles et de la brillantine pour les cheveux, une ou deux chemisettes que j’avais à Toulouse me feraient besoin aussi. Quant aux victuailles, je vous supplie de ne pas vous priver pour moi, malgré que tout soit le bien venu. Travaille toujours en usine et au même endroit. Bonne santé, mais moral très bas. De longues nouvelles me feraient le plus grand bien. Elise Cadilhac est-elle mariée ? Ma pensée va souvent vers elle et les siens. Jamais ce triste isolement ne m’avait fait revivre le passé dans toutes ses branches. Enfin, en deux mots, écrivez-moi et faites moi écrire souvent. Mes camarades me réclament souvent des violettes de Toulouse en bonbons ? Mille et mille baisers. Georges

 

Le 27 Avril 41

Mes très chers tous. C’est un bien triste Dimanche que celui que nous venons de passer, temps sombre pluvieux et froid. Cette journée dominicale est entièrement réservée au lavage de notre linge et de nous-mêmes. Ce n’est pas de trop car la semaine, nous nous salissons pas mal et il faut être propres, ….Très propres ! ! Le savon nous fait évidemment défaut, aussi ne manquez pas d’en mettre dans chacun de vos colis. Ceci dit, le 23 Avril (Saint Georges) la boîte de saucisse et de poulet furent ouvertes pour cette occasion et aussi pour améliorer l’ordinaire. Les deux contenus furent excellents, surtout dans notre cas. Je n’en dirai pas plus là-dessus. Quant aux nouvelles, voici bientôt 15 jours que je n’ai rien reçu. C’est décourageant. Le moral n’est pas fameux vous savez, aussi les nouvelles sont-elles ardemment désirées. Il y a des moments voyez-vous, que dans notre exil forcé, nous nous demandons si nous reverrons jamais la France ! Les mois passent et rien ne se dessine nous annonçant une proche libération. Il y aura bientôt un an que cela dure, c’est triste, bien triste. Enfin écrivez moi souvent, très souvent pour me rappeler les êtres chers que vous m’êtes tous et dans vos colis, n’oubliez pas le tabac, savonnettes, eau de Cologne et tout ce que je vous ai déjà demandé, ajoutez aussi des gants de toilette. Mille et mille baisers. Votre Georges

 

Le 4 Mai 1941

Mon petit René

Hélas ! C’est de bien loin que je t’écris cette foi-ci. J’ai appris par ta dernière lettre et une de Maman que tu étais à ton tour soldat mais dans d’autres conditions que les miennes, et il vaut mieux car je ne sais quel aurait été ton sort… ? ? De toute façon, le mien n’est pas brillant et nous ne savons pas quand cela finira. Comme tu l’as déjà appris, je travaille dans une usine. Le travail n’est pas trop pénible mais la nourriture laisse à désirer et tu sais quant on travaille 11 h par jour, on a faim le soir. Maman heureusement m’a déjà envoyé plusieurs colis qui améliorent largement l’ordinaire. Malgré cela la santé est bonne mais le moral est bas, très bas même. C’est à désespérer de voir jamais la fin de cet exil. Et toi, mon petit René, ta nouvelle vie te va-t-elle bien ? Tu me raconteras tout cela sur ta réponse, et tu diras aussi à Maman et à Margot, Marcel et tous que je pense bien souvent à eux. Ici, le temps est toujours gris et sombre et il fait encore froid. Où sont donc nos belles journées de printemps de France ? C’est par là que je terminerai ma missive en te recommandant de me répondre et en t’embrassant bien fort. Georges

 

Ce 25 Mai 1941

Mes chers tous

J’ai bien reçu le dernier colis adressé avec une étiquette, mais j’ai eu une belle déception car je m’attendais à recevoir un gros colis vu que vous pouviez aller jusqu’à 5 Kgs. Evidemment je comprends qu’il doit vous manquer pas mal de choses, mais le tabac n’est pas rare certainement. Je vois ici des camarades qui reçoivent des colis (sans étiquette encore) contenant une dizaine de paquets de tabac, bon nombre de tablettes de chocolat, café, dattes, sucre et bien d’autres choses que j’oublie, et tout ça dans des colis sans étiquettes adresse. Il y a donc un moyen, que je ne connais pas, pour nous faire parvenir ces mêmes choses qui nous font tant de plaisir. N’y a-t-il pas moyen aussi d’avoir des biscuits de guerre ou quelque chose de similaire ? Enfin, j’espère qu’à l’avenir vous ferez pour le mieux, n’omettez pas aussi savonnettes, eau de Cologne et brillantine. Pour le linge, je n’ai besoin que de chaussettes, chemises ou chemisettes, et un foulard soie ou autre. Les journées ici sont un peu meilleures question température, les matinées, et les nuits sont froides. La santé reste bonne et le moral est là et là. Toujours même travail en usine, c’est à dire 11 heures par jour. Je souhaite ardemment que tout se passe bien pour Marguerite le mois prochain. Donnez moi vite des nouvelles et surtout des photos. Je vous embrasse de tout mon cœur de bien loin hélas. Georges

 

Le 2 juin 41

Mes bien chers tous

C’est deux jours après la réception du colis de linge que je vous écris. Les deux paires de chaussettes, tricot et chemises m’étaient bien nécessaires, mais il manquait encore beaucoup de choses que je vous avais demandées, entre autre les sandales de corde, tricot de peau, eau de Cologne, brillantine, café, que sais-je encore. Je ne comprends pas que pouvant aller jusqu’à 5 Kgs avec les étiquettes, vous ne m’adressez que des colis de 1 à 2 Kgs. Du tabac par exemple aurait très bien pu tenir dans le dernier colis. Même dans les colis de linge, on ne vous empêche pas d’y mettre autre chose. J’espère qu’à l’avenir, vous en tiendrez compte. N’oubliez pas savon et savonnettes surtout. Vous pouvez aussi m’adresser des colis par la Croix Rouge Française. Je vous demande tout ça car ici on ne peut rien avoir vu que nous ne devons pas avoir d’argent dessus. Enfin, relisez les lettres que je vous ai déjà adressées et vous verrez tout ce qu’il me faut. Ceci dit, la santé va toujours bien, mais l’espoir d’un retour proche ne nous effleure même pas. Nous y sommes et nous y sommes bien ! ! Vous ne comprendrez jamais ce que c’est que l’exil forcé qui est le nôtre. Il faut avoir la tête solide pour supporter ces souffrances morales et physiques. Je ne souhaite qu’une chose, c’est de m’en sortir sans trop de bobo. Donnez de mes nouvelles à mes anciens patrons et à François. Dites leur que je pense bien souvent à eux aussi. Dans l’espoir de vous lire bientôt. Georges

 

Le 9 juin 41

Reçue aujourd’hui lettre du 6 Mai. Toujours pas de nouvelles de René et Margot et Marcel. Pourquoi ne m’écrivent-ils pas ? Répondez à Boudet et autres que je suis avec Taret et que nous pensons bien souvent à eux. Attends colis impatiemment. Pensez à tabac, café, aspirine, savonnettes, eau de Cologne, brillantine, chemisettes, chaussettes fines, sucre. Pouvez utiliser étiquette linge pour n’importe quoi de 1 à 5 kgs. Bonne santé. Baisers. Georges.

 

Ce 23 juin 1941

Bien chers parents. Reçues aujourd’hui une lettre de René et une de Margot. Très heureux avoir nouvelles mais pourquoi pas photos ? Toujours bonne santé. Pas reçu colis depuis longtemps. Attends impatiemment tout ce que je demande, chocolat, café, savonnettes etc…tabac aussi. Donnez moi nouvelles conditions vie en Z.N.O. Remerciez mes anciens patrons de leur envoi. Suis de cœur avec eux ainsi que François. Mes meilleurs souvenirs aux voisins et amis. Pour vous mille baisers. Georges

 

Le 7 Juillet 41

Mes bien chers tous. Tout d’abord je vous accuse réception du dernier colis contenant, daube, rôti de porc, saucisson, chemisette et violettes de Toulouse qui ont eu du succès auprès des camarades. Je comprends que la daube et les violettes doivent venir de mes anciens patrons. Dites leur beaucoup de choses pour moi et surtout que je ne les oublie pas ainsi que François d’ailleurs. Hélas la deuxième année de captivité est commencée et rien ne se dessine qui nous fasse prévoir un retour prochain. C’est dur, très dur vous savez !… Enfin, ne parlons plus de cela, c’est trop triste. Reçues aussi une lettre de Margot et René qui toutes deux m’ont apporté un peu de joie. Mais pourquoi ne m’envoyez vous pas de photos tous, mes patrons et François aussi. Il me semble que je revivrai un peu parmi vous, voyez-vous. Dites à Mr et Mme Pallaruelle ainsi qu’à François qu’ils peuvent m’écrire sans crainte. D’ailleurs envoyez leur cette lettre-ci et ce sera comme si je leur avais écrit. Plus grand chose à vous dire pour l’instant. Santé assez bonne et moral comme ça ! Toujours même travail et dans même usine. Dans prochain colis, tâchez de m’envoyer brillantine, café, chaussettes, eau de Cologne, et tabac, ainsi que chocolat ; pour le reste faites pour le mieux. Je compte sur vous. Un grand foulard de soie ou imitation me serait utile. Je vous quitte en joignant à ma lettre les plus affectueux baisers de votre Georges.

 

Ce 28 Juillet 1941

Bien reçu dernier colis avec café, saucisse, brillantine et autres et aujourd’hui 3 lettres dont 2 de Margot avec photos Lilou. Suis heureux de cela. Joins étiquettes en même temps que lettre. N’en ai pas touché d’autres depuis 2 juin. C’est triste. Envoyez toujours si possible café, sucre, chocolat, conserves, savonnettes, et tabac. Serviettes de toilette. Faites part à Margot de cela. Toujours bonne santé, mais moral bas. Voyez avec mes anciens patrons si libération possible. Mille et mille baisers. Georges

 

Ce 10 – 8 – 41

Ma chère Maman et tous. Bien reçue dernière carte du 15 Jt ainsi que colis contenant café, saucisse, fritons, etc…le tout arrivé en parfait état et déjà englouti avec délices, car la faim ne nous fait pas défaut. Quant au tabac, c’est bien 6 paquets et 2 paquets de cigarettes que j’ai reçus, le malheur c’est qu’il n’y en a déjà plus, tâchez de m’en envoyer un peu plus à l’avenir. Maman chérie, j’ai toujours beaucoup de peine à la lecture de tes lettres, et rien ne me fait prévoir un retour prochain parmi vous. L’horizon est d’un noir d’encre et notre vie est cruelle. Je t’ai envoyé dernièrement 25 Marks (500frs au change actuel). Je voudrais qu’avec cela tu me procures à peu près tout ce que je t’ai demandé précédemment, entre autre café, chocolat, sucre, eau de Cologne, brillant., tabac ainsi qu’un grand foulard, mais surtout, et cela me tient à cœur tout particulièrement, c’est une chaînette en or, avec une médaille de la Vierge ou du Christ, que je voudrais pour porter au cou continuellement. Faites-la bénir si possible. Ne craignez rien pour l’envoi, et dans le plus proche colis que vous m’adresserez tout arrivera parfaitement bien. Faites l’impossible pour me procurer cette joie, j’y tiens essentiellement vous savez ! Je vous enverrai d’ailleurs d’autre argent d’ici peu. Ce sera une lueur d’espoir et un soutien moral que j’aurai sur moi voyez vous. Toujours bonne santé et températ° normale ici. Quant au travail, toujours pareil. Mes meilleurs souvenirs à Boudet, et à tous mes parents et amis, mes meilleures amitiés. Tendres baisers à Lilou et Claudette et pour vous tous, l’affection et la tendresse de votre fils. Georges

 

Ce 18 Août 41

Ni colis ni nouvelles depuis une quinzaine. Que se passe-t-il ? Faites nécessaire car espoir s’éteint de jour en jour. Docteur Foch, ami de mes patrons ne pourrait-il rien faire pour moi ? Renseignez-vous ! Pensez surtout à ma chaînette et médaille. Victuailles, café, sucre, foulard, tabac seraient nécessaires, alcool de menthe aussi. Photos. Santé toujours assez bonne, meilleure que moral. Tendresses à tous. Votre fils qui vous aime. Georges

 

Ce Dimanche 31 Août 41

Peu de choses à vous dire aujourd’hui. Toujours même vie de tristesse ! Plus de nouvelles de vous depuis pas mal de temps. Que se passe-t-il ?…Veuillez vous occuper s’il y aurait à Verfeil personne susceptible d’envoyer du vin à mère camarade prisonnier habitant Creuse (Z.N.O.). Personne de confiance et paiement assuré. Répondez au plus tôt. Ai écris dernière lettre à Margot. Attends réponse et photos. Pas de nouvelles René. Je vous en prie, pensez un peu à moi et surtout à ma chaînette. Mille baisers. Georges

 

Ce Dimanche 7 Sept

Bien reçue votre dernière du 4 Août contenant photo René. M’a procuré beaucoup de plaisir. Que n’ai-je de plus longues lettres et photos pour me rappeler cette si lointaine France… ? Pour le contenu des colis tranquillisez-vous, tout est bien parvenu au complet et intact. Donc n’hésitez pas à m’envoyer ma chaînette en or. J’aurai besoin aussi de flanelles et bientôt aussi d’un tricot à col roulé car il commence à faire froid et ce n’est pas pour cet hiver que nous serons de retour, il ne faut pas se faire d’illusions croyez-le ! Nous sommes pris et bien pris. Pourriez vous demander aussi à mes patrons de me procurer un livre traitant sur le fonctionnement des moteurs à gazogène actuels. Je voudrais quelque chose de complet autant que possible. Vous les rembourserez, bien entendu. Trouvez moi aussi le roman : « Aimé » de Paul Géraldy, tout cela me ferait bien plaisir, ainsi bien entendu que les habituelles choses que vous m’envoyez, soit, conserves, chocolat, sucre, café, cacao et lait condensé, enfin tout ce qui renferme beaucoup de vitamines. Quelques violettes de Toulouse aussi car elles ont eu du succès. Merci à Juliette à ce sujet et bons baisers à eux tous. Toujours bonne santé malgré amaigrissement, (61 kg au lieu de 73 ou 74 avant guerre). Vous comprendrez donc qu’on ne peut avoir le moral solide à ce train. Mes plus tendres baisers à toute la famille en particulier à mes petites nièces. Mes amitiés à Boudet et autres et pour vous tous mon amour filial. Georges

 

 

 

Ce Dimanche 14 Sept.

Bien reçu colis petits pois, saucisse, …etc, le tout intact. Ai besoin savon. Petits gâteaux délicieux. Sucre, café, chocolat, cacao, lait me seraient utiles. Ai besoin vitamines. Nourriture en déclin de jour en jour mais toujours 11 heures de travail. Vous comprenez ! ! Avez vous reçu argent et pensez-vous à chaînette ? Me tient à cœur. Attends impatiemment nouvelles vous tous. Mes amitiés à nos voisins et amis, ainsi qu’à Boudet et mes copains de Verfeil. Mille et mille baisers. Georges

 

Ce Dimanche 21 Septembre

Mes chers Parents. Comme les Dimanches précédents c’est toujours bien tristement que je prends le crayon pour vous donner de mes nouvelles. Aujourd’hui, le temps est relativement beau mais froid déjà. L’hiver s’annonce bien mal, enfin !… Je crois vous avoir dit que j’avais bien reçu le dernier colis contenant lait, saucisse, poulet, etc…Le tout est déjà dévoré. Avez-vous reçu l’argent que je vous ai adressé… ? C’est 38 Marks et non 25 que j’ai envoyé. Cela vous représente environ 800 Frs. N’hésitez donc pas à m’envoyer tout ce que je vous demande et surtout ma chaînette or. Je voudrais aussi du lait et si possible du « Pulmosérum » car je tousse et je ne voudrais pas que cela tourne mal. Ici, il n’y a rien pour se soigner, si ce n’est des comprimés quelconques qui n’ont fait aucun effet, et encore en donne-t-on avec parcimonie. Chocolat, cacao, café, alcool de menthe, savon, savonnettes, sucre, sont autant de choses que je voudrais bien, eau de Cologne aussi et « Aspro ». J’envoie en même temps qu’à vous une étiquette à Margot. Qu’elle fasse pour le contenu, comme toi Maman, sans s’occuper du linge dont je n’ai pas besoin, si ce n’est un bon tricot à col roulé que vous m’enverrez plus tard. Enfin relisez mes lettres et vous verrez bien ce que je vous demande. Faites part de mes lettres à Margot, René, mes patrons et adressez mes vœux de bonheur à François et à son épouse. Mes amitiés à Boudet aussi. Je vais terminer à regret car l’heure de se coucher approche. En attendant de vous lire bientôt, recevez de votre fils, frère, neveu et tonton mille et mille baisers. Georges

J’ai fait une erreur quant au côté à écrire. Tâchez d’effacer votre adresse et de me répondre en spécifiant sur l’adresse que j’ai fait une erreur de côté.

 

Le 28/9/41

Reçu le 26 dernier colis avec tout le contenu en parfait état et surtout la chaînette. Je suis heureux. Merci. Quant aux conserves, mangées aujourd’hui même. Le tout excellent. Sandales bien arrivées. Préparez moi un bon cache-nez. Il fait froid déjà. Dites à Marguerite de mettre si possible savon et savonnettes, cacao, lait condensé, eau de Cologne, alcool de menthe. Enfin faites au mieux. Béret basque. Pour l’instant assez bonne santé mais l’exil me pèse lourdement. Meilleures amitiés à tous nos amis. Mille et mille baisers. Georges

 

Le 5/10/41

Mes bien chers tous. Vous devez comprendre que c’est toujours avec une réelle joie que je vous écris, c’est une des rares satisfactions que nous ayons dans notre exil. Ce qui m’étonne, c’est que je ne reçois pas régulièrement les réponses. Que vous dirai-je en dehors de cela, si ce n’est que la santé va toujours à peu près malgré les froides matinées qui commencent, aussi. j’appréhende pour l’hiver car malheureusement nous y serons encore et pour combien de temps… ? ? Je n’ose même pas y penser ! C’est à devenir fou à la pensée qu’on puisse nous retenir ici encore, et pourquoi ? Qu’a-t-on fait au bon Dieu pour mériter ce triste exil. Enfin ne parlons plus de cela. Je voudrais bien que dans vos lettres vous me parliez un peu de la vie qu’on mène en France et de tout ce qui peut m’intéresser au sujet de nos amis et de mes « copains ». Y a-t-il eu des morts ou disparus durant cette triste guerre ? Vous me répondrez à tout cela. Quant à René, j’espère qu’actuellement son service doit être terminé. Où travaille-t-il maintenant ? A Margot, Marcel, René et mes deux filleules dites leur bien que je pense très, très souvent à eux mais que, malheureusement je ne peux leur écrire chaque fois que je le voudrais. Pour les colis à venir, faites toujours pareil, chocolat, lait, sucre, café, cacao, tabac et un fortifiant si possible. Dites à mes patrons que je serais heureux d’avoir quelques photos d’eux et du garage et aussi que mon souvenir va vers eux et vers ce cher François et sa femme que je connais bien. Quant à vous, j’espère que vous êtes tous en bonne santé et souhaite que vous y restiez longtemps. Mille et mille baisers. Georges

 

Ce 26/10/41

Bien reçu colis Margot. Le tout en bon état. Avez sans doute reçu encore deux étiquettes. Envoie aujourd’hui une autre. Comme toujours, chocolat, et lait si possible me feraient besoin. Santé toujours à peu près. « Aspro » serait utile, maux de tête terribles. Voyez auprès Croix Rouge Française si démarches possibles. Faites tout votre possible. Mes meilleurs souvenirs à parents et amis sans oublier mes patrons et pour vous tous mes plus affectueux baisers. Georges

 

Ce 2/11/41

Mes très chers tous. Reçue aujourd’hui votre carte du 14 Sept. Cela fait donc plus d’un mois qu’elle est partie. C’est long, terriblement long. Aujourd’hui Dimanche, nous avons mangé le canard que Margot m’avait envoyé. Il était en tous points délicieux, surtout dans notre condition de vie. C’est regrettable que René soit sans travail et j’en suis fort peiné car je compte un peu sur lui pour vous aider à vivre, car je n’ignore pas le mal que vous devez avoir à vivre. Ne vous privez pas pour moi au moins ! ! Nous sommes sacrifiés voilà tout ! Quant à une libération prochaine, il n’y faut pas trop compter même en étant malade. Voilà trois fois que je vais à la visite pour ces maux de tête, terribles maintenant, je n’ai jamais été reconnu. J’en prends mon parti voilà tout ! Essayez tout de même de faire une demande à Vichy, comme soutien de famille et père décédé. Il ne coûte rien d’essayer, et si le docteur Foch à Toulouse, par l’intermédiaire de mes patrons, veut bien s’en occuper, on a peut-être quelques chances. Bien reçu aussi foulard. En un mot, tout ce que vous m’avez envoyé jusqu’ici m’est bien parvenu. Vous ne m’avez pas répondu au sujet de la question du vin que je vous demandais. J’attends ? Dans vos prochains colis, comme toujours, sucre, chocolat, café, cacao, lait me feraient plaisir. Faites pour le mieux quoi ! (chaussettes laine, savon et savonnettes). Mille et mille baisers à vous tous. Georges

 

Ce 12 Novembre 41

Envoie par même courrier étiquettes à Margot et à vous. Faites pour le mieux. Si possible, chocolat, cacao, lait, ainsi que tabac, conserves. Sans nouvelles de personne depuis près d’un mois. Dernier colis reçu, celui Margot avec canard, depuis rien. Désespère ! Santé va bien tout de même. Procurez moi un mignon nécessaire à broder dans coffret. Passe-temps pour moi ici au plus tôt si possible. Mille baisers à tous de votre Georges.

 

Ce 19 – 11 – 41

Je vous accuse d’abord réception du dernier colis contenant saucisse, veau, pâté, 3 tabl chocolat, café, sucre, et les deux photos dont une de Jeannette, mais l’autre ne m’indique pas quelle est cette fête que Maurice, Madeleine et autres étaient en train d’arroser. Je vois par là que la bonne humeur règne encore, malheureusement il n’en est pas de même pour tout le monde. J’ai envoyé dernièrement deux étiquettes à Margot et une à toi Maman. Vous vous arrangerez entre vous pour m’adresser ce que je vous demande sur mes précédentes lettres, relisez-les et vous verrez bien ce dont il s’agit. Mais pour Noël, je serais content que nous puissions, mes camarades et moi, faire un bon repas. Aussi vous serait-il possible d’avoir soit un canard ou un petit dindon. J’ai peur de trop vous en demander et surtout de vous priver. Si ce n’est pas facile, ne vous privez pas pour moi au moins. En un mot, faites pour le mieux, si possible ajoutez des bas sport en laine car il fait déjà très froid ici. J’oubliais de vous dire que jusqu’ici tous les colis sont arrivés complets et en bon état. Donc continuez comme cela et tout ira bien. Lait, chocolat, café, me font le plus grand bien, et le pain aussi fut le bienvenu. Je joins à ma lettre deux photos pour vous et pour Margot. Voyez dans quel état je suis ! ! Je me demande par quel miracle je tiens debout. Aussi, faites tout ce que vous pourrez pour me tirer de là. Je vais vous quitter en vous embrassant mille et mille fois. Votre fils. Georges

 

Ce 27/11/41

Reçues enfin 2 lettres cette semaine de vous seulement. De Margot et Boudet rien. Attends impatiemment nouvelles et colis. Voyez si pouvez procurer « Pulmosérum », phosphatine et un gros morceau de lard si possible. N’oubliez pas du savon surtout. Faites pour le mieux pour tout ce que je demande précédemment. Santé va à peu près, mais froid, tousse beaucoup. Suis étonné Pierrot rentré ! Quelle épreuve Mon Dieu ! Baisers à tous sans oublier Margot, Marcel et les enfants. Georges

 

Ce 14 – 12 – 41

Bien reçu dernier colis avec tricot, béret, Pulmo, Vigogenol, et autres. Le tout en parfait état. Merci de tout mon cœur. Ici, même vie toujours triste et sans espoir. Suis complètement découragé et malheureux. Le ciel de France est loin, très loin. Pour les colis, faites comme bon vous le jugerez. Ca ira toujours bien, mais au moins ne vous privez pas pour moi. Que cette année 42 qui approche soit pour vous meilleure que celle-ci. Je vous embrasse de tout mon cœur de fils. Georges

 

Ce 21 Décembre 41

Mes bien chers tous. Nous voici à 4 jours de la Noël et à peu de temps de la fin de l’année. Combien va être triste pour nous cette nuit-là. Je ne puis croire qu’il soit possible que l’on prive des millions d’hommes de l’affection et de la vue de leur famille. Et pourtant cela est ! ! C’est une peine de plus à ajouter aux autres. J’ai reçu voilà 3 jours un colis contenant 2 conserves dont un foie d’oie qui va être notre joie à moi et à mes 4 camarades. Le reste, pain, lait, chocolat, cacao, sucre, café, etc…est arrivé en parfait état. Jusqu’ici il ne m’a absolument rien manqué. Pour les colis, faites comme vous voudrez, mais pensez au nécessaire à broder. Comme vous ferez sera toujours bien fait. Je suis dégoûté de tout et vis comme un automate. Et maintenant, laissez moi à l’occasion du nouvel an qui approche, vous souhaiter à tous une vie plus heureuse que la mienne en tous points, et surtout une bonne santé. Pensez aussi que votre fils, frère, neveu et tonton vous aime de tout son cœur et que son plus cher désir est que vous d’abord soyez heureux, sans vous occuper de moi qui suis pour ainsi dire comme n’existant plus. Tout ce que je vous demande, c’est de m’envoyer le plus de photos que vous pourrez et de vous tous. Je vous embrasse avec amour. Georges

 

Le 4 Janvier 42

Mes bien chers tous. Une nouvelle année vient de commencer ! Que nous réserve-t-elle ? Je n’ose formuler aucune prédiction, mais toujours est-il que nous avons passé de bien tristes fêtes de Noël et du Jour de l’An. La nourriture même ne fut pas améliorée. Les nuits par contre furent tranquilles car nous ne fûmes pas bombardés. Il faut croire qu’il y avait une trêve ce jour-là. Il est triste de voir que nous soyons exposés autant que pendant la guerre, et pourtant, celle-ci est finie depuis 19 mois. Je suis à me demander si nous nous en sortirons car la maladie commence à faire des ravages parmi nous. Il n’est pas rare de voir des camarades qui partent de la caisse. Que voulez-vous, il n’y a rien pour se soigner et ce n’est pas avec les vitamines des « patates » qu’on peut tenir le coup. La viande, n’en parlons pas. Quant au pain, il n’y en a jamais assez. A ce sujet, il est regrettable que celui que vous m’avez envoyé soit au ¾ moisi chaque fois. Remplacez-le par des biscuits si possible. Enfin, faites comme bon vous jugerez. Si vous pouvez avoir des châtaignes, vous me feriez plaisir, sel et poivre aussi. Il n’y a rien ici, même pas pour les civils. Je vais vous quitter bien tristement hélas en vous adressant toute mon affection à vous tous, parents et amis. Voyez si les soutiens de famille sont rapatriables. Georges

 

Le 18 Janvier 42

Mes bien chers tous. Je viens aujourd’hui comme tous les Dimanches vous donner de mes nouvelles. Pour l’instant la santé va à peu près malgré un froid très vif et la neige. Aujourd’hui, nous avons eu la visite d’un Général, Allemand bien entendu, tout s’est bien passé sauf que nous nous sommes littéralement gelés pendant une heure en attendant. Enfin, tout allait bien, c’est l’essentiel. Reçu un colis de Margot dernièrement avec poulet, jarret de porc, saucisse, gâteaux, Blédine…etc, le tout en parfait état. Toujours pas reçu colis expédié le 20 Novembre par toi Maman. Envoie aujourd’hui étiquette. Au besoin, lacets cuir, chocolat et café, si possible, Brillantine, Savon, blague à tabac, tabac. Voyez si possible rapatriement pour soutien de famille. Enfin faites pour le mieux. Je ne veux plus me plaindre, ça ne sert et n’avance à rien, car l’espoir qu’on avait s’est enfui. Si possible aussi, envoyez moi de quoi lire, et si mon patron veut bien, qu’il vous procure quelques bouquins de mécanique. Pensez aussi au nécessaire à broder. Donnez moi aussi des nouvelles de la vie en France et faites part de ma lettre à Margot et Marcel. Mes amitiés aux patrons et à tous mes amis de Toulouse. Pour vous tous de la famille mes plus gros baisers. Georges

 

Le 7 – 2 – 42

Tout d’abord que je remercie tante Irma et cousin Lucien, vraiment leurs lettres m’ont touché et m’ont procuré beaucoup de plaisir. Je m’excuse aussi de ne pas leur écrire, mais nous sommes tellement limités pour les lettres que je ne puis écrire à tout le monde. Qu’ils soient sûrs que malgré tout ma pensée va souvent vers eux aussi. Encore une fois, merci ! !  Quant à moi, toujours pareil, toujours aussi tristes sont les jours qui s’écoulent et sans le plus petit espoir que ça finira bientôt. Je vais, le mois prochain atteindre mes 32 ans et cela me rend plus triste encore car il ne faudra plus compter fonder une famille si j’en reviens. J’aurais tant aimé pourtant que cela soit. Mais qui voulez-vous qui s’encombre du vieux garçon que je serai. Une seule personne aurait peut-être pu, mais ce n’est pas pour moi. Je ne vous dis pas qui, vous comprendrez certainement. Heureusement que vous me restez, surtout toi, Maman et mes 2 petites nièces aussi. Combien je les aimerai ces chéries. Que mes frère et sœurs pour cela ne croient pas qu’eux aussi ne me sont très chers. Je suis triste, triste ce soir et par dessus le compte, j’ai encore eu une grosse déception aujourd’hui. Enfin, je suis né sous une mauvaise étoile, il faut en subir toutes les incartades. Voilà pour ce soir, ma missive terminée, j’y enferme tout ce que j’ai d’amour pour vous avec mille et mille baisers. Georges

P.S. Toujours pas de colis

 

Le 11 – 2 – 42

Un an aujourd’hui que je suis ici et pour combien encore. Ca peut aller pour le moment, question santé, mais rations diminuent de jour en jour. Aussi, si vous pouvez, sans vous gêner pour cela, envoyez moi à manger. Comme toujours, sucre, chocolat, café et tabac surtout me feraient plaisir. Enfin faites pour le mieux. Ne tenez pas compte pour envoi étiquettes rouges, n’avons que de celles-là. D’ailleurs pas besoin de linge, sauf chaussettes et paire caleçons. Souhaite que vous alliez bien. Mille baisers. Toujours pas de colis. Georges

 

Le 18 – 2 – 42

Comme dans les précédentes, c’est à peu près la même chose que je vous dirai si ce n’est que de plus en plus nous crevons de faim, et malgré tout, il faut travailler 11 heures durant. La soit disant soupe qu’on nous sert est une vraie bouillie à cochons où nagent quelques éphémères patates. Quant au pain, n’en parlons pas, c’est tellement peu qu’on le dévore en un rien de temps, aussi est-ce avec impatience que j’attends toujours les colis. Je n’ai toujours rien reçu depuis le mois de Décembre. C’est à ni rien comprendre ! ! Enfin, je vous envoie en même temps une autre étiquette. Je n’ai pas bien besoin d’autre linge que celui que je vous ai déjà demandé. C’est aussi du tabac que je voudrais bien. Faites l’impossible pour m’en procurer le plus possible. De toutes façons ne vous privez pas pour moi quant à la nourriture. Je suis habitué plus que vous aux privations. Question santé, ça peut aller, malgré un froid très rigoureux. N’oubliez pas de dire à mes patrons, tante Irma et à François que j’ai bien reçu leurs lettres et les remercie bien en attendant de leur réécrire. Mille baisers à mes petites nièces et pour vous tous ma grande affection. Georges

 

Le 29 – 3 – 42

Peu de choses de nouveau aujourd’hui. Temps légèrement meilleur mais restrictions de plus en plus fortes. Presque plus rien à manger. Travail inchangé pour cela. Me demande comment tiendrons. C’est inhumain ! ! Toujours pas colis depuis bientôt 1 mois ½. Lettres non plus. Ne comprends pas retard pareil, surtout maintenant qu’avons besoin de forces morales surtout. Envoyez Dépêche Toulouse dans colis. Mille baisers. Georges

 

Ce 21 – 4 – 42

Mes chers tous. Tout d’abord je voudrais que vous remerciiez en mon nom Marcelle, Anna, Ardourel de ce qu’ils ont fait pour moi. Je ne l’oublierai pas croyez-le ! ! Dans tous les cas ne vous privez pas pour moi. Evidemment, j’ai souvent faim mais depuis bientôt deux ans que cela dure, j’y suis habitué plus que vous. A l’avenir, faites pour le mieux sans vous restreindre si peu que se soit. Quant à la Croix Rouge, je n’ai jamais rien reçu d’elle. Voyez s’il est possible d’avoir quelque chose vous-même. Très heureux que le premier envoi d’argent vous soit parvenu. Vous en ai adressé un autre de 80 Marks, soit environ 1600 Frs. Si Marguerite est gênée, tâchez de vous arranger entre vous. Enfin, disposez-en comme vous l’entendez sans vous occuper de moi. Quant au pécule que tu me réserves Maman, je ne comprends pas quel est cet argent que tu peux économiser pour moi, vu que vous devez en avoir besoin, tout étant très cher en France. Quant à la libération, je préfère ne pas en entendre parler, c’est un mot tellement mystérieux ! !… Surtout, à toute mes lettres ou cartes, faites-en part à mes patrons et François et dites-leur que je ne les oublie pas, mais je ne peux leur écrire aussi souvent que je le voudrais. A tante Irma, cousins de Toulouse, Lucien et sa famille, aux Lecussan, toute mon amitié et mon lointain souvenir. Si possible, voudrais sandales corde. Ai reçu colis contenant nécessaire et tout au complet. Celui de Pâques aussi, mais en retard. Georges

 

Le 4 – 5 - 42

Pas de nouvelles depuis quelques temps. Mais reçu colis Margot avec tout ce que j’avais demandé. Attends impatiemment de toi Maman. Ecris à Margot, lui disant de prendre 40 Marks sur le dernier envoi de 80 M. Aussi besoin de jambières sans pied pour remplacer molletières, chaussettes et mouchoirs, et surtout de quoi manger si possible. Toujours même vie ici, avec la faim qui nous tenaille sans cesse. Mille baisers. Georges

 

Quitte le K° 1487, Rentre au stalag XI B le 6 mai 42

 

Le 9 – 5 - 42

Suis au stalag depuis 3 jours. Donc adresse colis et lettres au stalag XI B sans mentionner aucun N° de K°. N’ai rien reçu depuis plus d’un mois sauf lettre Boudet. Ai surtout besoin vivres et « Aspro », sel, poivre, enfin, ce que vous jugerez utile. Santé va à eu près. Temps assez beau pour l’instant. N’oubliez pas surtout cacao ou poudre de chocolat. Baisers. Georges

 

Ce 17 – 5 – 42

Bien chers tous. Bien reçu votre colis expédié le 18 Avril, voilà 4 jours. Il va sans dire qu’il a été le bienvenu en tous points. Je suis au stalag depuis bientôt une quinzaine et je ne sais pour combien de temps. Donc n’adressez plus les colis à venir au K° où j’étais précédemment. Que vous dire si ce n’est que la santé va à peu près et que le temps est au beau relatif. Le temps est long tout de même ici. J’aimerais que dans vos réponses vous me parliez de ce qui se passe en France et surtout d’avoir des nouvelles de la région. Margot et Marcel n’y manquent pas eux dans leurs réponses. Malheureusement, je ne peux leur écrire bien souvent. Dans tous les cas, j’espère que vous leur faites part de toutes mes lettres, ainsi qu’à mes patrons, Boudet, en un mot tous mes amis. Dites leur que je pense bien souvent à eux et qu’il me tarde d’être à nouveau parmi vous. Pouvez vous m’envoyer un ou deux « slips » ainsi que des jambières déjà demandées. Quant aux victuailles, faites pour le mieux, la faim me tenaille continuellement. Du savon aussi me serait nécessaire. Je n’ose trop vous demander vu que vous devez avoir du mal à vous procurer le nécessaire. Mille et mille baisers. Georges

 

Ce 1 – 6 – 42

Reçu avant-hier colis du 7 Mai, le tout en parfait état. Vous dire que c’est toujours avec un immense plaisir que je reçois ces colis est inutile, et pourtant, je suis sûr que vous vous privez pour m’envoyer de quoi calmer ma faim. Tout ce que je vous demande, c’est surtout de ne pas vous rendre malades pour moi et surtout de ne point acheter des choses qui doivent être hors de prix. Enfin, vous voyez ce que je veux dire ! Tu voudras bien remercier Mr le Curé de l’attention qu’il a eue pour moi en m’envoyant des livres. Dites lui que j’apprécie à sa juste valeur ce geste. Ceci dit, je suis toujours au camp. Je ne sais encore pour combien de temps ! Avez-vous reçu les 80 Marks envoyés. Tu voudras bien en remettre 40 à Margot. Aujourd’hui 1er Juin, il fait froid et sombre, presque un temps d’hiver. Je ne pourrai jamais m’habituer à ce climat. Il fait vraiment trop froid ici. Voudriez-vous écrire à mes patrons qu’ils me procurent un bouquin de mécanique assez complet. Vous le payeriez bien entendu. Quant à la santé, ça peut aller malgré les privations. Comme toujours, des photos me feraient plaisir. Tâchez de m’en procurer ! ! Je vais terminer ma courte lettre en vous priant d’adresser mes amitiés à tous nos amis. Mille baisers. Georges

 

Le 8 – 6 – 42

Toujours au stalag, vous expliquerai plus longuement dans prochaine lettre pour quelles raisons et le motif de cette punition. Beau temps ici pour le moment avec quelques orages. Santé va à peu près. Mais la faim me tenaille plus que jamais. Quand donc pourrai-je manger à ma faim ? Bientôt 2 ans cette vie, c’est long ! Pensez à m’envoyer slip et jambières. Mille baisers à tous. Votre fils. Georges

Envoyez moi briquet amadou.

 

Ce 15 – 6 – 42

Reçue voilà 3 jours lettre du 27 Mai ainsi que le même jour un colis de la Croix Rouge de Toulouse par l’intermédiaire de mes patrons. Tranquillisez-vous quant au contenu des colis ; jusqu’ici, tout a été au complet et en parfait état. Suis peiné de voir que les restrictions sont de plus en plus dures pour vous aussi. Je ne saurais trop vous recommander de faire le moins de frais possible et de ne point vous priver de l’essentiel. Je suis habitué à être privé, moi, maintenant, ce n’est pas une raison pour que vous en fassiez autant. Evidemment croyez bien que c’est avec un immense plaisir que je reçois vos colis, surtout depuis ce dernier mois. Je peux au moins manger 2 ou 3 fois à ma faim et c’est quelque chose, croyez-le ! ! Donc à l’avenir, faites pour le mieux. Légumes, confitures, biscuits, savon, sucre et café par exemple me feraient plaisir. Ceci dit, je viens d’effectuer un autre envoi d’argent en plus des 80 Marks envoyés précédemment. Je ne sais pas encore le montant. Je vous l’écrirai dès réception du reçu que l’on me délivre. Dès que vous serez en possession de ces 2 sommes envoyées, allez trouver mon cousin Jean à Toulouse et remettez lui la somme de 300 Frs qu’il me dit lui devoir. Ce malentendu sera dissipé et je ne demande qu’une chose, c’est de ne plus entendre parler d’eux. Je compte sur vous ! Faites part de ma lettre à Margot et Marcel. Mille baisers à tous. Georges

 

Ce 28 – 6 – 42

Mes chers Parents. Encore un Dimanche comme bien d’autres que je passe loin de vous, et bientôt 2 mois que je suis au stalag. Que vous dire de la vie qu’on mène dans ces camps. Rien, si ce n’est que c’est loin d’être tout rose. Il est possible qu’il y en ait qui aient trouvé ça à leur goût, pour moi et bien d’autres hélas, il n’en est pas de même, surtout dans le cas de disciplinaire qui est le mien. Il n’en faut pas beaucoup pour en arriver là. J’ai eu le malheur de vous écrire que j’avais faim, et cela a suffi. Vous me connaissez assez pour savoir qu’il en fallait beaucoup pour me plaindre, aussi, je ne croyais pas faire de mal en écrivant cela. Il n’en a pas été ainsi. Tant pis ! J’ai reçu voilà 3 jours une carte m’annonçant un colis parti du 25 Mai et que je n’ai pas encore reçu. En revanche, j’en ai reçu un de la Croix Rouge de Toulouse où mes patrons avaient participé. Remerciez les de ma part en attendant que je leur écrive. Pour la santé, ça peut aller malgré les hauts et bas de la température. Un ou deux jours on crève de chaleur et le lendemain il gèle. Vous voyez d’ici si c’est intéressant. Quant à la nourriture n’en parlons pas !… Tâchez de me procurer le livre de mécanique. Envoyé encore 44 Marks le 15 – 6. Mille baisers à tous. Georges

 

Le 6 – 7 – 42

Bien chers tous. C’est toujours du stalag que je vous écris et toujours dans les mêmes conditions. Je n’ai reçu de vous qu’une carte datée du 13 Juin et j’ai pourtant écrit régulièrement. Ces retards sont inconcevables. En revanche, j’ai reçu le colis contenant 1 boîte conserve, 4 paquets cig. 1 tabac, etc… Enfin, le tout au complet. Attends sandales et slip autant que possible noir ou couleur foncée. Je vous demanderai aussi de me procurer par l’intermédiaire de mes patrons à Toulouse, un livre concernant le dessin et le tracé industriel, cours primaire ou secondaire, cela m’est égal. Faites votre possible, vous me ferez plaisir, joignez aussi celui que je vous ai demandé précédemment. Je compte sur vous. Reçue aussi une lettre de tante Anna. Ai répondu. Quant à l’argent que je vous ai adressé, disposez-en comme vous le jugez. Si Marcel en a besoin pour son commerce, arrangez vous ensemble. Je ne suis malheureusement pas encore de retour et quand le serai-je ? Ici, il fait très chaud ces jours-ci, mais la température a des hauts et des bas si fréquents et si brusques qu’il faut avoir bonne santé pour tenir le coup. Adressez toutes mes amitiés aux Patrons, Boudet, aux parents et amis. Baisers. Georges

 

 

Le 13 – 7 – 42

Chère maman et tous. C’est toujours avec un immense plaisir que j’écris le plus longuement possible. Malheureusement, je ne suis pas payé en retour car je n’ai rien reçu depuis 2 mois et demi que je suis ici, que 3 ou 4 cartes-lettres de vous ou de Margot, dont une de tante Anna. Quant aux colis (et Dieu sait s’ils sont désirés), le dernier reçu fut de Marguerite et voilà 3 semaines. Je ne peux pas me plaindre vu que je suis ici pour cette raison, mais vous avouerez qu’il faut avoir un moral solide pour supporter en silence d’être privé des choses qui vous feraient tant de bien moralement et physiquement. Maintenant, mon petit René, c’est à toi que je m’adresserai en particulier. En deux mots, voici ce que je voudrais que tu comprennes. C’est qu’il y en a assez d’un qui soit éloigné de la famille, donc je te demanderai de ne rien faire pour te détacher des êtres qui nous sont chers à tous les deux ! J’espère que tu me comprendras ! Ceci dit, la santé est toujours à peu près bonne et souhaite de tout mon cœur qu’il en soit de même pour vous tous. Envoyez moi le plus de photos possible. C’est avec une grande joie que je les reçois. N’oubliez pas les bouquins que je vous ai demandés précédemment, ainsi que tout le reste si possible. Adressez mes meilleurs souvenirs et mes amitiés à tous nos parents et amis communs, en particulier à mes patrons, François et sa famille, Boudet, et pour vous, mille et mille baisers. Georges

 

L’échec de Poux, c’est l’échec d’une évasion. Poux, qui était l’instituteur de Verfeil, fut également envoyé à Rawa Ruska, mais pas au même moment.

 

Le 16 – 7 - 42

Maman chérie, cher frère et sœurette. Je reçois à l’instant votre lettre du 2 Juin qui comme toutes me procure un peu de joie. J’ai reçu voilà 3 jour le colis du 20 juin contenant 1 conserve, 1kg biscuits, « Aspro », enfin tout est au complet et conforme au relevé que vous joignez à l’intérieur. Quant aux colis de Novembre, Janvier et Février, Mars, le tout m’est bien parvenu, mais avec beaucoup de retard. Enfin, l’essentiel est que je l’ai. Pour la Croix Rouge de St Antonin, je n’ai encore rien reçu. Pour l’argent que je vous envoie, dès réception, disposez-en comme vous voudrez, je l’ai écrit à Marcel et Margot. Il peut vous servir et améliorer les conditions de votre vie. Très heureux aussi que tout soit liquidé avec tante Anna. Pour Jean, faites comme je vous ai dit. Quant à leurs sentiments de pitié pour moi, je ne me trompe pas sur leur nature. Une seule chose compte pour toute cette famille, l’argent, le reste est secondaire. Jean est peut-être le plus sincère. Ne manquez pas surtout, à chacune de mes lettres ou cartes d’en faire part à mes patrons et à tous nos amis et parents. Je ne peux écrire à tous, mais chaque fois que je vous écris, j'enferme ma pensée pour tous ceux cités plus haut. Embrassez pour moi tante Irma, les familles de Juliette et Jeanne aussi. Quant aux bouquins de mécanique, envoyez moi tout ce que vous pourrez. Reçu aussi lettre m’annonçant échec de Poux. Dommage ! Mille et mille baisers. Que devient mon vieux copain « Coicou » ? Georges

 

Adresse : Mr PETIT Georges, 88256 Geprüft stalag XI B B° 8

 

Le 17 – 7 – 42

Mes chers tous. Vous accuse réception d’abord de 2 colis reçus un le 22 et l’autre le 23. Parvenant d’une part de la C.R. de St Antonin et de l’autre du « Cercle Mermoz » de Toulouse et envoyé par Margot. Le tout est parvenu en parfait état et au complet. Je n’ai pas encore reçu celui contenant les bouquins et les sandales demandés. Quant à moi, toujours ici au stalag et dans les mêmes conditions qu’au début. La santé va à peu près et quant à la libération que vous me dites si près, ne me parlez plus de cela je vous en prie ! Il y a deux ans que l’on nous dit que c’est très bientôt, le résultat est qu’il n’y a rien de changé, aussi savons-nous à quoi nous en tenir maintenant. Heureux que vous ayez reçu les 80 Marks envoyés, un autre mandat de 44 M suit. Faites ce que vous jugerez bon de cet argent, comme je vous l’ai déjà dit. Dans tous les cas, liquidez le différent que j’ai eu avec Jean et qu’on ne m’en parle plus. Quant aux nouvelles de « Coicou », point jusqu’ici. J’aurais pourtant beaucoup de plaisir d’en recevoir. Je serais content pour lui aussi qu’il puisse s’en sortir avec ses yeux Vous me dites qu’il fait chaud en France, ici, un bon tricot n’est pas de trop. Faites votre possible pour les bouquins demandés ainsi que pour les journaux. Quant aux colis, je compte toujours sur vous, car il faut serrer la ceinture de plus en plus. Mille et mille baisers. Georges

 

Ce 3 – 8 – 42

Reçu aujourd’hui C- L du 21 – 7 en même temps qu’une de Margot. Attends toujours colis avec sandales et celui parti du 15 – 7. C’est énervant de tels retards ! Tant pis pour jambières. Attends aussi livres Mme Pallaruelle. Pourquoi René ne m’écrit-il jamais un petit mot. M’aurait-il oublié ? Toujours au camp, mais vais rentrer au château pour 21 jours cette semaine. Mille et mille baisers. Georges

 

Entre en prison le 5 Août pour 21 jours.

 

Ce 17 – 8 – 42

Mes bien chers tous. J’ai reçu voici 12 jours une lettre de Margot écrite à Verfeil et datée du 22 – 7. Depuis plus rien. C’est à désespérer ! ! C’est pourtant la seule consolation que nous ayons dans notre si long exil. Je suppose donc que Margot et mes petites nièces sont toujours à Verfeil, de ce fait, cette lettre répondra à la sienne et vous donnera de mes nouvelles à tous. Pour les colis, je n’ai rien reçu depuis un mois bientôt, entre autre celui de la C.R. de St Antonin avec les sandales ne m’est pas encore parvenu ni même le dernier de Margot. Mais je ne m’alarme pas car pour le moment et jusqu’au 25 qui court, je ne verrai rien, vu que je suis à l’ombre depuis le 5. Je ne m’étendrai pas plus longtemps là-dessus. Je vous dirai simplement que ça va. Je crois vous avoir demandé déjà de me procurer des livres traitant le dessin et tracé industriel ainsi que des bouquins de mécanique. Faites-en part à mes patrons, payez-les et envoyez moi tout ce que vous jugerez bon. Avez-vous reçu un nouveau mandat de 44 Marks ? Pour cet argent, faites comme je vous dis, servez-vous en si vous le jugez utile. Je n’en ai pas besoin, vu que malheureusement je ne suis pas encore de retour et Dieu sait quand ! ! René, ne te laisses pas tenter par les voyages, au moins ! Ecoute-moi surtout ! Plus grand chose pour aujourd’hui. Mille et mille baisers. Georges

 

Parle d’un codétenu : Marcel Demortiers

 

Le 17 – 8 – 42

Reçue hier votre lettre du 12 – 8 – 42 écrite par Jeannette. Maman serait-elle malade qu’elle n’ait pas ajouté un mot ? Vais toucher aujourd’hui tous les colis envoyés en partant de celui de la C.R. De St Antonin et contenant les sandales. Espère que tout sera en bon état. Merci aussi aux jeunes filles de Verfeil de leur geste en faveur des P G. Nous en avons besoin croyez-le ! Quant à Marcel Demortiers, c’est un gentil garçon qui m’a demandé ton adresse pour simplement correspondre. Fais comme tu voudras. Terminé prison hier. Mille et mille baisers. Georges

 

Adresse : PETIT Georges, 88256, Stammlager XI B, K.D.O 1842

 

Ce 5 – 9 – 42

Bien chers tous

Depuis jeudi, me voici à nouveau en K°, mais hélas, ce n’est plus en fabrique que je travaille. La pelle et la pioche sont nos instruments de travail journaliers. C’est dur, croyez-le ! Je ne pensais pas qu’avec mon métier, je serai tombé là. Enfin, il faut se résigner encore et toujours, et gravir ce dur calvaire. Je ne vous parlerai pas de la question alimentation. Pensez-en ce que vous voudrez ! Dans tous les cas, je vous assure que les colis sont plus que désirés, donc vous devez comprendre. J’ai bien reçu les deux colis du 10 Juillet (Margot), 15 Juillet (Maman) et autres, c’est tout au complet, mais pas celui de la Croix Rouge de St Antonin contenant sandales. Je vous demanderai de vous communiquer mes lettres entre vous, car maintenant, je n’en aurai pas comme au camp. Comme je vous l’ai déjà demandé, envoyez moi des légumes secs, savon, ail, oignon, poivre, et si vous le trouvez, du « stockfisch » ! Enfin, faites pour le mieux. Dans tous les cas, n’oubliez pas du tabac et papier à cigarettes aussi. Pour cet hiver, vous pouvez me préparer un autre tricot à col roulé en bon état. Donc maintenant, adressez tout au K° 1842. Si vous voyez la possibilité de m’envoyer un peu de farine, ça me serait utile, enfin de quoi manger le plus possible, sans vous priver et avec le moins de frais. Mille et mille baisers à tous.

 

Ce 17 – 9 – 42

Bien chers tous. Cette même lettre vous servira de réponse en général car les lettres sont rares ici. Nous n’avons d’ailleurs le courrier qu’une fois par semaine et il n’est pas rare d’en avoir 4 ou 5 à la fois. Ainsi, la semaine dernière, j’ai reçu les lettres de René, Jean, Margot, et deux autres, tout ça en même temps. Je ne puis donc répondre à chacun en particulier, aussi vous communiquerez vous cette réponse. Suis heureux que René soit trouvé là pour régler le différend que vous avez eu avec ce rapace de Bertrand. Je suis bien sûr qu’il ne devait faire rien de bien propre comme à leur habitude. J’ai été aussi très étonné de la lettre de Jean. Vous leur direz, à lui et à Annie que je n’ai point de rancune et, que de mon côté tout sera oublié. Dès que vous en aurez l’occasion, adressez mes remerciements et amitiés à mes patrons pour le colis envoyé ainsi que pour les bouquins. Je ne puis leur écrire encore, toujours par manque de lettres ou cartes. Rassurez-vous quant à mon séjour à l’ombre ! Tout s’est bien passé. A l’avenir, il faudra que je sois moins explicite dans mes lettres où sans cela, un nouveau séjour m’est réservé. Assez bonne santé pour le moment malgré le froid. Toujours pas de nouvelles du colis de la C.R. de ST Antonin et du 27 Juin. Ai réclamé. Attends réponse du stalag . En attends d’autres avec impatience. Termine en vous embrassant bien fort. Georges

 

Parle d’un codétenu Toulousain, cuisinier au Lafayette

 

 

Ce 21 – 9 – 42

Mes chers tous. Dimanche dernier, j’ai écrit une lettre à Margot lui annonçant que tout était bien parvenu quant aux colis, les vôtres aussi sont bien arrivés sauf celui de la C.R. contenant les sandales. Je vais faire une réclamation et je vous tiendrai au courant sur ce qu’il restera à faire à ce sujet. Pour les bouts de laine, tu peux te procurer le nécessaire pour un pull-over, passe-montagne. Le froid se fait déjà sentir par ici et malheureusement ce ne sera pas pour cet hiver encore. J’appréhende fort pour cette saison-là car je suis dans un K.D.O. disciplinaire et nous travaillons à la terrasse, c’est dur, mais pour rien au monde je ne me plaindrai de ce que j’endure. Ma vie de prisonnier sera bien remplie croyez-le ! Pour l’envoi des colis, faites comme à l’habitude et mettez des choses que vous pouvez vous procurer facilement et qui sont de bon profit. Dites-le à Margot, et que surtout elle ne prive pas les petites. Occupez-vous aussi de suite du colis gratuit de Noël. Que Margot en fasse autant auprès du Centre Mermoz à Toulouse. Dans mon malheur, j’ai un peu de chance, je fais équipe avec un toulousain et qui est cuisinier au Lafayette Je me régale aussi bien souvent de ce qu’il cuisine avec ce que nous recevons. Pliez tout ce que vous enverrez avec des journaux. Mille et mille baisers. Mes amitiés à Pautal et « Coicou ». Georges

 

Adresse : Retour au stalag XI B

 

Ce 29 – 10 – 42

A nouveau au Stalag depuis hier, toujours pour les mêmes raisons que vous connaissez déjà. Vous tiendrai au courant dans prochaine lettre. Faites diligence pour colis car ici, tout plus que nécessaire. A part cela, toujours assez bonne santé. Reçu avant hier lettre du 3 – 10. Pas reçu colis du 27 Juin et celui de la C.R. St Antonin parti semaine avant 3 – 10, ni celui de Jean. Espérons. Mille et mille baisers. Georges

 

Adresse : PETIT Georges, 88256, Geprüft stalag XI A , RA- RU Kompanie

 

Le 5 – 11 – 42

Depuis votre lettre du 3 Octobre, je n’ai plus rien reçu, mais en revanche, ces 8 derniers jours, je voyage à travers l’Allemagne. Dans une quinzaine, je serai sûrement en des lieux moins tempérés qu’ici. Il faut que je vous dise que c’est toujours par mesure disciplinaire. Vraiment, depuis le 5 Mai que cela dure, je trouve que ça commence à être un peu long. De toute façon, vous recevrez des étiquettes du stalag XI B sur lesquelles vous n’oublierez pas de rayer XI B pour mettre : Stalag XI A. RA-RU Kompanie. Faites diligence pour m’envoyer le plus possible de colis, entre autres celui qui est gratuit pour Noël et dites-le à Margot qu’elle en fasse autant de son côté. Si vous pouvez trouver à nouveau des jambières, elles me seraient utiles, sans oublier passe-montagne et bas de laine. Enfin, tout ce qui peut servir pour des pays très froids. De toute façon, voilà bientôt un mois que je n’ai pas eu un seul colis ! J’ai trouvé une marraine à Montpellier. Voudriez-vous lui écrire et la mettre au courant de ma situation. Margot vous donnera l’adresse. Vous me direz aussi ce que vous pensez d’elle. On ne sait jamais ? Je vais terminer à regret car je ne sais quand j’écrirai maintenant. Donnez de mes nouvelles à tout le monde que j’intéresse particulièrement, mes patrons, Boudet et autres. Mille baisers. Georges

 

Ce 19 – 11 - 42

Toujours à ce Stalag, mais pour peu de temps. N’ai toujours pas de vos nouvelles ni colis depuis plus d’un mois. Retrouverai le tout à nouvelle destination. Faites diligence pour colis pour qu’arrêt de Décembre à Janvier ne soit pas trop sensible. Ici, neige a fait déjà apparition. Nourriture… ? Santé à peu près. Utilisez toutes étiquettes pour vivres. Mes amitiés à tout le monde là-bas, sans oublier mes patrons et Boudet. De bien gros baisers pour vous tous de votre Georges.

 

Ce 5 – 12 – 42

Reçu aujourd’hui 4 - 12 votre colis expédié le 15 Sept. Le dernier reçu avant celui-là m’est parvenu le 15 – 10 et était de la C.R. de St Antonin. Je ne sais si depuis cette dernière date vous m’en avez envoyé d’autres, soit personnel. Ou par la C.R.. Quant à celui du 27 Juin, point de traces, pas plus que celui que Jean devait m’envoyer à l’occasion du mariage de Titi ainsi que celui des Amit. Afrc. que Jeannette m’écrivait m’adresser. J’ai beau réclamer ici, c’est comme si je ne faisais rien. Voyez si, par l’intermed. de la C R Intern. à Genève, vous pouvez quelque chose. Avez-vous fait le nécessaire pour le colis gratuit de Noël ? Pour les étiquettes que vous recevrez, faites comme par le passé, hormis les lainages demandés, ne m’envoyez que des vivres. Toujours au XI A en attendant un nouveau départ pour d’autres cieux, mais pas celui de France, hélas ! Actuellement, je suis en traitement pour un anthrax qui m’est venu au bas des reins. Je suis à l’infirmerie et pour les soins, je n’ai rien à dire, tout va pour le mieux, mais qu’est-ce que j’ai pu souffrir de cette saleté-là ! Quant aux lettres, rien depuis bientôt deux mois. C’est désespérant ! Avez-vous eu à Verfeil la visite de personnes que vous n’aviez jamais vues. Manquait dans votre dernier colis poivre et papier à cigar. Plus grand chose à vous dire aujourd’hui. Tout n’est pas bon à dire à un prisonnier. Enfin, espérons que des jours meilleurs succèderont à ce triste calvaire et que l’hiver et l’année nouvelle qui viennent seront de meilleure augure pour tous. Je termine aussi en vous souhaitant, à toi, Maman chérie, à vous tous chers frère et sœurs, une bonne et heureuse année et surtout une parfaite santé. Les mêmes vœux à Tante Irma, les Lecussan et cousins, parents et amis, sans oublier Boudet. Mille et mille baisers. Georges

Le 17 – 12 – 42

Reçu le 7 – 12 une lettre et une carte de Margot et le 10 – 12 votre lettre du 23 Nov. Quant aux colis annoncés par Margot et par vous, rien encore à part celui avec farine et lapin …etc. Triste Noël en perspective ! ! Faites savoir à Margot ne puis lui écrire aujourd’hui. Dites lui qu’attends son colis avec impatience aussi, embrassez les tous pour moi. Mon anthrax est en voie de guérison, mais quelle saleté ! ! Encore une fois, bonne et heureuse année à tous nos parents et amis. Mille et mille baisers. Ai bien reçu jambières et slip. Georges

 

Adresse : PETIT Georges 88256 Stalag 325, (Rawa-Ruska barré) Lemberg (écrit à la main) (Tampon : geprüft 27 Stalag 325)

 

Le 20 – 1 – 43

Reçu le 15 votre lettre du 2 Nov, ainsi qu’une de Raymond et une autre de Margot du 21 – 11, touché hier 10 colis en même temps. Colis tous en bon état ainsi que ceux de Margot, mais c’est trop à la fois. Pull-over bien arrivé mais ai besoin passe-montagne. Froid très vif ici, - 30°. Regardez une carte et vous verrez où je suis actuellement. Ecrirai plus longuement bientôt. Baisers. Georges

 

Le 31 – 1 – 43

Reçu à peu près tous vos colis et lettres avec un sensible retard. Mais enfin, suis en possession, c’est l’essentiel. Ici, il fait froid, très froid et la vie n’est pas rose. Je ne passe point de jour que je ne pense à vous mais de bien loin hélas. La santé malgré tout va à peu près. Faites votre possible pour vous procurer vignettes et m’adresser le plus de colis possible à cette nouvelle adresse ci-contre. Mille et mille baisers. Georges

 

Adresse : PETIT Georges, 88256, Désignation du camp : Stalag 325- Lemberg, General GouvernT District Galizien

 

Le 7 – 2 – 43

Voilà bien longtemps que je n’ai pu vous écrire longuement et depuis, bien des choses se sont passées, comme vous avez pu le voir d’ailleurs par l’adresse des cartes. Bien des kms nous séparent maintenant et je vous assure que tout n’est pas rose ici, tant au point de vue climat, qui est très, très froid ici, que pour tout le reste de la vie journalière. Je ne sais pour combien de temps je suis ici, mais la fin en serait demain, par exemple que ça irait pour le mieux. Ceci dit, je vous ai déjà annoncé je crois que j’avais touché 10 colis en un jour. Entre autres, celui de Jean et Titi et à peu près tous ceux qui étaient en retard. Hier encore, j’en ai perçu un de la C.R. de St Antonin et parti du 31 – 12. Vous direz à Margot que j’ai mangé aujourd’hui pigeons et poulet et que le tout était excellent, mais hélas, c’est fini, aussi si vous le pouvez, faite diligence pour m’envoyer le plus possible de quoi manger. Je sais que la vie est très dure en France, mais ne pourriez vous avoir facilement des légumes secs ! Enfin, faites pour le mieux. Croyez bien que tout ce que je reçois ici est plus que le bienvenu et pour cause. La confiture aussi me ferait plaisir. Je ne veux point continuer à vous réclamer autre chose car je sais que c’est très dur pour vous aussi. Quand donc cela finira ? Pour la santé, ça va à peu près. Je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Le nom de « famille Doryfore désignait les occupants allemands. Il fait allusion à l’envahissement de la zone Sud.

 

Le 17 – 2 – 43

Mon cher petit René et tous. Je reçois à l’instant ta lettre du 28 – 12 – 42, avec retard sensible bien entendu. D’ailleurs ici, ce n’est pas extraordinaire. Je vous remercie tous de vos bons souhaits, mais hélas je ne crois pas qu’ils se réalisent aussi vite que vous le pensez. J’ai reçu voilà deux jours une lettre de Maman m’annonçant le mariage de Joseph Donnadieu. Adressez-lui de ma part tous mes vœux de bonheur et prospérité. Pour moi, hélas ! Il n’en est point ainsi ! ! Je vis, mais dans quelles conditions bon Dieu. Sans les colis, je ne sais pas ce que nous deviendrions. Heureusement, la santé est bonne et je tiens le choc malgré le froid terrible de ces régions. Mes félicitations au sujet de votre tenue au football. Tu remercieras bien aussi Raymond Viguier de la gentille lettre que j’ai reçue de lui. Le pull-over m’est bien parvenu aussi et j’attends impatiemment le passe-montagne qui est de rigueur ici. Quant à la famille Doryphore, il est heureux que vous ne les ayez point reçus, elle ne vous aurait attiré que des ennuis. Je terminerai ce soir par la demande de ne pas trop m’oublier car ici, j’en ai plus que besoin. Mes amitiés à tous nos parents et aussi pour vous mes plus tendres baisers. Georges

 

Le 1 – 3 – 43

Peu de choses à vous dire aujourd’hui si ce n’est que j’ai bien reçu aussi le dernier colis parti du 19 Janvier, en son temps et au complet. Ici, toujours la même chose, très froid, et la neige en permanence. Pour la santé, ça va à peu près malgré la maigre pitance, aussi les colis sont-ils les bienvenus ! Serais content me donniez appréciation sur ma marraine. Mille baisers à tous. Georges

 

Le 8 – 3 – 43

Bien chers tous. Reçue avant-hier lettre du 7 Janvier demandant nouvelles santé et m’annonçant colis avec chaussettes, passe-montagne…etc. Le tout voici quelques jours en bon état et au complet. Quant à santé, va à peu près , malgré le froid toujours persistant. Donnez-moi nouvelles René car craint fort pour lui depuis peu. Un malheur ne vient jamais seul hélas ! Mille et mille baisers. Georges

 

Le 12 – 3 – 43

Peu de choses à vous dire aujourd’hui si ce n’est que depuis quelques jours, le temps est plus beau et bien moins froid. Ce n’est pas malheureux ! J’attends toujours nouvelles avec impatience, mais c’est long ici, pour les colis aussi, et pourtant, nous en avons tellement besoin. Ai appris naissance petit Jean Claude, tant mieux bien passé, vais leur écrire. Mille baisers. Georges

 

Le 27 – 3 – 43

Bien chers tous. Reçues voici 2 jours lettre et carte du 9/3 et 12/3 et aujourd’hui colis C.R. de St Antonin. Quant au colis contenant œufs, pas encore reçu. Attends avec impatience. Ici, toujours même vie, moins froid depuis quelques jours et ce n’est pas malheureux ! ! Ai appris heureuse naissance petit Jean Claude avec joie. N’espère pas rentrer de sitôt, à l’envers de vous. Tout cela n’est pas près de finir, croyez-le ! ! Je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Le 7 – 4 – 43

Rentré depuis hier à l’infirmerie pour bronchite. Pas grave. Reçu hier aussi colis du 10 et 19 Mars au complet. Voyez si pas possible faire demande rapatriement, soit comme soutien de famille, ou par l’intermédiaire de mes patrons, comme spécialiste. Temps meilleur depuis qq temps ici, mais question alimentaire toujours très défectueuse. Si possible, procurez-moi sandales corde. Mille et mille baisers. Georges

 

Le 12 - 4 - 43 (lettre double dont la partie gauche a été frappée dutampon « INADMIS » et barré de traits)

Mes chers tous. J’ai reçu le 9 deux cartes de Margot datées du 27 Mars et la vôtre du 21 Janvier. Me demande où elle a bien pu passer pour ne m’arriver que maintenant. Enfin, il ne faut s’étonner de rien dans cet enfer. Qu’avons nous fait Bon Dieu pour mériter cela ! C’est à croire que nous n’en sortirons jamais voyez-vous, aussi je vous demanderai de me parler le moins possible de relève. Voilà un an que je suis en discipline et rien ne me fait prévoir que j’en sortirai bientôt, aussi la relève, pour nous, vous savez… ! ! Ne croyez pas pour cela que le moral soit très bas, non. Ce qui est dur, surtout, c’est le mutisme qu’il faut observer. Voilà la chose la plus mauvaise. Ah ! Croyez bien que c’est maintenant que l’on apprécie pleinement le sens du mot : liberté. Ceci dit, je crois vous avoir dit déjà que les deux derniers colis étaient au complet, dont les 6 œufs intacts et déjà dévorés, ainsi d’ailleurs que les 2 boîtes de tante Irma. Vous la remercierez bien de ma part surtout. Margot me dit dans sa carte que vous baptisez mon petit neveu pour Pâques et à Verfeil. Je serai de cœur avec vous ce jour-là, mais je serais content et heureux que ma marraine soit présente aussi, si cela ne vous dérange pas bien entendu. Dans l’espoir de vous lire bientôt, je vous embrasse bien, bien fort. Georges

 

Le 19 – 4 – 43

Reçue le 16 votre carte du 19/3 mais pas encore colis parti même jour. Suis impatient. Pour tante Anna, lui ai écrit voilà longtemps, n’ai jamais eu de réponse. Si possible, envoyez moi 1 ou 2 tricots de peau que j’avais dans ma trousse à Toulouse. Dites à mes patrons, merci de leur carte reçue le 16/3. Que fait René ?…N’est-il pas parti comme bien d’autres ? Mille baisers. Georges

 

Lemberg le 1er Mai

Reçue hier votre carte du 29/3. Quant aux colis, les ai tous reçus jusqu’à ce jour, y compris celui contenant passe-montagne et chaussettes. Il fait assez beau actuellement ici. Ai passé des Pâques bien tristes surtout sachant que ce jour-là vous étiez réunis pour baptiser mon petit neveu. Je serais heureux, Maman, que tu fasses connaissance de ma marraine et que tu me dises ce que tu en penses. A vous lire bientôt, je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

 

 

Le 16 Mai 43

Bien reçue voici deux jours la lettre de René avec joie, car suis heureux qu’il soit toujours auprès de vous. Quant à moi, toujours pareil et toujours aussi triste est notre vie ! ! Hélas, comme je voudrais que vos paroles d’encouragement soit bien fondées, mais malheureusement, il n’en sera pas ainsi. Pourriez-vous me procurer un short et toujours quelques tricots de peau. En attendant je vous embrasse de tout mon cœur. Georges

 

Le 23 – 5 – 43

Reçu colis C.R. St Antonin voici 4 ou 5 jours, toujours avec plaisir car les conditions de vie sont toujours les mêmes ici ; en plus de cela, il fait froid à nouveau après qq jours de beau temps. La santé, malgré tout va à peu près. Attendons patiemment notre délivrance, mais que c’est long Bon Dieu ! Aussi faites votre possible pour que mes patrons essayent encore une fois de me faire rapatrier. Je vais vous quitter avec ce petit espoir en vous embrassant tous de tout mon cœur. Georges

 

Changement de K° (tampon Geprüft 38 stalag 325)

 

Le 31 – 5 – 43

Encore une nouvelle épreuve à ajouter aux autres car me voici depuis bientôt huit jours dans un nouveau K°. Je ne vous décrirai pas la vie en ce lieu, j’espère que vous comprendrez suffisamment. Je ne sais comment, voyez-vous, je peux tenir le coup. J’ai beau essayer de réagir, je sens de plus en plus que je me diminue moralement et physiquement. Quand donc ce calvaire prendra-t-il fin ? Ne vous tourmentez pas si nouvelles un peu rares à l’avenir. Mille et mille baisers.

 

Le 8 – 6 – 43

Bien chers tous. J’ai reçu hier seulement votre colis du 7 – 5 . Tout est arrivé à bon port sauf 5 œufs qui étaient cassés. Je suppose qu’ils étaient trop compressés dans la boîte. Il vaudrait peut-être mieux à l’avenir que vous me les envoyiez dans une boîte à compartiments comme j’en vois pour beaucoup de mes camarades qui en reçoivent. Tout cela est parler pour ne rien dire si, comme je le pense, vous avez de grosses difficultés à vous ravitailler vous-mêmes. Aussi, je ne saurais trop vous recommander de ne point vous priver pour moi. On dit que l’habitude est une seconde nature, il faut bien le croire, car avoir faim, pour nous, est une chose presque journalière, donc une habitude ! En ce moment-ci surtout, vu, comme je vous l’ai déjà dit, que je suis à nouveau en K°. Ici, le travail ne manque pas, bien entendu, il n’en est pas de même de la question précitée. Je ne m’étendrai pas plus longuement là-dessus, car tout n’est pas bon à dire et j’en sais quelque chose personnellement. Voici bientôt 3 ans (le 16 juin) que je commençais cette vie de paria et d’exilé. Bien des choses se sont passées depuis, et je me demande ce que nous réserve encore l’avenir. Sera-t-il pour nous plus clément que ne le furent les jours passés ? Mystère… ! ! La santé actuellement va à peu près, si ce n’était cet état d’hébétude et d’avachissement qui s’empare de plus en plus de la plupart de nous. Je me demande parfois s’il sera possible plus tard de remonter le courant ! ! Souhaitons que oui. Je terminerai ici, faute de place, en vous embrassant tous bien fort. Georges

 

Allusion à ce que font Poux et Pierrot : évasion ?

 

Le 15 – 6 – 43

Vous ai envoyé aujourd’hui colis de linge, la plupart est usagé mais réparable je crois, le reste, je n’en ai pas besoin pour l’instant. Je fais exactement comme Poux et Pierrot, j’espère que tout arrivera et ira bien. Vous écrirai prochainement une lettre. Ne vous tourmentez pas à mon sujet malgré la dure vie d’ici, et faites toujours comme par le passé. Dans l’attente de vous lire, je vous embrasse bien. Georges

 

Le 1er Juillet 43

Reçue hier votre carte du 15 Juin, reçus aussi les 2 derniers colis avec œufs et pain, le tout au complet mais malheureusement des œufs cassés. Suis en peine quant à René, souhaite qu’il s’en sorte avantageusement. Pour moi, toujours pareil. Peut-être un de ces jours vais-je rentrer à nouveau en Allemagne. Santé pas terrible car climat très changeant. Froid actuellement. Mille et mille baisers. Georges

 

Retour au Stalag vers le 15 juillet

 

Le 20 – 7 – 43

Mes chers tous. J’ai reçu hier votre carte du 4 Juillet. Celle-ci m’a retrouvé au Stalag où je suis revenu depuis quelques jours. Je ne m’étendrai pas sur la vie d’ici. Je vous ai déjà décrit ce que c’était, ça n’a pas changé. Ma pauvre Maman, j’ai de la peine en pensant que tu souffres pour moi. Il ne faut pas vois-tu !…Dis toi bien que toutes ces souffrances je les supporte avec dignité et comme un Français sait les supporter ! Je ne me laisse pas abattre autant que vous le pensez, mais j’ai des moments de noir « cafard », voilà tout. Je réagis vite, et les colis aidant, tout se passe assez bien. Comme vous, je pense qu’un jour viendra bien où tout cela sera terminé. En attendant, mon vœu le plus cher serait que René restât auprès de vous. Sa place est là et non ailleurs. J’espère que tu me comprendras René, n’est ce pas ? A présent, Maman, tu dois savoir par Margot, à quel point j’en suis avec ma marraine. Je serais heureux, très heureux même que tu fasses sa connaissance. Pour cela, le seul moyen serait de la convier à venir à Verfeil. Si tu en vois la possibilité, Maman, fais-le et tu me feras plaisir. Mais surtout que cela ne vous oblige pas à vous gêner en quoi que se soit, sinon, n’en parlons plus. Vous m’annoncez un colis du 25 – 6. Pas encore reçu. Me voici déjà à la fin de ma lettre et à regret. Mille et mille baisers à vous tous. Georges

 

Il se réjouit que son frère n’ait pas été requis au S.T.O.

 

Le 15 – 8 – 43

Bien reçu dernier colis du 15 – 7 au complet et hier une lettre de Margot avec photo Jean-Claude. Le tout m’a procuré un grand plaisir. Reçu aussi une carte du 18 – 7 et du 22 – 7. Suis très heureux que René soit à Montauban, plutôt qu’ailleurs. Merci et mon bon souvenir à Pautal pour son attention à mon égard. Avez-vous reçu colis linge ? N’ai jamais reçu colis de Légion Combattants. Mille baisers à vous tous sans oublier tante Irma. Georges

 

Adresse : nouveau Kommando, non désigné (travaux de terrassement), (Tampon : Geprüft 38)

 

Le 22 – 8 – 43

Mes chers Parents. J’ai reçu le 17 courant votre carte du 2 – 8 m’annonçant un colis parti du 28 mais que je n’ai pas encore reçu. Je ne le toucherai pas au stalag où j’étais revenu depuis quelques temps, mais dans un nouveau K°. Je ne m’étendrai pas longtemps sur ce que peut être la vie ici. Comme tous les K° de Pologne, c’est la terrasse, c’est tout dire ! Le moral, malgré tout, est redevenu bon depuis quelques temps et j’espère bien qu’un jour proche verra la fin de nos misères. Veuillez dire à Margot que j’ai reçu la semaine dernière leur lettre du 2 Août. Je suis content qu’elle soit guérie, et aussi d’après votre carte, que les tout petits aillent mieux. Qu’elle ne se tracasse pas pour les colis, les enfants d’abord. Quant à leur départ de Saverdun après vente du fonds, je me demande si c’est bien bon. Bien entendu, ils peuvent en retirer un gros bénéfice, mais que vaudra cet argent après guerre. A moins qu’ils ne le placent sur d’autres immeubles. Ceci dit, si vous trouvez l’occasion de me procurer un tricot de peau (comme les 2 derniers) et un autre slip, j’en aurais besoin. Je ne comprends pas aussi que vous n'ayez pas reçu mon colis de linge. Pour terminer je vous embrasse tous bien fort ainsi que tante Irma. Mon bon souvenir à parents et amis. Georges

 

Nouveau changement de K° : dis être au pied des Carpates (toujours stalag 325, Lemberg, tampon : Geprüft 13), supposition : Stryj

 

Le 8 – 9 – 43

Bien reçu la semaine dernière votre dernier colis avec photo Jean-Claude, tout au complet. De nouvelles point, sauf carte hier de tante Anna et Mme Pallaruelle. Tu les remercieras de ma part. Ai à nouveau changé de K°. Suis maintenant au pied des Carpates. Pas fameux non plus ici. Suis maintenant endurci par épreuves. Avez-vous savon, me fait défaut. Baisers. Georges

 

Le 12 – 9 – 43

Plus de nouvelles depuis longtemps. N’y comprends rien ! Ai encore changé de K°, suis maintenant en vue des Carpates. Pas mieux qu’ailleurs ici, l’épreuve continue, mais avec plus de courage et pour cause ! ! Avez-vous invité Paulette à venir à Verfeil ? Serais content fassiez connaissance. Que René fasse tout son possible pour rentrer à Montauban. Manque savon. Mille baisers et tendresses. Georges

 

Il conseille à son frère de rejoindre le maquis en cas de menace. En effet, le « bouïssas » veut dire « bois », « forêt » en patois.

 

Le 21 – 9 - 43

Chers tous. Reçue le 16 – 9 votre carte du 21 – 8 et suis heureux que mon colis de linge soit arrivé à bon port et au complet malgré le temps. Vous me renverrez au plus tôt les gants, passe-montagne, des bas ou chaussettes de laine, car le froid commence à se faire sentir ici, si possible aussi procurez moi un peu de savon et un gant et serviette de toilette, mais point quelque chose de neuf, ce serait bien dommage ! ! Quant au pull-over, raccommodez-le moi et vous me l’expédierez à ma demande. J’ai perçu hier un colis de la C.R. de St Antonin, le tout au complet et qui fut le bienvenu. A l’avenir, je ne vous enverrai plus guère d’étiquettes, car je suis persuadé que vous faites de gros sacrifices pour me procurer un peu de bien-être durant mon exil. Comme je vous l’ai déjà dit, je suis habitué à la misère, donc, un peu plus, un peu moins, ça n’a guère d’importance ! D’ailleurs, je m’arrangerai toujours pour ne pas trop souffrir. Tant mieux que René soit encore là, enfin, au cas où il aurait un contre temps, le « Bouïssas » lui serait tout désigné ; j’espère qu’il me comprendra. Dites à tante Anna que je m’excuse de ne pouvoir lui répondre encore, mais je manque de lettres ou cartes. Embrassez bien fort mes trois petits neveu et nièces, ainsi que Margot, Marcel, Jeannette, René et pour toi Maman, les baisers affectueux de ton grand fils. Baisers à tante Irma. Georges

 

Adresse ; PETIT Georges, 88256, M – Stammlager 325 STRYJ

 

Le 17 – 10 – 43

Très peu de nouvelles depuis qq jours de votre part. Semaine dernière reçu un colis C. R. St Ant. Complet et bienvenu ! Pas d’espoir retour Allemagne encore. Si pouvez envoyer savon et surtout gants, passe-montagne, lainages, faites-le au plus tôt. Froid a déjà fait son apparition, ici. Bonne santé malgré tout. Le vent des Carpates n’est pas chaud, croyez-le ! ! Que René n’oublie pas ce que je lui disais précédemment. Mille baisers et amitiés à parents et amis. Georges

 

Il parle du transfert du stalag de Rawa Ruska à Stryj

 

Le 17 – 10 – 43

Bien chère Maman et tous. L’occasion est rare où je peux me permettre de vous envoyer deux lettres ou cartes en même temps ; et pourtant j’ai tant de choses à vous dire que chaque fois la place me manque. Tout d’abord dites à Margot que je n’ai pas encore reçu son colis du début Septembre. Il n’y a peut –être pas lieu de s’alarmer, car le stalag venant d’être transféré ici, cela fait toujours un peu de « pagaïe », et de ce fait, retard sur tout. En second lieu, je vous avais écrit précédemment de tâcher de faire la connaissance de ma marraine de guerre. Vous ne m’avez jamais répondu à ce sujet ! ! Y aurait-il quelque chose qui ne vous plairait pas ? ? Dites-le moi franchement ! ! Je n’ai jamais tant pensé à l’avenir que maintenant, aussi, ne pouvant être sur place, je voudrais bien que vous jugiez par vous-même. Je compte donc sur vous pour cette question. Personnellement, rien que la correspondance que nous entretenons à l’heur de me plaire entièrement. Maintenant, j’aime à croire que l’heure de la délivrance ne saurait tarder à sonner, donc j’aurai tout loisir à ce moment-là. Donnez-moi aussi par retour du courrier des nouvelles de « Coicou » et dites à Pautal que mes pensées vont souvent vers lui, ainsi que Raymond Viguier d’ailleurs. Et voici déjà ma lettre terminée, je vais y enfermer encore une fois toute ma tendresse et aussi tous mes plus gros « poutous ». Georges

 

Le 31 - 10 – 43

Chère Maman et tous. Deux mots pour mettre au point la question des colis concernant « La Légion ». Je les ai tous reçus, mais je pensais que l’adresse de l’exp. était : Légion des Combattants…etc, il n’y avait à la place de cela que C.R. St Antonin. Tu me dis, Maman, que tu vis actuellement le plus pénible de ton existence. Je le crois, mais donne moi l’espoir et la joie de faire tout ton possible pour surmonter cette épreuve. Je reviendrai, sois-en sûre. Mille baisers et tendresses à tous. Georges

Demain, ma pensée ira vers nos morts.

 

Le 14 – 11 – 43

Chère Maman. Reçue lettre du 18 – 10 avec beaucoup de retard. Encore point de colis expédié le même jour. René est-il en visite au Bouïssas où chez l’oncle Adolphe de la Coicoune ? Suis très content qu’il m’ait compris ! Regrette que Paulette ne puisse venir à Verfeil. Renouvelez invitation. Toujours bonne santé malgré froid, moral, et courage excellents. Mille baisers et tendresses. Amitiés à tous les amis. Georges

 

Le 12 – 12 – 43

Chère Maman et tous. Cette carte, bien courte hélas, servira uniquement à vous apporter à tous, Margot, Marcel et les petits y compris, tous mes vœux de bonheur et santé pour 44. Puisse cette nouvelle année nous rendre à nos familles et retrouver la quiétude, hélas perdue depuis si longtemps. La santé est bonne et me prépare à rentrer en Allemagne d’ici peu. J’ai purgé ma peine ici. Mes vœux aussi à tante Irma et amis, et parents. Baisers de tout cœur de votre Georges

 

Il quitte la Pologne le 15- 12 – 43

Adresse : Geprüft 9 , Kgf BAB 25, KREFELD Baraken – Lager 6. Meustrasse

Mais il est passé au préalable par Dortmund

 

 

Le 17 – 1 – 44

Reçue à Dortmund le 4 – 1 – 44, la carte de Jeannette du 16 – 12 – 43. Merci ma petite Jeannette de tes bons vœux. Comme toi, je pense que cette année sera la bonne et ce ne sera pas malheureux. Pourquoi Maman ne m’a-t-elle pas dit qu’elle avait eu un érésipèle. Comment va-t-elle actuellement. Je vous demanderai à présent, malgré que ça me coûte, de vouloir bien ne pas m’oublier pour les colis et le tabac, car ici…Insistez aussi auprès de Paulette pour qu’elle vienne vous voir. Mille et mille baisers et tendresses. Georges

 

Le 30 – 1 – 44

Mes chers tous. J’avais omis de vous dire dans ma dernière lettre que j’avais reçu une lettre et une carte. La lettre (de toi Maman) m’est parvenue en Pologne, l’avant veille de mon départ (15 – 12 – 43), la carte de Jeannette m’est arrivée, elle à Dortmund le 4 – 1 – 44. Depuis, c’est le silence complet, tant au point de vue lettres que colis. Celui que tu m’annonçais, Maman, avec un poulet, voyage encore et j’ai bien peur qu’il ne s’égare, pas pour tout le monde bien entendu. Pourtant, ici, cela nous est plus que nécessaire. Je suis content que tu aies pensé au savon, car cette denrée est rare et chère ici. A présent, je serais heureux que vous me donniez des détails complémentaires concernant la situation de René, cela me tracasse. Pour toi, ma petite Jeannou, merci de ta gentille carte du 16 – 12. Comme toi, j’ai le désir ardent de vous revoir tous, cette année. Puisse ce désir être exaucé ! !…Maintenant, Maman, tu remercieras bien tous mes camarades, Pautal et Raymond en particulier du souvenir qu’ils me portent ; je leur souhaite à tous deux un heureux avènement pour leur héritier ou héritière. Tu voudras bien aussi apporter à la mère de Jean Lapeyre mon meilleur souvenir et pensée. Cette année sûrement lui procurera la joie de revoir son fils. Quant à moi, tout va assez bien pour l’instant, malgré de nombreuses alertes. Je termine ma lettre en vous embrassant de tout mon cœur. Georges

 

Le 13 – 2 – 44

Ma chère Maman. Enfin cette semaine m’est parvenu le colis du 18 Novembre dernier au complet. On peut dire qu’il se sera bien baladé, car il avait été à Stryj après mon départ. Tous les lainages y étaient bien, mais ils me serviront moins qu’en Pologne car le temps est plus doux, ce n’est pas malheureux, vu que l’hiver est toujours très rigoureux dans ce coin d’Europe, en bordure des Carpates. Ici, tout va à peu près question vie. Tranquillité assez relative, mais alimentation laissant toujours à désirer. Je travaille comme monteur en chauffage central. Ce travail m’intéresse et me permet de trouver le temps moins long. Enfin, me voici tranquillisé au sujet de René, j’ai eu beaucoup de souci pour lui pendant qq temps. Qu’il prenne des précautions car un accident est vite arrivé ! ! Quant aux lettres, rien encore, j’espère que ce ne saurait tarder maintenant. Je désirerais maintenant, Maman, que tu m’envoies dans ton prochain colis (si c’est possible bien entendu) un kilo d’aïgord’en que fabriquait dans le temps le gendre de « Taudi » de Ginals. Tu vois ce que je veux dire. Le tabac aussi me fait défaut. Mais je m’aperçois que je t’en demande beaucoup car vous devez avoir beaucoup de difficultés pour vous procurer l’essentiel. Maintiens-tu toujours des relations épistolaires avec Paulette ? Je serais très heureux que tu fasses sa connaissance, tu la jugerais. C’est mon seul espoir tu sais maman ! ! Ton grand qui t’embrasse bien, bien fort. Georges.

Demande à Mr Pallaruelle un bouquin sur les moteurs Diesel récent.

 

Adresse : PETIT Georges, 88256, Kgf Bau un Bat onWuppertal. TRIER MOSEL Rielithofenstrasse, Alte Horn Kasern. Tampon : Wuppertal Elberfeld 6

 

Le 27 – 2 – 44

Ma chère Maman. Enfin, voici le courrier qui commence à me parvenir ! Hier, j’ai reçu 6 lettres ou cartes dont 2 lettres de toi, l’une du 7 – 12 et l’autre du 21 – 1. Elles avaient été se promener en Pologne. Je savais déjà par Margot que tu avais été malade. Mais pourquoi ne me le disais-tu pas.. ? Tu m’as fait faire du souci. Pas reçu encore colis contenant dragées du baptême du petit d’Yvette. Quant à la lettre du copain Augustin, je vois très bien qui c’est, et entre autre, je ne suis pas jaloux de son sort ! ! Enfin, faites la moi parvenir par colis si possible. Evidemment, je n’ai pas eu de chance. Pensez surtout dans prochain colis à ce que je vous ai demandé c’est à dire au produit du genre de « Taudi » de Ginals. Margot me dit dans une de ses lettres que vous hébergeriez la famille de Paulette. J’en serais très heureux, et vous feriez une bonne action. Tu sais Maman que je voudrais mener à bonne fin ce rayon de soleil dans ma captivité et exil. Je ne puis pas écrire aujourd’hui à Margot, ni tante Anna, ainsi qu’à Paulette. Fais-le pour moi et tout ira pour le mieux. Ici, toujours même, mouvementés par suite des alertes, maigre alimentairement, mais assez tranquille question travail. Je vais terminer, ma chère petite Maman, en t’embrassant de tout mon cœur. Georges

 

Le 20 – 3 – 44

Mes chers tous. Je viens de recevoir à l’instant deux cartes, datées l’une du 9 et l’autre du 22 Février. Quelques jours avant, 2 autres cartes m’étaient parvenues datées du 29 et 30 – 12 – 43, après avoir été en Pologne, Dortmund…etc. Enfin, elles arrivent, mais au bout de combien de temps ! Quant au colis du 18 – 2, il est bien arrivé ici. Toujours reçu avec joie, Maman, que de privations cela doit représenter pour toi !…Tu voudras bien dire à Raymond et Roger combien je suis sensible à leur attention. Tante Irma aussi, la pauvre, n’oublie pas son neveu, tu l’embrasseras bien pour moi. Maman, tu vois par là qu’il y a des amis encore qui pensent à ceux qui sont dans l’infortune. Quant à René, qu’il fasse bien attention, car on ne l’avertira pas quand le moment viendra. Il sera embarqué de gré ou de force. D’ici quelques jours, je vous enverrai des photos. Hélas, vous allez me trouver bien vieilli. Cette misérable vie ne m’arrange pas croyez-le. Mais j’ai bon moral, et pour la santé, jusqu’à maintenant, je n’ai pas à me plaindre. Mardi prochain, nous changeons à nouveau de résidence, comme vous le verrez par cette nouvelle adresse. C’est à une cinquantaine de Kms d’ici. Peux-tu me procurer, Maman, un peu d’eau de Cologne ou quelque chose de similaire. C’est surtout pour la barbe. Serais très heureux si les parents de Paulette acceptaient l’offre d’asile que tu leur as offert. Si tu savais Maman comme je voudrais mener à bien ce rayon de soleil dans mon exil. C’est mon seul espoir en l’avenir, avec vous tous. Avec toute ma tendresse, je vous embrasse bien fort. Georges

 

TREVES, mais courriers toujours adressés à : Art Batl 25, 3/ TRIER MOSEL

 

Le 9 - 4 – 44

Mes chers tous. Me voici changé de résidence, une fois encore, depuis vendredi. Je passe ce triste jour de Pâques à Trèves. Ici, tout n’est pas rose, croyez-le. Si à Krefeld ça pouvait aller, la situation n’est pas la même ici. Le travail surtout est très mauvais. Nous faisons du terrassement dans des carrières souterraines. Enfin, le calvaire est dur à gravir, mais le moral est bon. J’ai reçu le 30 – 3 votre lettre du 20 – 3 m’annonçant un colis parti le même jour. Je n’ai encore rien reçu, mais ça ne va pas tarder. Quant au livre demandé, attendez que je vous dise de l’envoyer. Ce n’est pas stable ici. Tu me dis, Maman, que je te demande ce qui me ferait plaisir. Tout ce que vous m’envoyez me procure extrêmement de joie, je ne vous demande pas plus. J’ai reçu une carte de Titi m’annonçant une naissance prochaine. Remerciez-là pour moi de sa carte, et souhaitez-lui un prompt rétablissement de ma part. A Jean et Annie aussi, tous mes vœux de bonheur et mon meilleur souvenir. Joignez-y Raymond et Pautal. Maman, tant de bonheur dans notre famille et parmi mes copains, me font de la peine, tu sais. J’aurais tant voulu, moi aussi, avoir une petite famille bien à moi ! J’ai peur que cela ne m’arrive jamais. Je ne dis pas que l’espoir que j’ai en Paulette ne se réalise pas, mais elle est tellement réservée. Je suis presque vieux maintenant. Elle craint certainement de s’embarrasser de moi. Je termine en vous priant d’adresser mes amitiés à mes anciens patrons. Et à vous tous, sans oublier tante Irma, mes plus gros « poutous ». Georges

 

Il parle de nombreuses alertes. Il s’inquiète pour les risques encourus par son frère.

 

Trèves ce 30 – 4 – 44

Chère Maman et tous. Vraiment, je ne comprends rien à ce qui se passe. Cette semaine dernière, j’ai bien reçu votre dernier colis envoyé à Krefeld et contenant fabrication Taudi, gâteaux, veau, rôti etc.., le tout arrivé à bon port. J’ai fait honneur aux gâteaux, et si vous pouvez vous en procurer d’autres, je serai content une fois de plus. Enfin, en un mot tout m’a fait plaisir, mais en revanche, ce qui ne va pas du tout c’est le courrier. Depuis mon départ de Krefeld (quelques jours avant même), je n’ai encore rien reçu de personne. Vous avouerez qu’il y a de quoi avoir des idées noires ! ! En plus de cela, rien ne va ici, le travail, la nourriture, on est bouclés et surveillés pire qu'en disciplinaire. Par moments même, j’en suis à regretter la Pologne où pourtant, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. Quant au repos, il ne se passe pas un jour ou nuit sans qu’il y ait alerte, et cela pendant des heures durant. Enfin, point de casse jusqu’ici. Maintenant, mon petit René, fais toujours bien attention, quant à toi. Il va t’arriver une tuile si tu ne fais pas « gaffe » ! ! Tu peux me croire, car je suis bien placé pour te parler de cela ! !  Ne te fies pas à ces promesses, tu entends bien ? ? Je t’ai adressé tout dernièrement, Maman, un mandat de 80 Marks, tu voudras bien en donner la moitié à Margot pour la dédommager un peu. Le moral est bon, à vous lire bientôt nouvelles et mille baisers. Georges

 

Il reçoit un colis de la Croix Rouge Américaine. Il compare le travail à celui des déportés de Guyane.

 

Trèves le 7 – 5 – 44

Mes chers tous. Comme tous les Dimanches ou à peu près, je viens me retrouver avec vous par l’intermédiaire de cette lettre. Je ne sais si vous recevez les miennes, mais depuis bientôt 2 mois je n’ai encore rien reçu de vous. Vous avouerez que c’est agaçant, mais voyez-vous, s’il faut encore rester 2 mois sans nouvelles, et que cela soit terminé, je l’accepterai de gaieté de cœur. Mis à part un colis que j’ai reçu et dont je vous ai déjà accusé réception, rien plus ne m’est parvenu. Fort heureusement, les Américains sont venus à notre secours en nous envoyant individuellement un gros colis de toute sortes de denrées, cela par l’intermédiaire de leur Croix rouge. Il va sans dire que c’est arrivé à point, car ici tout ne va pas pour le mieux, tant au point de vue travail que nourriture. Je ne peux mieux vous définir le genre de travail que nous faisons ici qu’en vous le comparant au sort des détenus de Guyane. C’est la mine de 7h du matin à 5 ½ du soir, à extraire de la pierre et à la casser. Malgré tout, j’ai toujours un excellent moral et la santé aussi va à peu près. Je n’ai point de nouvelles non plus de Margot et Paulette. Je t’ai écrit, Maman, une de mes dernières lettres à ta nouvelle adresse. J’espère qu’elle te parviendra. D’ici peu, je l’espère, ce cauchemar sera terminé, en attendant ce jour heureux, je vous embrasse tous bien fort. Georges

 

Il évoque « ses idées vagabondes », elles correspondent peut-être à l’une de ses tentatives d’évasion.

Il évoque aussi de nombreux bombardements.

 

Le 14 – 5 – 44

Ma chère Maman et tous. Enfin, j’ai tout de même reçu cette semaine une lettre et une carte de toi, l’une datée du 17 – 4 et l’autre du 2 – 5. Cette semaine aussi m’est parvenu le colis du 30 Décembre 43, après un voyage en Pologne et à travers l’Allemagne, tout était au complet, c’est l’essentiel ! ! Quant à celui du 29 Janvier, je ne me rappelle plus bien si je l’ai reçu, mais je crois que oui. En ce moment-ci, je ne m’étonne plus de ces longs retards, car ici comme en France, les voies sont bombardées presque journellement. Je crois que cette fois ci, la fin est proche et ce n’est pas malheureux, car j’en ai assez, et c’est un peu la raison pour laquelle j’ai quelquefois des idées vagabondes. Je craignais que ma dernière lettre ne vous soit pas parvenue à votre nouvelle adresse. Elle est arrivée, ça va ! ! Pour René, je ne renouvellerai pas mes recommandations, mais qu’il fasse attention ! ! Je suis très heureux, Maman, que tu sois en bon rapport épistolaire avec les parents de Paulette. Si vous saviez comme je voudrais mener à bonne fin cette idylle, et combien moi aussi, à mon tour, je voudrais avoir ma petite famille bien à moi. J’ai beaucoup de peine quand j’apprends telle ou telle naissance chez un de mes anciens camarades. Pourquoi moi aussi n’aurais je pas droit à ma part de bonheur ? Je termine hélas, faute de place. Mille et mille baisers. Georges

 

Le 4 – 6 – 44

Ma chère Maman et René. Vous avouerez que ce manque total de nouvelles et colis depuis des mois commence à être alarmant. J’ai toujours peur qu’avec tous ces bombardements en France, il ne vous soit arrivé quelque chose. Pour nous ici, cela est à peu près normal, mais pour vous, il ne devrait pas en être de même car je suppose qu’à Verfeil et ses environs, il n’y a pas de touristes. J’ai appris par une lettre de mes patrons que Toulouse avait aussi été bombardée. Ils me précisent ce qui est détruit, je n’y vois essentiellement que des objectifs d’ordre militaire. J’ai eu avant hier une lettre de Paulette m’annonçant que je n’avais plus besoin d’espérer pour des motifs que je ne veux même pas chercher à éclaircir. Ce rayon de soleil m’aidait beaucoup dans mon exil. Il s’est éteint et cela ne fait qu’ajouter un peu plus d’amertume. Il faudrait presque croire que cette période de guerre dénature complètement les jeunes filles, c’est la course au plaisir. Fini tout ce qui avait trait à la morale, ou tout au moins à la correction. Pourtant, il y a toujours 850 000 P. G. dans les camps ou K°. Ceux-là sont les morts-vivants, tant pis si on se joue d’eux ! ! Eux pourtant sont toujours les mêmes. Plus que jamais ils ont appris à chérir tout ce qui les touchait de près. Enfin, je n’éprouve que de la pitié pour cette intrigante, heureusement que je vous ai encore, vous tous et toi surtout, Maman chérie. De votre fils et frère, ses plus gros poutous et à bientôt. Georges

 

Il fait allusion au débarquement du 6 Juin 44 en Normandie. Il en reparlera plus tard. Les informations parvenaient au camp.

 

Trèves le 12 – 6 – 44

Mes chers tous. Je vous écris régulièrement toutes les semaines mais je n’ai toujours pas de réponse. Hormis une lettre de mes patrons cette semaine, et c’est tout. De Paulette, je ne vous en parle même plus, ça n’en vaut pas la peine. Cette semaine dernière a été riche en évènements, et je vous assure que le moral n’a jamais été si bon ! ! Quant aux colis, toujours rien mais tant pis, il faut en repasser par les mêmes tristes moments qu’au début. Mille et mille baisers. Georges

 

Adresse : PETIT Georges, 88256, 3/ BAB 25 , MOSBACH – BADEN (Duché de Bade)

 

Mosbach le 26 – 6 – 44

Ma chère Maman et tous. Avec beaucoup de retard sûrement, cette lettre vous parviendra. La cause en est qu’une fois encore nous venons de nous déplacer. Cette fois-ci, c’est dans le Duché de Bade que je suis, et en pleine campagne, ou tout au moins dans un petit village. Ici, par exemple, pas une alerte ne trouble nos nuits. Fort heureusement, car c’est 12 heures consécutives que nous faisons, et toujours même travail, terrasse et cailloux ! !De la nourriture, je n’en parlerai pas, car c’est comme si nous n’avions rien. Aussi, croyez bien que les colis sont les bienvenus. La semaine dernière, j’ai reçu un colis expédié le 11 mai et en parfait état. J’étais content surtout du tabac car je n’en avais plus. Enfin, en un mot, tout m’a fait plaisir et pour cause ! Quant aux précédents, toujours rien. Avec ces bombardements en France, il n’y aurait rien d’étonnant qu’ils aient péri. De toutes façons, le moral est excellent, surtout depuis le 6 Juin. Cette année, certainement nous réunira Maman. En attendant cet heureux jour, je vous embrasse de tout mon cœur. Que René fasse bien attention en ce moment. Georges

 

Mosbach, le 2 – 7 – 44

Mes très chers tous. Ma petite Jeannou, c’est avec beaucoup de plaisir et un peu de surprise que j’ai reçu et lu tes deux lettres datées du 13 – 6. Habituellement, c’est maman qui m’écrit et tu avoueras que ton écriture m’est un peu étrangère de prime abord. Mais du moment qu’aujourd’hui tu m’adresses deux longues lettres, je serai maintenant familiarisé avec ton écriture et te demanderai de renouveler souvent cette petite corvée. Je te remercie à présent de vouloir bien attendre mon retour pour ce qui concerne ton mariage. Je ne veux tout de même pas te porter ombrage en aucune sorte et si tu en vois la nécessité, agis selon tes désirs, je ne t’en voudrai aucunement. Ma chère Maman, figure toi que j’ai reçu hier un colis que tu m’as adressé à Krefeld le 14 Avril dernier. Il a mis du temps à me parvenir. De toute façon, il est arrivé intact à ma plus grande joie d’ailleurs, car sans cela ici, il ne faut pas compter manger à sa faim. Chose très intéressante ici, point d’alarme et c’est appréciable. Quand tu reviendras à Carmaux, Jeannou, tu diras bien des choses de ma part à Annie et Jean. Pour toi, mon petit René, écoute les conseils de ton frangin et ne te laisse influencer d’aucune façon. Je termine à regret et vous embrasse de tout mon cœur, sans oublier tante Irma. Georges

 

Il évoque la solidarité avec les plus jeunes, en particulier pour la nourriture.

 

Le 16 – 7 – 44

Mes bien chers tous. J’écris à nouveau aujourd’hui, mais sans grand espoir d’avoir à nouveau de nouvelles, car le silence se fait à nouveau à peu près complet, tant de votre côté que de celui de Margot. Pour les colis c’est pire, rien ne nous arrive ou à peu près. Je vous ai déjà dit je crois que le dernier reçu était du 14 Avril. Après deux ou trois mois de voyage, il m’est enfin parvenu, intact d’ailleurs. Je me suis rendu compte en ouvrant une boîte que l’une d’elles était de cousine Louise. Tu te feras mon interprète auprès d’elle, Maman, pour la remercier. Dis lui bien que j’ai été très touché par son attention à mon égard. Nous sommes si terriblement seuls, si ce n’était vous tous. La fin de tout cela est, je l’espère, plus près qu’on ne le croit. C’est de l’Est que viendra notre délivrance, quoi qu’on en dise ! ! Que René fasse bien attention à ce que je lui dis là. Pour ce qui est de mes recommandations précédentes, qu’il continue à m’écouter. Nous travaillons ici avec beaucoup de jeunes Français, et nous les « vieux », nous leur remontons souvent le moral et aussi…l’estomac ! Nous nous privons un peu, mais ils sont si jeunes… ! ! Pour moi, moral et santé sont excellents et espère qu’il en est de même pour vous. De tout mon cœur mille poutous. Georges

 

Le 22 – 7 –44

Donnez moi si possible l’adresse des bureaux d’Air France à Toulouse. Toujours sans aucune nouvelle depuis longtemps. Continue pourtant à écrire régulièrement. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, dit-on, souhaitons que ce soit vrai. Les faits et choses semblent vouloir l’indiquer d’ailleurs. Marcel, peux-tu me dire ce que sont devenus Fernand Granier de Laguépie et son patron le maire Mercadier. Cela m’intéresse au plus haut point. Mille baisers à vous tous. Georges

 

Le 30 – 7 – 44

Ma chère Maman et tous. Il est inutile de vous dire que je suis toujours sans nouvelles de vous. (trois lignes effacées par la censure) Vous avouerez que c’est triste ! ! Malgré tout, le moral est toujours excellent car la fin est proche. Je le crois… ! ! Je ne vous décrirai pas encore une fois la vie que l’on mène ici. Jamais encore ça n’a été aussi dur, tant au point de vue durée du travail (12 heures), que discipline. Mais tout cela n’est rien à coté de cette liberté que nous aurons chèrement acquise. Je vous ai envoyé voilà 3 mois 40 Marks. Les avez-vous reçus.. ? ? Je voulais en envoyer d’autres dernièrement, mais j’ai craint que ça n’arrive pas. L’argent ici ne me fait pas défaut car j’en gagne beaucoup, non sur les chantiers mais surtout en réparant montres ou réveils. J’ai acquis durant mon exil beaucoup de dextérité dans cette branche là. Malheureusement, je n’ai pas assez de temps libre. Pour la santé, ça va bien, et avec un peu de débrouillardise, on est pas trop privé, malgré le manque total de colis. Je termine faute de place en vous embrassant bien, bien fort. Que devient René ? ? Georges

 

Il semblait attendre la libération de la part des armées de l’Est.

 

Le 12 – 8 – 44

Ma chère Maman et tous. Enfin aujourd’hui, j’ai tout de même reçu une carte de vous, datée du 14 – 7. Evidemment pour les colis, il y en a pas mal qui ne me sont pas parvenus, mais que voulez-vous y faire ? Bien entendu, ils auraient été les bienvenus, car maintenant plus que jamais, ils nous font grand besoin. Rien ne vaut rien ici, le travail, la nourriture, le logement, tout en un mot, et avec ça, 3 Dimanches sur 4 et 12 heures par jour. Vous voyez le tableau… ! ! Mais que ne supporterions nous pas maintenant que nous voyons la fin approcher ! ! Hélas, notre pauvre France ne sera qu’un amas de ruines, aussi, croyez bien qu’ici, les Anglais et Américains ne sont pas très aimés en général. Nos regards se tournent plutôt vers l’est. Au moins là, les populations civiles sont respectées. J’en sais quelque chose, car j’ai passé 11 mois en Ukraine comme vous le savez. Mon petit René, retiens bien ce que je te dis là, tu peux me croire. Enfin, j’arrête là ce petit exposé et vous demanderai à présent des nouvelles de « Coicou ». Quant à moi, la santé va à peu près, j’aime à croire qu’il en est de même pour vous. Georges

 

Le 20 – Août

Mes bien chers tous. Peu de choses à vous dire aujourd’hui. Tout va pour le mieux n’est ce pas… ! ! Moi aussi d’ailleurs. Pour les lettres et colis, il n’en est pas de même. Depuis votre dernière carte, plus rien. Le principal est que vous soyez en bonne santé. Que René fasse attention. Mille baisers à tous. Georges

 

Le 6 – 9 - 44

Bien chers frangins et tout petits. Toujours sans nouvelles de vous, sauf une lettre de René datée du 12 Juin et reçue il y a 2 jours. Malgré cela, le moral est excellent et pour cause ! ! Maintenant plus que jamais, je trouve long le temps car cette année nous réunira, c’est certain. Ici, toujours 12 heures de boulot, c’est dur, mais ça n’a pas d’importance ! Mille et mille baisers à vous tous. Georges

 

Il évoque le mitraillage d’un train de prisonniers, avec des victimes.

 

Mosbach le 24 – 9 – 44

Mes chers tous. Dans quel temps vous parviendra cette lettre et dans quelles conditions, je l’ignore. Toujours est-il que cela est bien triste d’être privé de tout. Actuellement, je ne vais plus au travail par rapport à ma dentition et à mon estomac. Je m’occupe d’horlogerie au camp, et je trouve le temps bien moins long. C’est déjà quelque chose d’appréciable. Cette semaine, le train ramenant mes camarades du travail a été mitraillé par les avions anglo-saxons. Résultat, 3 tués et qq blessés. C’est malheureux tout de même d’en arriver là après 52 mois de captivité. Malgré cela, le moral est bon tout de même et nous avons beaucoup d’espoir pour cette année. Pour ce qui est des colis, absolument plus rien du tout. Aucune sorte de Croix Rouge ! Donc plus de tabac, de victuailles. En un mot, c’est la même vie qu’au début. Ce n’est pas gai du tout. Que devient Pierre maintenant ? Tâchez de faire l’impossible pour me donner de vos nouvelles. Il y a certainement en France actuellement une organisation pour cela. Mille baisers et tendresse. Georges

 

Adresse : PETIT Georges. 88256, Stammlager XII A Limburg Lahn (tampon : Stammlager XII A 6)

 

Le 8 - 10 – 44

Ma chère Maman et tous. Encore une fois me voici déplacé. J’ai quitté Mosbach pour rentrer au stalag XII A et depuis le 5 dernier, suis dans l’attente d’un départ éventuel en K°. Croyez bien que c’est sans regret que j’ai quitté le BAB 25. Cela commençait à (suivent 4 lignes ½ censurées). Vous voyez d’ici que ça n’était plus ça. Quant à ce que je vais devenir maintenant, je n’en sais absolument rien. De toute évidence, un nouveau départ en K° ne saurait tarder. Pour ce qui est des nouvelles, hélas, depuis longtemps je n’ai plus rien de vous, espérons que les miennes vous parviendront et vous tranquilliseront à mon sujet. Dans tous les cas, faites l’impossible pour me donner des vôtres. J’aime à croire maintenant que la vie a beaucoup changé en France, n’est ce pas. Plus grand chose à vous dire à présent, si ce n’est que la santé est bonne et le moral aussi. Mille baisers. Georges

 

Le 12 – 10 – 44

Toujours ici dans l’attente. La vie est aussi dure qu’au début par manque de colis. Espérons qu’une fin proche mette un terme à tout cela. Pour la santé, cela va à peu près. Que devient René ? Aucune lettre ne nous parvient non plus. Encore une fois, vivement la fin ! ! ! Mon bon souvenir à tous nos amis et pour vous mes meilleurs baisers. Georges

 

Adresse : PETIT Georges, 88256 Lager- Bzeichung : siehe Rückseite C/O. Général Post office Via Grande Bretagne M. Stammlager XII A

 

Ce 18 – 10 – 44

Juste qq mots pour vous rassurer sur mon sort. Précisément aujourd’hui on nous a donné une nouvelle adresse pour la correspondance pour que le courrier nous parvienne à coup sûr. Jusqu’ici, j’ai écrit régulièrement toutes les semaines. Vous me direz si tout vous est parvenu. Nous attendons avec patience, mais c’est long ! ! Baisers et tendresse. Georges

 

Le 5 – 11 – 44

Ma chère Maman et tous. Cette semaine, je ne vous ai écrit qu’une fois par manque de lettres. Mais enfin, il n’y a rien de sensationnel ici, la vie est toujours la même, pas intéressante, je vous l’assure. La faim surtout se fait de plus en plus sentir, et pour cause. Si des colis ne me parviennent pas bientôt, je me demande comment cela va se passer. Quant aux Croix Rouge, de n’importe quelle sorte, il vaut mieux ne pas en parler ! ! Rien n’arrive donc, nous ne touchons rien ou presque. Si vous en voyez la possibilité, soit d’une façon ou d’une autre, faites votre possible pour me faire parvenir quelque chose, du tabac aussi. Il doit certainement exister en France, à l’heure actuelle, un organisme qui s’occupe des prisonniers. Je perds l’espoir de vous revoir cette année-ci. Ce sera pour l’année prochaine à coup sûr ! ! Le plus tôt serait le mieux croyez-le car il y en a marre ! ! Dites moi bien dans vos prochaines lettres comment cela se passe en France maintenant. Etes-vous ravitaillés et mangez-vous à votre faim à présent ? ? De René surtout des nouvelles ! ! Mille baisers et tendresse. Georges

 

Ce 12 – 11 - 44

Mes chers tous. Malgré le manque toujours total de vos nouvelles, je persiste à vous écrire. Peut-être bien qu’un jour je recevrai quelque chose à mon tour ; en attendant croyez bien que ce n’est pas gai cet état de choses ! ! ! Je suis toujours ici, au stalag et je me demande pour combien de temps encore. Dans tous les cas, ce n’est pas intéressant à tous les points de vue, plus que jamais, l’absence de vos colis se fait sentir. (Une phrase censurée). Je ne saurais trop vous recommander de faire l’impossible pour tâcher de m’envoyer quelque chose. Nous a-t-on complètement oubliés en France que l’on nous laisse tomber pareillement ? ! Enfin je ne veux pas me plaindre plus longtemps, je suis en bonne santé, c’est l’essentiel. Et de vous qu’advient-il ? ? Et de tous mes copains plus heureux que moi ? De toutes façons et malgré tout, je suis toujours très optimiste. L’espoir fait vivre dit-on. Je souhaite que ce proverbe soit exact et espère qu’un jour très prochain nous réunira tous et pour longtemps. Mille baisers à vous tous et mes amitiés à nos parents et amis. Georges

 

Adresse : PETIT Georges, 88256, K° 1015

 

Le 20 – 11 – 44

Depuis 2 jours en K° de culture. L’apprentissage n’est pas des plus faciles, mais en consolation la nourriture est meilleure et plus copieuse qu’au stalag. Toujours sans nouvelles de vous. Commence à trouver cela exaspérant. Ici temps froid et pluvieux. Faites impossible pour donner nouvelles. Mille baisers. Georges

 

Le 3 – 12 – 44

Ma chère Maman et tous. Voici bientôt 15 jours établi dans mon nouveau travail. Je vous avouerai que ce n’est pas sans mal car les travaux agricoles sont toujours durs, mais en compensation, on a toujours à manger à sa faim et c’est quelque chose croyez-le à l’heure actuelle. Malgré tout, je m’habitue mal à leur cuisine et ce serait avec plaisir que je mangerai quelque chose de chez nous. C’est surtout le tabac qui manque, aussi je ne saurais trop vous prier de faire le nécessaire pour essayer de m’envoyer quelque chose. Il y a déjà des camarades qui ont reçu des colis de chez eux, passés par la Suisse. Quant aux lettres, toujours le silence complet. Cela devient alarmant et n’est pas fait pour me remonter le moral. Comme vous certainement, je pensais bien que ce Noël nous rapprocherait ; mais hélas, il n’en sera pas encore ainsi pour cette année. Je suis surtout avide de savoir ce que devient René et ce qui se passe pour vous, comment allez-vous, en un mot, le déroulement de la vie actuelle en France. A vous lire et mille baisers. Georges

 

A partir de cette lettre, il n’existe plus aucun courrier. La famille croit savoir qu’il a été libéré par les Russes, rapatrié ensuite par les Américains. Il aurait été ramené à Paris, soigné un certain temps à l’hôpital. En effet, il n’aurait pesé que 40 Kgs environ lorsqu’il a été libéré et avait le typhus.

Il est rentré à Verfeil en Août 1945. Il a d’abord retravaillé chez ses patrons à Toulouse, puis a créé son garage à Verfeil. Il a dû arrêter de travailler pour raisons de santé.

Il n’aurait raconté sa captivité qu’une fois, à sa mère et devant sa sœur Jeannette.

Il a eu la joie de fonder une famille, puisqu’il s’est marié à Madeleine Meallet, institutrice, de 11 ans sa cadette, en 1946. Il a eu un fils, Bernard né le 8 Mars 1947. Il a connu ses deux petites filles, Véronique née en 1971 et Laurence née en 1972.

Toute sa vie par contre, il a été sujet à des cauchemars.

Il a été hospitalisé 4 ans après son retour pour des abcès au poumon. Sclérosé, il a toujours souffert ensuite d’insuffisance respiratoire.

Il a reçu la médaille des évadés.

Il a été pensionné de guerre, à 100% les dernières années en raison d’un emphysème évolutif.

Il est mort le 10 Mars 1975, des suites d’une deuxième hémorragie cérébrale qui l’avait laissé hémiplégique et au bout de deux mois d’hospitalisation.

Il aurait eu 65 ans le 19 Mars 1975.

 

 

Mosbach Baden

 

 

 

 

 

 

Chronologie de l’itinéraire

de Georges PETIT

 

L’intérêt de la reconstitution de l’itinéraire, sur les plans géographique et de durée, est double. Il permet de mettre plus facilement en parallèle les lieux et la connaissance que nous en avons aujourd’hui. Il permet également, le rapprochement des dates de l’histoire personnelle de Georges PETIT, et des dates de l’Histoire de la guerre.

 

Début Septembre 1939:

EBERWILLER, en Lorraine

Du 26 Septembre au 6 Octobre 1939

GUERPONT(Meuse)

Du 6 au 11 Octobre 1939

MAIZIERES LES METZ

Du 11 Octobre au 16 Octobre 1939

JARNY CONFLANS (Meurthe et Moselle)

Du 16 Octobre au 20 Octobre 1939

Environs de MONTMEDY (à 7 Kms de la frontière Belge)

Du 20 Octobre 1939 au 30 Décembre 1939

BROUENNES (Meuse).

Du 20 Décembre 1939 au 10 Janvier 1940

Déplacement dans les bois à 2 Kms de Brouennes

Du 10 Janvier 1940 au 10 Mai 1940

DUN SUR MEUSE (Meuse)

Du 10 Mai 1940 au 12 Juin 1940

Déplacement dans les bois aux environs de Dun sur Meuse

Du 12 Juin 1940 au 16 Juin 1940

Déplacement de 40 Kms dans une direction inconnue.

 

Il a été fait prisonnier le 16 Juin 1940, dans des circonstances et en un lieu inconnus.

 

Du 16 Juin 1940 au 10 Décembre 1940

Regroupement au camp d’ABBEVILLE, puis internement au camp de TROYES

 

Du 10 Décembre 1940 à fin Décembre

Retour au camp d’ABBEVILLE

 

Transfert en Allemagne à une date inconnue, vers la fin du mois de Décembre.

 

De fin Décembre 1940 à Octobre 1942 : Stalag XI B , FALLINGBOSTEL (près de Hamboug)

Cette captivité au stalag XI B sera émaillée de départs en Kommandos et de retours au stalag, elle se terminera en régime disciplinaire.

  • Jusqu’à Mai 1942: travail en usine au Kommando 1487

  • Retour au stalag du 6 Juin 42 au 1er Septembre 42, avec une période d’emprisonnement de 21 jours à partir du 5 Août.

  • Du 1er Septembre 42 au 28 Octobre 42, Kommando 1842 (terrassement)

Le 28 Octobre 1942

Retour au stalag XI B, mais un transfert imminent est prévu.

De Fin Octobre 42 à début Janvier 1943: Stalag XI A, RA-RU

Kompanie (ALTENGRABOW) près de Magdebourg

Il est toujours en régime disciplinaire. Il souffre d’un anthrax.

 

Transfert à RAWA RUSKA dans les premiers jours de Janvier 43, après 8 jours de voyage. Commence un séjour de 11 mois en Ukraine.

 

De mi Janvier 1943 à fin Mai 43: Stalag 325 à LEMBERG

Actuelle ville de LVIV en Ukraine. La ville fut polonaise sous le nom de LVOV. Lemberg était l’un des sous-camps de Rawa Ruska.

De fin Mai 43 au 15 Juillet 43: nouveau Kommando

Il ne peut en donner le nom, mais d’après les travaux effectués et les souvenirs de famille, il pourrait s’agir de TARNOPOL, autre sous camp de Rawa Ruska. Les prisonniers travaillaient dans une carrière.

Du 15 Juillet 43 à fin Août: Retour au stalag à LEMBERG

Il passe la dernière quinzaine d’Août dans un nouveau Kommando.

De début Septembre 43 à Début Janvier 44: STRYJ

Il semble être parti quelques jours avant le transfert du camp de Rawa Ruska à Stryj, peut-être pour préparer ce transfert.

 

Il retourne en Allemagne à la fin de sa peine disciplinaire, en Janvier 44.

 

Début Janvier 44: Dortmund

Mi Janvier 44 à fin Mars 44: KREFELD, BAB 25

Il travaille comme monteur en chauffage central.

De fin Mars 44 à fin Juin 44: TRIER MOSEL (Trèves)

Il travaille dans des carrières souterraines.

De fin Juin 44 à début Octobre 44: MOSBACH BADEN (Duché de Bade)

Il effectue toujours des travaux de terrassement.

De début Octobre 44 à fin 44: Stalag XII A LIMBURG

Il est au stalag pendant un mois, puis est envoyé en Kommando agricole: le Kommando 1015

 

Plus d’adresse connue, non plus que la date et le lieu de sa libération. Il rentre chez lui à Verfeil (Tarn et Garonne) en Août 1945.

 

 

 

 

Les nombreuses punitions, périodes de répression, prison, pourraient correspondre aux conséquences de ses tentatives d’évasion (12 au total), qui lui ont été reconnues plus tard à travers l’obtention de la médaille des évadés.

L’une d’entre elles l’avait conduit à 12 kms de la frontière Suisse. Il fut malheureusement repris et son compagnon d’évasion fut tué.

C’est sans aucun doute ce qui lui valut des conditions de captivité particulièrement dures.

 

 

 

 

 

Lemberg

 

 

Le camp de Rawa Ruska (camp 325)

 

Le 13 Avril 1942, deux mille prisonniers de guerre français entraient dans le camp de représailles de Rawa Ruska. Ils furent bientôt suivis de nombreux autres.

La défaite de Juin 40 s’était soldée par un bilan très lourd pour l’armée française : 120 000 morts, 200 000 blessés. Près de deux millions de prisonniers furent envoyés dans des « stalags ».

Beaucoup ne se résignèrent pas à leur sort et entrèrent en résistance par des actes de sabotage et des tentatives d’évasions.

Pour mettre un terme à cette résistance, et devant l’échec de la répression, les prisonniers « coupables » de récidive furent transférés dans le camp disciplinaire de Rawa-Ruska.

 

Rawa Ruska est une petite ville située dans la partie de l’Ukraine occidentale annexée par l’URSS en 1939 et occupée par les Allemands en 1941.

Dès que les Allemands envahirent cette région, ils y créèrent des camps d’internement et d’extermination, d’abord pour les prisonniers soviétiques, puis, avec Rawa Ruska, pour les prisonniers français et belges.

Ce furent les camps de la série 300, de sinistre mémoire. Les prisonniers y périrent par milliers, (plus de 250 000), de famine, d’absence totale d’hygiène, des travaux excessifs et inhumains, des tortures, des exécutions sommaires. Avant l’arrivée des français, 18 à 20 000 russes y périrent. Sur les 4000 restants, seuls 400 ont survécu.

 

Rawa Ruska et ses annexes constituaient les camps les plus à l’est de cette zone appelée « triangle de la mort ».

Le choix de Rawa Ruska, près de Lwow (Lemberg), n’était pas le fruit du hasard. Zone d’opérations militaires hors de contrôle de la Croix Rouge Internationale, elle laissait toute latitude pour perpétrer des exactions contre les prisonniers.

Il suffit d’évoquer les noms des camps voisins de Tréblinka, Chelmno, Belzec, Sobibor ou Auswitch Birkenau, pour comprendre que le camp 325 de Rawa Ruska était situé dans le terrifiant « triangle de la mort » de la « solution finale ».

A l’arrivée des premiers français le 13 Avril 1942, la ville de Rawa Ruska qui comptait 20 000 habitants avant guerre, n’en comptait plus que 9 000. En Octobre de la même année, il n’en restait que 3 000, les autres ayant été massacrés sous les yeux des prisonniers français du camp.

Dans la province de Galicie, plus d’un million de personnes ont été mises dans des ghettos, puis massacrées. Celui de Rawa Ruska l’a été le 7 Novembre 1942.

 

Si Rawa Ruska n’a pas été un camp d’extermination, les conditions de vie y étaient similaires aux camps de concentration.

Le climat de la région (continental), les marécages, furent à l’origine de nombreuses maladies (typhus, typhoïde, diphtérie, dysenterie…), qui régnaient de façon endémique.

Le camp n’était qu’un champ de boue dans lequel les prisonniers sont arrivés après 7 jours de voyage, entassés à près de 100 par wagon à bestiaux, n’ayant reçu pendant tout le voyage qu’une ou deux distribution d’une infâme soupe, vêtus des haillons de vieux uniformes, en sabots. Lors de leur arrivée, les prisonniers découvrirent des traces de cervelle, de cheveux et de sang collés aux murs, devinant ainsi les sévices subis par leurs prédécesseurs.

Une soupe de millet dans des récipients de fortune, quelquefois des légumes (le plus souvent gelés ou avariés), ou une miche de pain pour 35 hommes servaient de nourriture.

Le camp compta jusqu’à dix mille prisonniers avant leur répartition dans les commandos.

Un seul robinet d’eau jaunâtre, coulant par intermittence desservait tout le camp, et des milliers de prisonniers devaient faire la queue, dehors quel que soit le temps, souvent pendant plus de deux heures. Ce qui valut à Rawa Ruska le nom de camp de la soif.

 

Le camp s’avérant rapidement trop exigu, de nombreux camps annexes furent ouverts, dans les mêmes conditions effroyables de vie. Il y en avait plus de 40, dont Lemberg, Tarnopol, Stryj.

Squelettiques, épuisés, les prisonniers étaient les victimes désignées pour les maladies endémiques. Les détenus perdirent tous 15 à 20 kilos au cours des premiers mois de leur détention. Il est vérifié aujourd’hui que tous les survivants présentent des séquelles des maladies contractées, et un vieillissement prématuré.

Travail forcé, régime disciplinaire, brutalités, menaces de mort permanentes étaient le lot quotidien.

Malgré ce régime inhumain, la résistance continua aussi bien dans le camp que dans les camps annexes ou les commandos. Il y eu de nombreuses et improbables tentatives d’évasion. Quelques-unes réussirent, mais beaucoup se soldèrent par des exécutions.

Il est difficile de dresser un bilan de la mortalité dans le camp et dans les commandos. Seuls 72 décès ont pu clairement être identifiés. De nombreux charniers ont été découverts, contenant des Juifs polonais, des Russes, des Français, etc…, pêle-mêle.

Le Comité International de la Croix Rouge n’a pu signaler le camp qu’en Juin 42.

 

Pour beaucoup de prisonniers, Rawa Ruska ne fut qu’un lieu de transfert vers les commandos. Le camp fut progressivement transféré vers la citadelle de Lwow (Lemberg), puis à Srtyj, un camp satellite.

Rawa Ruska fut définitivement abandonné le 19 Janvier 1943.

Les prisonniers qui se trouvaient encore au camp furent délivrés et retenus par l’armée soviétique. Ils ne repartirent pour la France que le 2 Juillet 1945.

Pour certains autres prisonniers, dont on doit se rappeler qu’ils étaient mobilisés depuis 1939, leur séjour à Rawa Ruska avait été précédé de nombreux mois de captivité en Allemagne, de prison, de camps disciplinaires Allemands, et il fut suivi ensuite de nouveaux séjours dans les stalags, dans une Allemagne bombardée, ce qui leur valut de nombreux transferts devant l’avance des alliés et des conditions de captivité qui se dégradaient sans cesse. Certains périrent même hélas sous les bombardements, dans les usines ou dans les trains.

 

Quand Winston Churchill évoqua à la B.B.C. l’existence de Rawa Ruska, il le baptisa « le camp de la goutte d’eau et de la mort lente ».

 

Le devoir de mémoire

 

Les souffrances des anciens prisonniers du camp de Rawa Ruska ne furent pas reconnues au début. Ils ne pouvaient se prévaloir du titre de déportés, et leur statut de disciplinaires leur a d’abord valu la méfiance des autorités. Ce n’est qu’après des années de combat que les actes de résistance, évasion, sabotages qui avaient été si durement sanctionnés ont été valorisés.

 

Tous les descendants témoignent du fait que leur père ne leur parlait jamais ou très peu de cet épisode de leur vie. Ils avaient en cela la même réaction que les déportés.

Le camp de Rawa Ruska a été transformé en caserne par l’armée Russe, puis l’armée Ukrainienne.

 

Des commissions d’enquête ont produit des rapports dont certains ont été utilisés au procès de Nuremberg. Mais elles portaient essentiellement sur le massacre des populations juives, dans les ghettos d’abord, puis au camp de Belzec tout proche.

 

Un premier monument à la mémoire des prisonniers français a été érigé dans les années 60. Le fils d’un ancien prisonnier, lors d’un voyage en Ukraine a constaté son mauvais état. Il en a fait part au Président de l’Association des Anciens de Rawa Ruska.

Naît alors le projet d’ériger un monument digne de ce nom, et de l’inaugurer en présence de survivants et descendants de prisonniers.

Ce projet a abouti en mai 2003. Plus de 80 personnes dont 16 survivants sont partis effectuer un pèlerinage sur les principaux lieux. Ils allèrent d’abord à Lviv (ancienne Lvov en Polonais, et Lemberg en Allemand) où la citadelle qui servait de camp existe toujours. Elle abrite le siège d’une banque. Ils se rendirent ensuite à Tarnopol, sur le site de la carrière, et devant le camp, devenu caserne de l’armée ukrainienne.

Mais la journée la plus émouvante fut celle du 31 Mai 2003, jour de l’inauguration du monument et de la visite du camp.

Toute la population du village de Rawa Ruska s’est associée à la cérémonie, ainsi que les autorités locales.

Le camp a pu être visité puisque l’armée Ukrainienne devait quitter les lieux le lendemain. Les anciens ont ainsi pu désigner de mémoire l’emplacement des différentes parties du camp. La plupart des bâtiments en dur existent toujours, ainsi que la place d’appel. Certains ont même été en mesure de désigner l’emplacement du fameux unique robinet d’eau, des écuries,…

 

L’association ne connaît à cette date qu’un peu plus de 300 survivants. Il est à remarquer que parfois, les descendants se sont rapprochés de l’association alors que les prisonniers eux-mêmes étaient restés isolés dans leurs souvenirs.

 

Plusieurs sites existent qui racontent l’histoire du camp 325 et celle de ce voyage.

Leur liste a été reprise sur le site créé par Bernard PETIT :

http://monsite.wanadoo.fr/memorialRawaRuska