"Il faut continuer à parler de Rawa-Ruska, je suis atterrée car 9 personnes sur dix ne connaissent pas ce camp et encore pire même pas le nom!

Un exemple qui m'a interloquée : Je fais partie d'un groupe philosophique et dernièrement j'ai décidé de transmettre le peu que je savais de Rawa-Ruska à mes amis, une assistance d'une trentaine de personnes,de 30 à 80 ans.

Là stupeur, une seule personne connaissait l'existence de ce lieu innommable (un cousin de son père y avait été interné, ce dernier traumatisé à vie, à la seule évocation du nom, pleure et se tait.)! ...Pour trois d'entre nous, Rawa-Ruska leur avait évoqué... une déesse indoue ou autre !!!
Et soixante ans après, je me suis aperçue, qu'encore et toujours certaines personnes ne préfèrent pas savoir!"

http://www.letelegramme.fr/bretagne/carnet-de-guerre-detenu-a-rawa-ruska-29-04-2016-11049288.php#closePopUp

Annie Malartic-carette On entend parler de Rawa Ruska depuis que l’on est tout petit, sans jamais savoir ce qui s'est passé là-bas. C'est urgent de raconter

 

Mon père René MALARTIC. Prisonnier de guerre 12882 – (stalag XVIII C ?) - aujourd’hui décédé _

Militaire, plusieurs fois évadé, considéré comme réfractaire par les Allemands, fut déporté dans le camp de RAWA RUSKA pour représailles suite à des actes de sabotages qu’il avait commis à plusieurs reprises.

 

Il parlait peu de la guerre et encore moins de Rawa Ruska. et n’a jamais témoigné des atrocités qu'il a vécu sur place.

 

De ce passé je ne connais que les faits suivants :

Il avait écrit une pièce de théâtre qui fut jouée par les internés en petit comité ainsi qu’une chanson un peu paillarde sur la non victoire des allemands.

Il avait comme compagnons de stalag le médecin René François et le prêtre BOSSU... chanoine par la suite à l’évêché de Lyon.

Je sais qu’un 14 juillet (j’ignore l’année) dans ce camp de concentration il avait organisé un défilé de prisonniers. Ces hommes ont entonné à travers le camp la Marseillaise, ont descendu le drapeau allemand pour monter un drapeau français.

Suite à cet acte il subit des sévices, massacré tant physiquement que moralement malgré l’opposition de ses amis face aux geôliers.

 

Merci à toutes personnes ayant des informations sur ces épisodes de me contacter et un immense merci à Bernard PETIT pour ce site ouvert au public

 

Historique

 

 

Il nous a semblé intéressant de compléter ce témoignage par une présentation du contexte historique de la captivité de Georges PETIT.

 

Mais il ne pouvait être question de rédiger un ouvrage historique exhaustif. De plus, le caractère de témoignage personnel devait être préservé.

 

C’est pourquoi nous avons fait le choix d’accompagner ce témoignage par d’autres, tous vérifiés et qui présentent tous des éléments d’informations, soit sur le contexte historique, soit sur des évènements qui se sont déroulés pendant la même période.

 

Cet ensemble, dont certains éléments sont particulièrement durs, permet de se représenter le contexte dans lequel se sont trouvés les prisonniers de guerre français.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSOCIATION DE RAWA RUSKA

Combattants volontaires de la résistance extra métropolitaine

 

Lettre adressée à l’intention des membres de l’association par le secrétaire de l’association

 

Rennes, le 13 avril 1994

 

Mes chers camarades

 

La plupart des historiens de la guerre 1939-45 semblent ignorer l’ampleur de la résistance qui a été celle d’un nombre important de captifs parqués ou détenus non seulement à l’intérieur des frontières du Reich, mais encore dans les territoires occupés par l’armée allemande dotés d’un « Général Gouvernement ».

 

Ceux d’entre eux qui y ont fait allusion dans un contexte général, attachent trop peu d’importance au rôle de cette résistance. Ils ne semblent pas conscients des dangers encourus, des risques pris, et du lourd tribut payé par ceux qui ont eu le malheur de se faire découvrir, trop souvent hélas victimes de la trahison.

 

Ils étaient en outre dépourvus de tout soutien, comme par exemple celui d’un réseau de coordination. C’est compte tenu de cette constatation qu’il me paraît important de citer quelques passages d’un ouvrage intitulé « Guerre du XX° siècle » écrit par une historienne anglaise, Suzanne Everett en collaboration avec le Général britannique Peter Young et l’historien américain Robin Langley Sommer. Les écrits de ces trois historiens étrangers ne sauraient être taxés de partialité tant au sujet des faits que sur d’éventuelles motivations politiques qui n’avaient d’ailleurs pas cours dans les camps de soldats prisonniers dans lesquels j’ai personnellement séjourné.

 

Il a bien surgi exceptionnellement, dans quelques stalags, des organisations clandestines d’une certaine résistance, notamment au Pétainisme, qui ont même eu des prolongements parmi des évadés des camps rentrés en France. Il ne convient ni de les sous-estimer, ni de leur donner plus d’importance qu’elles n’en ont eu au regard de la résistance en pays ennemi.

 

Dans la grande majorité des cas, cette résistance était individuelle, souvent secrète, et donc d’autant plus courageuse.

 

Pour en revenir à cet ouvrage, un premier paragraphe paraît devoir être souligné. On y lit page 462 :

« Une autre résistance plus héroïquement quotidienne fleurit également en Allemagne : celle des évadés, des saboteurs, des déportés. Jusqu’en 1944 les évasions des camps (de concentration bien sûr) sont extrêmement rares, elles sont plus nombreuses dans les stalags, les oflags, et les commandos du S.T.O. Le sabotage est pratiqué par les requis, les prisonniers, les déportés qui sont contraints de travailler pour l’industrie allemande. On peut saboter des munitions, des moteurs d’avions, des pièces de fusée, des appareillages électriques, ou seulement des roulements à billes, provoquer des accidents ou simplement ralentir le travail. Il faut une grande habileté pour éviter les représailles,( tous les retards, toutes les défectuosités doivent paraître accidentelles), et un grand courage, en cas d’erreur, il n’y a qu’une seule peine : la mort. »

 

Dans le chapitre plus spécialement consacré aux partisans, on lit : « Qu’ils soient guérilleros, saboteurs, partisans d’Europe Centrale, maquisards…tous encourent les mêmes risques, les lois et conventions internationales ne leur sont pas appliquées. S’ils sont pris, ils sont torturés, exécutés sur place ou dans les meilleurs cas envoyés en camps de concentration (avec le durcissement de la guerre, les commandos opérant en uniforme et les évadés des stalags et oflags sont traités avec la même rigueur. »

 

Si nombre d’historiens d’hier et d’aujourd’hui semblent si mal informés ou peu enclins à faire état de la résistance en Allemagne, les dirigeants de cette époque, basés en Angleterre l’étaient, eux, informés que parmi les captifs, un nombre croissant de rebelles aux règlements des stalags prenaient des risques et subissaient les rigueurs de la répression.

 

Bien sûr, au cours des premiers mois qui ont suivi la défaite de 1940, les prisonniers sont abasourdis, consternés, terrassés, intoxiqués par la propagande ; ils entendent bientôt une rumeur circuler subrepticement dans les stalags ; « Les Anglais résistent partout, une armée Française se forme, elle a un Général à sa tête, inconnu jusqu’ici ; le Général de Gaulle. Ne souriez pas à cause du nom, disait-on, ce n’est pas une blague. Ce Général qui commence à devenir célèbre à l’heure des bouteillons a adressé un message aux Français qui finit par faire son chemin d’un baraquement à l’autre : il a dit : « Où que vous soyez, organisez la résistance… ». Les prisonniers de guerre se sentent concernés eux aussi. Ces nouvelles clandestines les aident à relever la tête, à serrer les mâchoires, un espoir surgit, la servilité des opportunistes commence à agacer, le sabotage se fait jour, les barbelés ne paraissent plus infranchissables, la voix qui venait de loin a porté.

 

Mais tous ne se laissent pas convaincre par cet appel, les attentistes, les détenteurs d’un bon petit boulot, sans adhérer pour cela au renouveau suspect de Vichy, trop complaisamment diffusé par les Allemands, répugnent à prendre des risques et à troubler un mode de vie insupportable à bien des égards, mais qui pourrait non seulement faire perdre quelques avantages, mais devenir infernal.

 

Les saboteurs se font de plus en plus discrets et les candidats à l’évasion conspirent entre eux dans le plus grand secret, ils se sont rendu compte que tout groupement humain comporte son lot de mouchards, et même de traîtres !

 

Malgré tout, au fil des semaines et des mois, le nombre des évadés, en particulier, devient insupportable pour l’armée allemande obligée d’affecter de plus en plus de soldats à la garde des prisonniers alors qu’il lui faut de plus en plus de troupes pour satisfaire aux besoins des nouveaux fronts, assurer l’occupation des pays conquis, veiller aux frontières terrestres et maritimes sur une longueur jamais égalée.

 

Des mises en garde comminatoires sont diffusées dans les stalags et les oflags suivies de menaces d’exécution sans sommation ; rien n’y fait, les sabotages subtils et surtout les évasions de plus en plus audacieuses se multiplient. Il importe donc de frapper un grand coup. Le 20 janvier 1942 le Général S.S. Heidrich assisté du Gouverneur Général de la Pologne et des territoires occupés Franck, ainsi que de Keitel, Général de la Werhmacht organise à Wansee près de Postdam une réunion au cours de laquelle il est décidé à sévir contre les inadaptables au régime Nazi et de trouver un moyen imparable pour lutter contre toute rébellion des éléments dangereux, en particulier, contre celle des prisonniers de guerre évadés, et des saboteurs, tous gens considérés comme inassimilables.

 

C’est au cours de cette conférence que deux décisions importantes sont prises :

1°) La perte du statut de prisonnier de guerre pour cette catégorie de criminels « indignes de vivre au milieu d’une population saine et laborieuse ».

2°) La déportation de ces indésirables hors des frontières du Reich au Vernichtung lager (camp d’anéantissement) 325 à Rawa Ruska en Ukraine, ceci en violation des conventions de la Haye et de Genève applicables aux prisonniers de guerre, dont les sbires allemands n’avaient que faire. Les sous-officiers prisonniers de guerre l’ont eux-mêmes aussi appris à leurs dépens. Ils ont eux aussi été parqués dans un camp spécialement créé pour eux.

 

La décision prise à Wansee est rapidement suivie d’effet. Un ordre de l’O.K.W. daté du 9 avril 1942 cosigné par le Général Keitel stipule que les ennemis du régime concernés devront être déportés à Rawa Ruska. Seuls les prisonniers Anglais seront épargnés car l’Angleterre détient des prisonniers allemands en contrepartie. Dès le 13 avril 1942 le premier convoi de prisonniers français et belges en situation de rébellion criminelle, au regard des allemands, après un parcours dans des conditions atroces, débarquait des infects wagons à bestiaux au milieu des hurlements des gardiens et des chiens, sous les coups de crosse et de nerf de bœuf. Ils étaient affublés d’uniformes disparates, en guenille, récupérés dans les résidus des armées vaincues de toute l’Europe.

 

Ils formaient un troupeau épuisé, affamé, sale, abruti, poussé dans ce camp de Rawa Ruska englobé dans le Juden Kreis : zone d’extermination des juifs. Devant pareil accueil, les dernières illusions tombaient. Seuls maintenaient debout la haine du bourreau et l'espoir de sa défaite.

 

Les premières semaines écoulées, l’appel de la liberté redevint pressant, des emplacements qui paraissent propices au creusement de tunnels sont choisis et, sans plus tarder le travail de sape est entrepris. Hélas, cette activité n’est pas passée inaperçue, les évadés sont attendus à la sortie, les deux premiers sont sauvagement assassinés par les gardiens malgré leurs supplications. Ce mode d’évasion s’avère irréalisable.

 

Par contre, au cours des corvées à l’extérieur du camp, quelques rares prisonniers, moins épuisés ou plus résistants tentent leur chance ; plusieurs repris sont fusillés, mais quelques sujets exceptionnellement chanceux disparaissent dans la nature. Il en est parmi eux qui rejoignent les partisans polonais. L’un d’eux, Emile Liger, dont le parcours et le courage sont légendaires, se voit confier le commandement d’une unité de partisans polonais qu’il encadrera jusqu’à la fin des hostilités dans des combats de guérilla. Il s’est rendu célèbre parmi ses pairs sous le nom de Commandant Louis.

 

Cet exposé sans prétention a simplement pour but d’éviter que ne soit trop occultée une résistance à l’intérieur du Grand Reich, différente, très différente de celle qui a été menée en France et dans les territoires occupés ; une résistance plus individuelle certes mais pas sans moins de danger, celle qui a été la vôtre, que vous avez librement choisie…

 

A quoi bon s’étendre sur les sévices et les conditions misérables du camp de Rawa Ruska, vous les connaissez, vous les avez vécues, elles hantent encore vos cauchemars de temps à autre. Pourquoi alors en évoquant cette résistance devant vous, évoquer Rawa Ruska en particulier ? D’abord parce que c’est une tranche inoubliable de votre vie qui a été l’aboutissement de votre engagement personnel à vous, les quelques survivants d’aujourd’hui, et c’est aussi pour que nos enfants n’oublient pas la féroce répression qui en a été la conséquence, et c’est enfin parce que Rawa Ruska demeure un symbole : celui de la résistance que des soldats prisonniers incarnèrent dans des conditions qu’ils savaient périlleuses à l’extrême. Vous figurez parmi les premiers résistants qui surgirent après la défaite de 1940. L’armée française prisonnière comptait 1 million 800 000 soldats ; à l’image de la France occupée, elle a eu ses attentistes mais aussi ses résistants.

 

Il m’apparaît opportun de vous faire savoir ou de vous rappeler pour conclure, comment a été perçue votre résistance par des personnalités qui comptent pour vous. Quelques citations extraites de leurs écrits l’explicitent.

D’abord une phrase du général de Gaulle : « S’il y a eu pour toute l’armée prisonnière un haut lieu de courage, un symbole de la Résistance et de la Déportation, ce fut Rawa Ruska. ».

Puis l’appréciation du Colonel Rémy : « Rawa Ruska : une résistance plus âpre et plus difficile que celle que j’ai connue aux avant-postes de la résistance ».

Enfin la formule de Winston Churchill qui a donné une définition de ce camp gravée dans nos mémoires de survivants : « Rawa Ruska est situé dans la région qui détient le record de la souffrance en 1942. C’est le camp de la mort lente et de la goutte d’eau ».

 

En terminant cet exposé sur la résistance au cœur du Reich, il m’apparaît opportun de vous redire, mes chers camarades : souvenez-vous que si vous n’avez pas été les seuls, loin de là, à mener ce combat obscur et peu connu, vous en étiez. Restez-en fiers.

 

Alfred Grimault

Secrétaire Général de l’association de Rawa Ruska

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettre adressée au Procureur Général chargé du procès de Nuremberg par l’ancien responsable du camp de Rawa Ruska

(Document traduit par un ancien prisonnier du camp de Rawa Ruska)

 

Cette confession du responsable du camp, condamné à mort par le tribunal de Nuremberg explique la création et les buts de ce camp de Rawa Ruska.

 

Prison de Nuremberg

Détenu H. BORCK

Cellule 325

 

Nuremberg le 25 septembre 1946

 

A Monsieur le Procureur Général

 

Monsieur le Procureur Général,

 

Je me permets de vous adresser les quelques précisions complémentaires que vous sollicitiez lors de mon jugement, le 20 Septembre dernier à Nuremberg.

On m’appelait dans la vie civile Herr Borck, je suis devenu Lieutenant Colonel dans l’Armée allemande, ou plutôt, je l’étais – car je vais être pendu dans quelques jours. J’étais né pourtant pour élever des abeilles, même que j’exerçais ce métier depuis la fin de la première guerre mondiale, dans la province de Wurtemberg. L’Allemagne d’alors était dans le chaos. Le miel se vendait mal. Hitler est venu, et j’ai vendu mon miel à l’Armée nouvelle. Hitler fut mon sauveur, et pour des millions d’Allemands, il redonna confiance aux destinées du Vaterland. Comme beaucoup d’autres, en guise de reconnaissance, j’appartins aux Sections d’Assaut du Troisième Reich. Et quand la deuxième guerre mondiale éclatât, je fus mobilisé avec le grade de Lieutenant-Colonel. Mes ruches étaient loin. Celles dont j’allais m’occuper se trouvaient en Pologne annexée : en Galicie. J’étais chargé par l’Armée de créer des camps spéciaux pour les terroristes français, évadés de guerre repris. Il fallait faire vite car la fièvre de l’évasion contaminait les stalags. Le temps pressait. Je devais donc déporter le plus possible à l’Est, tous ceux qui pratiquaient cette forme de rébellion contre mon pays.

 

J’ai du improviser à la hâte, car les ordres de l’O.K.W., de Berlin étaient formels et ne me laissaient aucun répit. Mais j’aimais mon nouveau métier. J’étais né organisateur. J’ai donc commencé par faire apposer dans chaque baraque disciplinaire de stalag une petite affiche, afin de prévenir correctement tous ceux qui pensaient troubler la quiétude des stalags. Ne voulant pas de malentendu avec l’histoire, voici le texte intégral de cette petite affiche :

 

ORDRE DE CAMP

 

Suivant un ordre de l’O.K.W. de Berlin en date du 21-3-42, les mesures suivantes seront prises contre les P.G. évadés et repris à nouveau. Ils seront transférés dans un M. Stammlager du gouvernement général, à savoir à Rawa Ruska, au Nord Ouest de Lemberg.

1°) Tous les P.G. repris depuis le 1er Avril 1942

2°) Les P.G. français, particulièrement soupçonné de préparer une évasion, seront également dirigés vers Rawa Ruska.

3°) Aucun égard quant à leur profession ne sera pris pour le travail effectué à l’Est.

Toute tâche devra être exécutée.

Signé : BORCK

Lieutenant Colonel

 

Je fus donc félicité pour cette affiche par mon ami et supérieur Fritz Saukel, Ministre du Travail. Mais ce dernier comme vous le savez, Monsieur le Procureur, était un négrier de pure espèce.

 

Il me dit qu’il fallait étendre cette mesure de déportation aux P.G. refusant le travail. L’Allemagne combattant pour l’existence de l’Europe, celui qui ne travaillerait pas devait subir le traitement mérité. On ne discutait pas un ordre dans le III° Reich. Je fis donc apposer une seconde affiche, dont je vous transmets intégralement le texte (toujours pour la postérité).

APPEL AUX P.G. Français

 

Le sort de la guerre, la faute des déclarants de la guerre et la puissance du Reich vous ont amenés en captivité. Chacun de vous autres, en ce temps où le Reich se bat pour la conservation de l’Europe et pour la civilisation, doit savoir ce qui suit :

 

Les prisonniers de guerre refusant le travail seront punis pour indiscipline suivant les termes du règlement en vigueur pour l’Armée allemande, et déplacés dans un camp se trouvant dans le territoire occupé à l’Est.

 

Le Reich ne combat pas contre vous autres, mais pour l’Europe.

Songez-y dans votre conduite et dans vos actions !

C’est de la victoire allemande que dépend votre sort.

 

Signé : BORCK

Lieutenant Colonel

 

 

J’avais donc du pain sur la planche, et ne pouvais prétendre à fignoler mon travail. Je mobilisais les wagons à bestiaux nécessaires et tous les bâtiments désaffectés, pour regrouper tout le monde en Galicie, et je choisis Rawa Ruska comme lieu de rencontre. Je sais bien, Monsieur le Procureur, qu’aux assises de Nuremberg, l’on m’a reproché l’état d’insalubrité de ces bâtiments, le manque d’eau, les brutalités excessives, etc…Mais vous avez probablement lu Clausewitz… : en temps de guerre, seule l’efficacité compte. Je n’ai donc rien à me reprocher. J’ai fait de mon mieux pour obéir aux ordres reçus de l’O.K.W. La preuve, c’est que je fus une nouvelle fois félicité pour ma rapidité d’exécution d’avoir transféré tous les P.G. évadés et réfractaires dans le territoire de Galicie. Je pensais même qu’on allait m’attribuer un galon supplémentaire. Hélas ! Il n’en fut rien. Et je n’étais pas au bout de mes peines. Désormais, ce fut Himmler en personne qui me dicta mes ordres.

 

Le camp de Rawa Ruska s’avéra bientôt trop petit pour contenir tous les récidivistes de l’évasion. Je fus donc obligé de créer d’autres camps et des commandos satellites de Rawa Ruska. Je commençais à m’y perdre un peu. Puis les civils Juifs qu’on massacrait un peu partout en Galicie, compliquaient ma tâche d’organisateur. Je dus prêter mon matériel roulant, mes officiers, mes sentinelles. Aussi, quand la première offensive russe de l’été 1942 fut lancée sur l’Ukraine, je fus obligé d’établir de nouveaux plans. Néanmoins, après dix mois d’existence, je dus dissoudre le camp de Rawa Ruska. C’était en décembre 1942. Ses derniers pensionnaires regagnèrent l’Allemagne, sauf près de trois mille que je transférais à Lemberg, et quelques centaines à Kabjercyn.

 

Je recevais sans arrêt des notes comminatoires de l’O.K.W., notes que je faisais toujours afficher aussi correctement dans tous les camps et commandos de Pologne. Mais j’étais très mal secondé. Les commandants de camps ne faisaient rien d’efficace. J’ai compris, un peu tard, que mon personnel préférait tuer, torturer, sans risquer sa vie inutilement. Mes officiers S.S. qui auraient dû montrer l’exemple, ne tenaient pas à la gloire des armes. Le front russe tout proche donnait matière à réfléchir, c’est mauvais de réfléchir en temps de guerre.

C’est pourquoi Rawa Ruska restera mon œuvre, j’en revendique hautement la création, et si j’avais eu le temps de la parachever, aucun français n’en serait sorti vivant. Car je peux bien le dire maintenant, puisque je vais mourir, j’avais reçu des ordres secrets de Himmler, d’anéantir tous les « terroristes »  français. La Galicie devait servir de tombeau à la mauvaise graine des stalags. Du reste à Nuremberg, vous aviez dans votre dossier ces ordres confidentiels, signés de mon supérieur, ordres que je devais appliquer. Je l’aurais fait si le temps ne m’avait manqué. Pourtant, j’étais en avance sur le plan prévu. Ce sont les civils polonais d’abord, l’Armée Rouge ensuite, qui ont tout bouleversé. Je n’ai donc pu accomplir totalement mon œuvre. Ce ne sont pas les exécutants qui manquaient, ni la foi. Simplement les impondérables de la stratégie militaire. Je ne suis donc pas seul responsable. Mais je tiens à préciser que mon plan initial devait se dérouler en deux temps DEPORTATION et EXTERMINATION.

 

Je tiens spécialement à ces précisions, afin de contribuer et d’aider les spécialistes qui auront plus tard à écrire sur ces évènements ayant trait à la déportation des P.G. français évadés et repris.

 

D’autant qu’après cette guerre, quand les plaies seront définitivement pansées, quand la haine se sera tue et que l’Allemagne renaîtra de ses cendres, car comme tous les peuples intelligents, elle renaîtra…Alors la teneur de cette lettre pourra, peut-être, servir la cause des survivants des camps de Pologne. Ainsi, jusqu’au dernier moment, Monsieur le Procureur, je me serai rendu utile, efficace, tant pour ceux qui racontent l’Histoire, que pour les rescapés de Rawa Ruska.

 

Vous m’avez condamné à être pendu. C’est une juste sentence, je ne la discute pas. Je saurai mourir en soldat. La mort n’a-t-elle pas été mon second métier ?…Je remets donc mon âme à Dieu (Manus Tuas…). Car je ne fus qu’un Hitlérien de circonstance. Et je n’ai qu’un seul regret, c’est de n’avoir pas su rester auprès de mes abeilles, là-bas, quelque part dans mon Wurtemberg natal.

 

Veuillez agréer, etc…

 

Signé : H. BORCK

Cellule 325- Nuremberg – Septembre 1946

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le camp de Rawa Ruska (camp 325)

 

Le 13 Avril 1942, deux mille prisonniers de guerre français entraient dans le camp de représailles de Rawa Ruska. Ils furent bientôt suivis de nombreux autres.

 

La défaite de Juin 40 s’était soldée par un bilan très lourd pour l’armée française : 120 000 morts, 200 000 blessés. Près de deux millions de prisonniers furent envoyés dans des « stalags ».

Beaucoup ne se résignèrent pas à leur sort et entrèrent en résistance par des actes de sabotage et des tentatives d’évasions. Malgré la création de commandos disciplinaires, les Straf-Kompagnie, ou les incarcérations dans les prisons civiles, les actes d’insubordination continuèrent.

Pour mettre un terme à cette résistance, et devant l’échec de la répression, l’Oberkommando der Werhmacht décida le 21 mars 1942 de transférer les prisonniers « coupables » de récidive dans le camp disciplinaire de Rawa-Ruska en Galicie.

 

Annexée par la Pologne lors du traité de Riga, le 12 mars 1921, la région devint partie intégrante de l’U.R.S.S. après le traité germano-russe du 28 septembre 1939. Le 22 juin 1941, Hitler engage contre la Russie l’opération « Barbarossa », et rapidement, la Galicie passe sous le contrôle du Reich.

 

Dès que les Allemands envahirent cette région, ils y créèrent des camps d’internement et d’extermination, d’abord pour les prisonniers soviétiques, puis, avec Rawa Ruska, pour les prisonniers français et belges.

Ce furent les camps de la série 300, de sinistre mémoire. Les prisonniers y périrent par milliers, (plus de 250 000), de famine, d’absence totale d’hygiène, des travaux excessifs et inhumains, des tortures, des exécutions sommaires. Avant l’arrivée des français, 18 à 20 000 russes y périrent. Sur les 4000 restants, seuls 400 ont survécu.

 

Rawa Ruska et ses annexes constituaient les camps les plus à l’est de cette zone appelée « triangle de la mort ».

Le choix de Rawa Ruska, près de Lwow (Lemberg), n’était pas le fruit du hasard. Zone d’opérations militaires hors de contrôle de la Croix Rouge Internationale, elle laissait toute latitude pour perpétuer des exactions contre les prisonniers.

Il suffit d’évoquer les noms des camps voisins de Tréblinka, Chelmno, Belzec, Sobibor ou Auschwitz Birkenau, pour comprendre que le camp 325 de Rawa Ruska était situé dans le terrifiant « triangle de la mort » de la « solution finale ».

 

A l’arrivée des premiers français le 13 Avril 1942, la ville de Rawa Ruska qui comptait 20 000 habitants avant guerre, n’en comptait plus que 9 000. En Octobre de la même année, il n’en restait que 3 000, les autres ayant été massacrés sous les yeux des prisonniers français du camp.

Dans la province de Galicie, plus d’un million de personnes ont été mises dans des ghettos, puis massacrées. Celui de Rawa Ruska l’a été le 7 Novembre 1942.

 

Si Rawa Ruska n’a pas été un camp d’extermination, les conditions de vie y étaient similaires aux camps de concentration.

Le climat de la région (continental), les marécages, furent à l’origine de nombreuses maladies (typhus, typhoïde, diphtérie, dysenterie…), qui régnaient de façon endémique.

Le camp n’était qu’un champ de boue dans lequel les prisonniers sont arrivés après 7 jours de voyage, entassés à près de 100 par wagon à bestiaux, n’ayant reçu pendant tout le voyage qu’une ou deux distribution d’une infâme soupe, vêtus des haillons de vieux uniformes, en sabots. Lors de leur arrivée, les prisonniers découvrirent des traces de cervelle, de cheveux et de sang collés aux murs, devinant ainsi les sévices subis par leurs prédécesseurs.

Une soupe de millet dans des récipients de fortune, quelquefois des légumes (le plus souvent gelés ou avariés), ou une miche de pain pour 35 hommes servaient de nourriture.

Le camp compta jusqu’à dix mille prisonniers avant leur répartition dans les commandos.

Un seul robinet d’eau jaunâtre, coulant par intermittence desservait tout le camp, et des milliers de prisonniers devaient faire la queue, dehors quel que soit le temps, souvent pendant plus de deux heures. Ce qui valut à Rawa Ruska le nom de camp de la soif.

Le camp s’avérant rapidement trop exigu, de nombreux camps annexes furent ouverts, dans les mêmes conditions effroyables de vie. Il y en avait plus de 40, dont Lemberg, Tarnopol, Stryj.

Squelettiques, épuisés, les prisonniers étaient les victimes désignées pour les maladies endémiques. Les détenus perdirent tous 15 à 20 kilos au cours des premiers mois de leur détention. Il est vérifié aujourd’hui que tous les survivants présentent des séquelles des maladies contractées, et un vieillissement prématuré.

Travail forcé, régime disciplinaire, brutalités, menaces de mort permanente étaient le lot quotidien.

Malgré ce régime inhumain, la résistance continua aussi bien dans le camp que dans les camps annexes ou les commandos. Il y eut de nombreuses et improbables tentatives d’évasion. Quelques-unes réussirent, mais beaucoup se soldèrent par des exécutions.

Il est difficile de dresser un bilan de la mortalité dans le camp et dans les commandos. Seuls 72 décès ont pu clairement être identifiés. De nombreux charniers ont été découverts, contenant des Juifs polonais, des Russes, des Français, etc…, pêle-mêle.

Plus de 26 000 prisonniers de guerre passèrent par les camps de Pologne.

Le Comité International de la Croix Rouge n’a pu signaler le camp qu’en Juin 42.

 

Pour beaucoup de prisonniers, Rawa Ruska ne fut qu’un lieu de transfert vers les commandos. Le camp fut progressivement transféré vers la citadelle de Lwow (Lemberg), en décembre 1942, puis à Stryj, un camp satellite.

Rawa Ruska fut définitivement abandonné le 19 Janvier 1943. Mais les commandos annexes subsistèrent.

Les prisonniers qui se trouvaient encore au camp furent délivrés et retenus par l’armée soviétique en janvier 44. Ils ne repartirent pour la France que le 2 Juillet 1945.

Pour certains autres prisonniers, dont on doit se rappeler qu’ils étaient mobilisés depuis 1939, leur séjour à Rawa Ruska avait été précédé de nombreux mois de captivité en Allemagne, de prison, de camps disciplinaires Allemands, et il fut suivi ensuite de nouveaux séjours dans les stalags, dans une Allemagne bombardée, ce qui leur valut de nombreux transferts devant l’avance des alliés et des conditions de captivité qui se dégradaient sans cesse. Certains périrent même hélas sous les bombardements, dans les usines ou dans les trains.

 

Quand Winston Churchill évoqua à la B.B.C. l’existence de Rawa Ruska, il le baptisa « le camp de la goutte d’eau et de la mort lente ».

 

 

 

 

TEMOIGNAGES PERSONNELS

 

Abbé LEMAIRE, matricule 104.577. « Le temps où l’homme était un loup pour l’homme ». (arrivé à Rawa Ruska le 5 mai 1942, puis transfert à Lemberg et Stryj

 

« Carnet de route, le 20 mai 1942.

Je me suis repéré. Rawa Ruska est une ville située à 52 kilomètres au Nord de LWOW. Dès le début de la guerre de Russie, les Allemands ont organisé ici, en cet endroit, un grand camp pour prisonniers de guerre. Ici ont péri et furent détenus un grand nombre de prisonniers soviétiques. Ils furent fusillés, moururent de maladies contagieuses ou des suites de la famine. Hier, en me promenant derrière le hangar à paille, j’ai rencontré une tombe, avec une petite croix de bois difforme. Là, un corps dort de son dernier sommeil. Je me suis recueilli. J’étais surpris de ne pas entendre une voix d’outre tombe, me disant que l’espoir de la vie est illusoire pour moi et pour tous les prisonniers français. Celui qui repose là, dans la mort, a vécu la même vie que nous, il s’est posé la même question incertaine. Et la mort brutale ou lente est venue le frapper, achever son calvaire et son esclavage.

La terre semblait pleurer avec moi et porter en elle d’autres lourds secrets. Il y a des tombes partout, à fleur de terre. Ici, c’est une terre de martyrs…

Mourir ? Ce n’est pas le sort de la jeunesse et de la force. Je lutterai contre la mort. Je ne mourrai pas… »

 

Célestin LAVABRE, « Ceux de l’An 40 »

 

« A Rawa Ruska, on vivait la camaraderie, on vivait aussi la mort. Dans les stalags, le P. G. décédé dans une infirmerie ou dans un lit d’hôpital, était aussitôt transporté à la morgue : il ne laissait pas de trace. On se donnait la nouvelle : un tel était mort, comme on aurait dit, un tel s’est évadé…Seuls quelques intimes ou connaissances étaient affectés par l’événement. Ici, le cercueil couvert d’un misérable drapeau, était installé sur la pelouse du terrain central, le lieu privilégié de la vie communautaire : rassemblements, sports, culte dominical, fouilles, etc. C’était aussi le lieu des funérailles, et comme pour les autres manifestations, il y avait foule. On formait une couronne autour du camarade évadé vers l’au delà. Par sa présence, chacun portait dans son cœur, sa peine, son amitié, son témoignage de sympathie, et cela, parfois, avec une intensité douloureuse, lorsque celui-ci était décédé de mort violente, ou à la suite de brutalités. Dans cette région sur laquelle pesait le voile de la terreur, on vivait la vie tout entière, y compris l’acte final…Personne ne se sentait en sécurité, et tandis que le cercueil de bois blanc était acheminé vers le cimetière, c’était une triste méditation qui s’imposait à chacun, surtout au début où l’aventure était des plus incertaines. »

 

ROPAGNOL : Tarnopol, le sous-camp de Rawa Ruska situé le plus à l’est en Ukraine

 

Grâce aux renseignements que nous ont transmis plusieurs camarades et surtout aux notes de ROPAGNOL, il est possible d’évoquer cet important kommando par lequel un grand nombre de prisonniers sont passés.

 

« Le camp de Rawa Ruska se remplissait à une cadence accélérée qui déroutait les autorités militaires allemandes sur place, celles-ci, débordées, durent expédier rapidement un premier convoi de 1800 hommes à Tarnopol. Nous y fûmes conduits par le train le 7 juin 1942, entassés dans de vieux wagons « à bestiaux » crissants, branlants, pour la plupart puants ; je n’oublierai jamais cette odeur terriblement écœurante, et pénétrante, qui nous imprégnait jusqu’à la peau, provoquant en nous une impression d’étouffement très déprimante. Il faut dire aussi que nous avions été enfermés 110 à 120 dans chacun des wagons, ce qui n’était pas sans poser de multiples problèmes…faciles à imaginer, qui rappelaient notre précédent voyage vers Rawa…./

 

Il fallut, comme à Rawa, poser nous mêmes les fils de fer barbelés, les chicanes, empierrer les chemins, déblayer le sol des matériaux les plus divers…/

 

La nourriture qui nous était allouée était aussi pauvre que celle que nous percevions à Rawa. Etant donné notre éloignement vers l’est et les menaces incessantes dont nous étions l’objet, nous vivions en permanence dans l’insécurité totale et la crainte du lendemain. Nous avions le sentiment d’être, au moins autant qu’au camp principal de Rawa, complètement coupés du monde civilisé…/

 

Bien vite, de nouveaux convois arrivèrent de Rawa, et l’effectif maximum de Tarnopol fut rapidement porté à 6 000 hommes…Dans le camp lui-même sont restés environ 2 400 hommes, les autres furent répartis dans différents Kommandos…/

 

Les détenus des kommandos, (comme ceux du camp même de Tarnopol) étaient employés en majeure partie à la réfection des routes et des voies ferrées.- travaux particulièrement pénibles que nous partagions, selon les zones, en tronçons de voies et de routes, avec les juifs, comme nous très diminués physiquement, et cela sous le contrôle toujours exigeant et brutal des sentinelles en armes…/

 

Les responsables allemands du camp : ils encadraient des soldats allemands, jeunes pour la plupart, sélectionnés, qui venaient du front russe et qui étaient en semi-repos. La peur de retourner au front, en dehors de leur tendance naturelle, les poussait à faire du zèle, et quel zèle ! Que de blessures graves, de morts et disparus auraient pu être évités sans cet excès de zèle qui, disons-le ressemblait à du sadisme…/

 

A Tarnopol, ce qu’on appelait « l’infirmerie » était installé dans une baraque en bois…Elle était presque totalement démunie de matériel médical ainsi que des médicaments les plus usuels…Sous alimentés, fortement déprimés par les suites des dernières évasions, …nous ne pouvions faire les gros efforts physiques imposés, et c’est grâce au dévouement de nos médecins que le pire a été évité….en effet, chaque jour, après d’âpres discussions avec les responsables allemands, nos médecins prenaient le risque de garder à « l’infirmerie » pour la journée les malades les plus diminués…/

 

Lors de l’arrivée des convois à Tarnopol, les allemands se permettaient toutes les brimades et frappaient les nouveaux arrivants avec une grande cruauté, à coups de crosse de fusil, de revolver, parfois à coup de talons de bottes dans le ventre, et cela pour un oui ou pour un non, sans raison la plupart du temps…

Comme déjà signalé, le camp était commandé par le colonel Krammer von Moldenberg, ancien colonel d’un régiment spécial de police à Berlin, nazi passionné et très craint de ses subordonnés. Il avait donné l’ordre de faire régner « une discipline de fer » selon sa propre expression, et prenait des mesures coercitives pour un rien, faisant appliquer des sanctions iniques, pour « l’exemple », et toujours brutales et barbares…Par exemple, il avait donné l’ordre d’abattre sans sommation tout interné qui tenterait de s’évader. Le 11août 1942, en gare de Tarnopol, fut lâchement abattu par un allemand un de nos camarades, Lavesque, matricule 63 464, alors qu’il essayait de s’évader. L’allemand tira d’abord cinq balles de mousqueton, presque à bout portant. Lavesque, mort, gisait dans son sang. Le Teuton s’approcha du cadavre et le transperça de trois coups de baïonnette, donnés avec une telle violence et une telle cruauté que l’un d’entre eux lui fracassa et lui enfonça la clavicule droite profondément dans la poitrine, et cela devant ses camarades révoltés, mais incapables de réagir sans provoquer une véritable tuerie. Au camp, le docteur Dedieu confirma que la deuxième balle avait provoqué la mort, tout le reste, …n’était donc que la preuve du sadisme et de la cruauté de la sentinelle responsable…/ »

 

Personnellement je reste convaincu que si nous étions restés quelques mois de plus à Tarnopol, nous y passions tous.

 

 

Rawa Ruska : un camp dans le triangle de la mort

de la solution finale

 

 

Célestin LAVABRE « Ceux de l’An 40 »

 

« La voie ferrée qui passait devant notre camp, venant du nord-ouest, regroupait deux directions : celle venant de l’ouest, par laquelle nous étions arrivés : Cracovie, Tarnow, Jaroslaw, Rawa Ruska, et celle du nord-ouest : Varsovie, Lublin, Belzec, Rawa Ruska, qui se rejoignaient avant d’arriver en notre ville. Pour remonter vers celle-ci, les locomotives devaient changer de bout de train. Les lignes se continuaient vers le sud-est, Lemberg, et vers le nord-est Kiev.

La gare, souvent encombrée, se trouvait quelques centaines de mètres plus loin.

Alors là, devant nous, des trains de marchandises stationnaient, et parmi ceux-ci des convois d’hommes, de femmes, d’enfants dont on entendait les plaintes. Des mains passées à travers les barbelés des ouvertures tentaient de faire des signes. On appelait, on criait, des mamans réclamaient un peu d’eau pour leurs enfants…Une jeune fille qui un jour répondait à cette demande, tandis qu’elle tendait une bouteille, ne put arriver jusqu’au bout de son geste : atteinte d’une balle, elle resta sur le ballast. Du linge, des objets : gamelles, pots émaillés, récipients de toutes sortes, étaient suspendus à l’extérieur (peut-être pour recueillir un peu d’eau venant du ciel…) ce qui donnait un étrange spectacle de misérables déménagements sans espoir de retour. »

 

Jacques MADELPUECH : « Les chaînes brisées » Ed :La pensée universelle. Arrivée à Lwow (Lemberg) le 15 janvier 43, départ à Rawa Ruska puis retour à la citadelle le 21 janvier. Assiste à la fusilla de des juifs le 23 janvier 1943. Ira ensuite à Stryj, massacres au cimetière de Stryj les 4, 17, 25 juin et 12 juillet 43, termine à Kobierzyn

 

«Au matin du 7 juin 1943, à peine arrivés au chantier, vers les sept heures, les français et leurs gardiens sont surpris presque aussitôt par une fusillade nourrie qui crépite à environ cinq cents mètres en direction du cimetière juif de Stryj. Les plus audacieux, grimpés sur une pile de planches, surprennent la scène horrible qui se déroule sous leurs yeux. Une immense fosse a été creusée dans le milieu du cimetière et à pleins camions, les juifs sont transportés jusqu’au dernier lieu de leur supplice. Après avoir reçu l’ordre de se dévêtir entièrement, ils doivent s’aligner devant la fosse et la fusillade commence. Derrière, s’élève un haut et important remblai constitué par la terre extraite de la fosse. Les camions se relaient sans arrêt, et pendant que ceux du convoi précédent sont fusillés tout nus, ceux du camion suivant reçoivent l’ordre de se dévêtir entièrement. La fusillade dure, ininterrompue, de sept heures du matin à une heure de l’après midi. Pendant un moment, les français se succèdent au sommet du tas de planches pour assister hélas ! impuissants à cette hécatombe ordonnée par des cerveaux malades qui pour l’heure possèdent pourtant la maîtrise de ces massacres et aussi hélas ! le contrôle impitoyable d’une grande partie de l’Europe. L’incendie de la Rome antique, sur les ordres du dément empereur Néron pour perdre les chrétiens, paraît à côté de ces assassinats en série une véritable dérision. Il faut y avoir assisté pour se rendre compte à quel degré d’abjection peut tomber l’humanité lorsqu’elle est dirigée par des psychopathes, des déséquilibrés, en lesquels certains esprits obtus veulent s’obstiner à découvrir des génies. Franz Richard, qui a voulu lui même monter sur le tas de planches et se rendre compte, est blême de rage et maudit les S. S., la Gestapo, et la milice ukrainienne qui aide à cette sinistre tuerie. Tous les visages sont graves, tous les témoins de cette scène farouche et inhumaine sont effondrés par leur impuissance….

Les hommes sont transportés couchés à plat ventre dans les camions militaires, les deux mains sur la nuque, sanguinolents des coups qu’ils ont reçus, les femmes et les enfants sont transportés à part, assis sur des bancs. Des policiers « schleuhs » en uniforme et armés de fusils, au nombre de cinq à six par camion, surveillent les malheureux qui sont d’ailleurs à bout de force et dont le calvaire dure depuis des mois…

Au camp, tout le monde est au courant des massacres, pour beaucoup les premiers dont ils ont été les témoins oculaires. Les mêmes scènes se reproduisent, au cimetière de Stryj, les dix sept, vingt-cinq juin et douze juillet 1943. Durant cette période, au total plus de vingt mille personnes, c’est à dire presque la population de la ville de Stryj, sont massacrées en plein jour, au vu et au su de tous les habitants de cette ville de Galicie.

Pour accomplir cette triste besogne les français se demandent si les exécutants n’ont pas été saoulés ou dopés car il est pour eux impensable que des hommes normalement constitués puissent se livrer à de pareils forfaits.

Des juifs tentent parfois de s’évader pour échapper au massacre mais ils sont le plus souvent abattus. Ils jonchent pendant plusieurs jours les routes ou les chemins. La plupart, à bout de forces, vidés, complètement déshumanisés par les privations et les humiliations subissent leur sort sans broncher, sans un geste de révolte, quelques-uns se réfugient dans la prière et récitent sans doute avant de mourir les psaumes de David….

Le six juillet 1943 deux français, Duboeuf et Saladin, qui avaient réussi à fausser compagnie à leurs gardiens et à s’évader sont massacrés à leur tour. Pour l’exemple, ils sont ramenés au camp russe de Stryj, atrocement défigurés, reconnaissables seulement à leurs uniformes et à un tatouage qu’ils portaient sur le bras et qui était connu de leurs copains…. »

 

Abbé DEMAINE :  « Le temps où l’homme était un loup pour l’homme »

 

« Cette nuit, en plein sommeil, j’ai été brutalement réveillé par une lampe électrique, braquée sur mes yeux. Un ordre : « Levez-vous et suivez-moi. » J’ai cru que mon heure dernière avait sonné : les allemands ont tant de choses à me reprocher. J’obéis. Dans le couloir sombre, une voix que je connais bien me dit à voix basse :

  • Ne tremblez pas, monsieur l’aumônier, et excusez-moi.

Je reconnais avec soulagement la voix familière du sous-officier interprète.

  • Monsieur l’aumônier, je désire recevoir la communion, car, cette nuit, je déserte. Je pars avec un faux ordre de mission en direction de l’Italie et de Rome. Je veux dire au Pape les atrocités qui se passent ici.

Je donne ma communion et j’ajoute : « Je vous bénis et je prierai pour vous. »

  • Monsieur l’aumônier, rentrez vous coucher sans attirer l’attention, car votre vie est en jeu. Je suis déserteur…

Le sous-officier allemand regarde à droite et à gauche pour s ‘assurer qu’aucun témoin humain n’a épié la scène qui vient de se dérouler. Je l’entends s’éloigner d’un pas ferme et décidé, j’entends crier le mot de passe à la porte d’entrée du camp. La lourde porte s’ouvre et se referme. L’armée allemande compte un combattant de moins. »

/…

« Les hommes s’habituent à tout, même au sang et à la torture. C’est quasi journellement que, là, tout près du camp, les coups de feu claquent et qu’un homme ou une femme, ou un enfant tombe en poussant un cri affreux, se débat, se convulse avant de devenir rigide dans la mort.

Cet après-midi, ce sont des femmes qu’on exécute, pauvres victimes suppliantes mais courageuses. La scène est atroce.

La première creuse un semblant de trou, sa tombe. Elle se met à genoux, sur ordre, tout près de la fosse. Une balle dans la nuque la couche par terre. Ensuite, c’est la deuxième qui prend la pelle et la pioche…et ainsi de suite.

Demaine, écœuré et tremblant de tous ses membres, n’a pas le courage de continuer à regarder, il ne les a pas comptées…

La route que suivent les équipes de travail pour se rendre à leur chantier est bordée de loin en loin de cadavres abandonnés. Quelle route de la région Ukrainienne n’est pas jonchée de cadavres ? »

 

 

Rapport d’enquête pour le procès de Nuremberg

 

Une commission soviétique dite « Commission de District » créée pour procéder à l’enquête sur les crimes nazis commis dans le district de Rawa Ruska, a établi un rapport terrifiant daté du 24-30 septembre 1944 dont nous reproduisons le texte officiel intégral traduit du russe.

Ce rapport est édifiant et montre le contexte dans lequel se trouvaient les prisonniers de Rawa Ruska et de ses kommandos de travail dans le « judenkreis », cette immense zone d’extermination de Juifs, rattaché au Général – Gouvernement où les camps étaient pour la quasi totalité, des camps d’extermination (vernichtungslager) – Treblinka, Lublin, Majdanek, Chelmno, Auschwitz-Birkenau, Sobibor, Biala-Podliaska, Belzec, à 19 kilomètres de Rawa Ruska, etc…Les autres étant des camps de transit vers ces camps de la mort.

 

Avant-propos :

 

En ce qui concerne le rapport de la commission soviétique et plus particulièrement sur les atrocités commises dans le district de Rawa Ruska, il convient à propos de la visite du camp de Rawa Ruska par ladite commission d’apporter la mise au point suivante :

 

- S’il est exact qu’il y eut au camp de Rawa Ruska même 23 militaires inhumés au cimetière de la forêt de Wolkowice, pour la plupart morts de maladies contagieuses ou non, il faut bien avoir à l’esprit que s’il y eut à un certain moment (vers le mois de juin 42) 10 000 prisonniers à Rawa, ils furent pratiquement tous transférés (en quelques semaines), de même que les convois suivants, vers les kommandos de travaux forcés.

L’effectif du camp de Rawa Ruska même, fin 42, n’était plus que de quelques centaines.

Il faut donc prendre en compte également tous les disparus des kommandos, morts de maladies, tués au cours d’évasions, et même tués comme otages.

C’est alors une liste de 72 noms que nous avons, étant bien entendu que ce sont uniquement les morts recensés.

 

- A ceux-là, il faut ajouter tous les disparus en évasion, dont nous n’avons jamais eu de nouvelles et qui ne sont pas rentrés chez eux à la libération. Ce sont des disparus non recensés.

Il faut signaler aussi les quelques kommandos éloignés de Rawa Ruska (à 5 ou 600 kilomètres), qui n’ont plus donné signe de vie. Que sont-ils devenus ?

Et ne pas oublier les nombreux soldats français exhumés des fosses communes dans la région de LWOW (Lemberg), comme le signale le colonel Pokrovski au cours de l’audience du 13 février 1946 au procès de Nuremberg, et comme en fait foi le monument commémoratif au dessus de la fosse commune du cimetière de LWOW. Sur la plaque d’épitaphe du monument, il était gravé en français et en ukrainien : « Ici sont enterrés les patriotes français disparus pendant la guerre contre les fascistes Allemands en 1941-1944. »

Cette plaque fut remise à « Ceux de Rawa Ruska » et confiée au Musée de « l’Ordre de la Libération ».

 

- Et que penser de ces deux convois qui auraient été annoncés et qui ne sont jamais arrivés ? Les convois à destination de Belzec (Usine de Mort) transitaient par la gare de Rawa Ruska distante d’une vingtaine de kilomètres. Se serait-il produit une erreur et les deux convois pour Rawa auraient-ils continué leur route jusqu’à Belzec ? Et subi le sort que l’on connaît ? Comme cela est arrivé à d’autres déportés civils.

Nombreux sont ceux qui sont décédés après leur retour dans les stalags d’Allemagne ou les kommandos de travail des suites des sévices subis à Rawa-Ruska et n’ont donc pas été recensés comme victimes directes.

 

Observation : Staline n’a jamais voulu signer les accords internationaux sur les droits des prisonniers de guerre. Il les qualifiait « d’accords bourgeois pensés par les déclencheurs des guerres capitalistes ». Les prisonniers de guerre soviétiques n’ont donc jamais bénéficié des accords de Genève par exemple, et la Croix Rouge internationale a ignoré leur sort. Le rapport ayant été rédigé en 1944, par une commission soviétique, il n’est jamais fait allusion à cet aspect des évènements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RAPPORT D’ENQUETE SOVIETIQUE

Effectuée en septembre 1944 dans le district de Rawa Ruska

(texte intégral)

 

(Rappelons que ce rapport qui nous a été communiqué à la suite d’une mission en Pologne, a été remis à l’Union Nationale de « Ceux de Rawa Ruska » par le professeur Pilichowski, Directeur de la Commission Principale d’Enquête sur les crimes hitlériens commis en Pologne. Ce rapport a été traduit par un traducteur assermenté et déposé par le Président A. Guerlain au Ministère des anciens Combattants fin mai 1968).

 

« Cette première page mentionne la date de l’enquête (du 24 au 30 septembre 1944), et la composition de la commission d’enquête (un président, une secrétaire et trois membres), avec la participation d’un commandant, d’un instituteur, de deux curés de l’église catholique romaine, du substitut au procureur de la région de Lwow, l’adjoint au président de la commission régionale des députés du soviet suprême, du représentant de la commission extraordinaire d’Etat.

 

Quarante deux témoins oculaires des atrocités hitlériennes perpétrées dans le district de la ville de Rawa Ruska ont été interrogés.

Au cours de l’enquête, il a été découvert des grandes « tombes collectives », aux abords de Rawa Ruska, dans lesquelles il a été dénombré environ 37 000 cadavres d’hommes, de femmes, ou d’enfants, torturés, fusillés, etc…

 

Le rapport décrit l’extermination de militaires soviétiques, les atrocités commises dans le ghetto juif, avant l’envoi à « l’usine de mort » de Belzec (20 kilomètres environ de Rawa Ruska), 2 000 en mars, 2 000 en juillet, etc…Il y est noté qu’en décembre 1942 et en janvier 1943, 800 hommes de la police hitlérienne ont participé à l’opération d’extermination de plus de 14 000 personnes, et 2 000 autres envoyées à Belzec…les rues étaient jonchées de cadavres, le sang coulait à flots, etc…

Quant au camp de prisonniers, il y est mentionné que ses installations, son régime, ses conditions étaient calculés pour éliminer systématiquement les prisonniers.

 

Un témoin a relaté qu’ayant travaillé au camp de prisonniers de guerre soviétique du mois de décembre 1941 au mois d’avril 1942, il y avait eu durant cette période, 15 000 exterminations par la faim, le froid, les fusillades…des prisonniers mangeaient de la chair humaine…La commission a établi qu’on y entretenait les maladies endémiques dont 50 hommes au moins mouraient chaque jour, qu’on y établissait un régime de conditions inhumaines, par les massacres, la faim, et le froid. Sur les 18 000 prisonniers de guerre soviétiques qui se trouvaient au camp, seuls 180 hommes, atteints du typhus, furent dirigés sur le camp de Lwow, quant aux autres, ils furent exterminés au camp de Rawa Ruska.

 

Ce rapport arrive à sa conclusion par : « Après l’extermination de tous ceux qui se trouvaient au camp de prisonniers de guerre, dans ces mêmes bâtiments, écuries, au mois d’avril 1942, on plaça des prisonniers de guerre français qu’on amena au nombre de 20 000 hommes environ. Les prisonniers de guerre français se trouvaient également dans de mauvaises conditions et mouraient souvent de faim et de froid. En fait foi le cimetière de Woldowice où de nombreux prisonniers de guerre ont été inhumés. Les envahisseurs fascistes allemands obligeaient les prisonniers de guerre français à un travail au-dessus de leurs forces, les faisaient mourir de faim, les tenaient dans les bâtiments, écuries, non chauffés et les punissaient pour la moindre infraction au règlement du camp. Avant de citer les noms des coupables ayant sévi à Rawa Ruska, le rapport signale que la commission a établi l’extermination de 41 500 personnes dans le district de Rawa Ruska durant l’occupation. »

 

Composition de la Commission de District établie pour procéder à l’enquête sur les crimes des envahisseurs fascistes allemands dans le district de Rawa Ruska

  • Président de la Commission : Gavrilenko Maxime, fils de Sidor

  • Secrétaire de la Commission : Robota Halina, fille de Michel

  • Membres de la Commission : Sokolian Nestor, fils de Karp, Malychew Paul, fils de Jacob, Stepanow Michal, Fils de Timothé

Avec la participation du commandant Koupiachkine Thikon, fils de Bfim, l’intituteur Strazenik Ivan, fils de André, le curé de l’église catholique romaine Grzegosz, fils de Pierre Kadula, le curé de l’église catholique romaine Jacob, fils de François Iniara, le premier substitut du Procureur de la région de Lwow, Kreyzanowski P.Z, en présence de l’adjoint du Président de la Commission Régionale des députés du Soviet Suprême de l’Union Soviétique Kozyrew P.Z. et du représentant de la Commission Extraordinaire d’Etat Kouzmine.

 

Cette commission a inspecté le camp allemand de la ville de Rawa Ruska, les lieux conservés, où de paisibles citoyens ont été torturés de façon bestiale et fusillés. Elle a interrogé les personnes, témoins oculaires des atrocités hitlériennes perpétrées dans le district de la ville de Rawa Ruska et elle a décidé que :

Les autorités fascistes allemandes, aussitôt après l’invasion par les armées allemandes du territoire de Rawa Ruska, sur l’ordre du gouvernement criminel hitlérien organisèrent l’extermination massive de groupes de paisible population, qui les gênaient, ainsi que de prisonniers de guerre qui se trouvaient au camp (stalag de Rawa Ruska).

 

Au cours de l’enquête de la Commission de District aux environs de Rawa Ruska, il a été découvert de grandes tombes collectives de cadavres enterrés dans les lieux suivants :

 

  1. Au cimetière juif situé à environ 480 mètres du centre de la ville, dans 4 grandes fosses, où il a été enterré plus de 5 000 cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants torturés et fusillés.

 

  1. Dans la forêt de « Borowe », à environ 3 km du centre ville et 250 mètres de la forêt de Borowe, dans une fosse de 13 X 8 mètres, il a été inhumé plus de 1 500 cadavres d’hommes, femmes et enfants.

 

  1. A environ 1 000 mètres au sud du centre de la ville de Rawa Ruska, à côté du cimetière juif, il a été inhumé plus de 4 000 cadavres.

 

  1. A la lisière de la forêt de Wolkowice, situé à environ 2 km au sud de Rawa Ruska, le cimetière français contient 23 tombes individuelles. Sur ces tombes des monuments en bois ont été édifiés, sous forme de croix, avec les inscriptions des noms et prénoms des prisonniers de guerre français inhumés, cimetière d’une dimension de 35 X 15 mètres.

 

  1. Dans la forêt de Wolkowice, à environ 3 km au sud de la ville de Rawa Ruska, à quelque 200 mètres de l’hôpital, au cimetière représenté par une fosse de 30 X 15 mètres, il a été enterré plus de 8 000 prisonniers de guerre soviétiques torturés et fusillés.

 

  1. Dans la même forêt de Wolkowice, à environ 2 km au sud-est de la ville de Rawa Ruska et à quelques 100 mètres de l’hôpital, il a été enterré plus de 7 000 cadavres de prisonniers de guerre torturés et fusillés.

 

  1. Dans la forêt de Sedlinka, près du village de Selysko, à 4 km de Rawa Ruska :

  • A Woronka, dans un entonnoir d’obus, il a été enterré 5 cadavres.

  • Au quartier 53, dans une fosse de 1,5 x 1,5 d’une profondeur de 17 mètres, il a été enterré 50 cadavres humains.

  • Au quartier 52, dans une fosse d’une dimension de 5 x 7 mètres, il a été enterré 350 cadavres humains.

  • Au quartier 51, dans une fosse d’une dimension de 15 x 10 mètres, d’une profondeur de 7 mètres, il a été enterré près de 7 000 cadavres d’hommes, femmes et enfants, fusillés.

  • Sur la route de « Jalynka », à environ 400 mètres, dans une fosse d’une dimension de 4 x 5 mètres, d’une profondeur de 2,5 mètres, il a été enterré 60 cadavres d’hommes et de femmes.

  • Sur la route de « Jalynka », à environ 450 mètres, dans une fosse de 6 x 8 mètres, d’une profondeur de 3 mètres, il a été enterré 80 cadavres humains.

  • Sur la même route, à 100 mètres, dans une fosse de 8 x 7 mètres, d’une profondeur de 4,5 mètres, il a été enterré 3 500 cadavres de personnes fusillées, hommes, femmes et enfants.

Au total, dans cette forêt, il a été enterré plus de 11 000 cadavres humains.

 

Par l’enquête, à laquelle il a été procédé, par la voie d’interrogatoire de témoins oculaires et l’examen de documents, la Commission de District a établi les faits suivants sur les crimes et atrocités fascistes allemandes, commises dans le district de Rawa Ruska.

 

I. EXTERMINATION DE MILITANTS SOVIETIQUES

 

Après l’invasion des armées allemandes fascistes sur le territoire du district de Rawa Ruska, les agents de la Gestapo et les gendarmes, sous la direction de bourreaux sanguinaires, du chef de la Gestapo l’Oberscharführer S.S. Stein et du chef de la gendarmerie, Commandant de la ville de Rawa Ruska Klein, les bourreaux ont commencé à procéder à l’arrestation de militants soviétiques, qu’ils fusillaient sans aucun jugement et les cadavres des militants fusillés, ils les enfouissaient dans la forêt de Wolkowice. De cette manière, jusqu’à la fin de l’été 1942, il a été supprimé 380 militants soviétiques et leurs biens ont été pillés. (Déposition des témoins : Stingoza Paulina, fille de Ivan, dt à Rawa Ruska, rue Mickiewicz, N° 70, et Tencer Simon, fils de Pinkos, dt à Rawa Ruska, rue Typographia, et autres).

 

2. LE GHETTO « JUIF »

 

Les atrocités et les brigandages allemands fascistes et la liquidation physique de la population juive du district de Rawa Ruska, procédaient d’un plan prémédité à l’avance.

Les bourreaux fascistes de la ville de Rawa Ruska, le Kreishauptmann Hager, le bourgmestre Laski, les Commissaires aux Affaires juives Strucholz et Holtz ont organisé un comité juif, dans la ville, appelé « Juden-Kat », à l’aide duquel ils traquaient la population juive, la taxaient, lui soutirant de cette manière tout son argent et des objets de valeurs.

A la moindre désobéissance ou dissimulation d’objets de valeurs, les coupables s’exposaient à être fusillés.

Dans le processus des exactions, les gendarmes, les policiers et la gestapo exerçaient leurs sévices sur des gens innocents et s’acharnaient sur eux.

 

Le témoin Cwikla Piort, fils de André, habitant de Rawa Ruska, à ce sujet a déclaré :

 

« Les allemands avaient organisé dans la ville un Comité Juif, dit « Juden Kat ». Les autorités allemandes rançonnaient les juifs tous les mois. Une de ces rançons était fixée à la somme de 2 millions de zlotys. Le juden Kat recueillait l’argent et les objets de valeur et les remettait au Commandement allemand de la ville. »

 

Sur l’ordre du Kreisshauptmann Hager, dans les premiers jours du mois de septembre 1941, tous les juifs des villages environnants furent rassemblés dans la ville de Rawa Ruska. Après avoir procédé à l’enregistrement de la poulation juive, les barbares fascistes allemands procédèrent à l’extermination de la paisible population.

Le 19 mars 1942, la gendarmerie de la police fasciste ukrainienne, sous la direction du chef de la gendarmerie de la ville, l’adjudant Klein procédèrent à une rafle (action) monstre dans la ville. Au cours de la rafle, on garda plus de 2 000 personnes, hommes, femmes et enfants, que les barbares allemands envoyèrent dans les « usines de la mort », dans la ville de Belzec, à 20 km de Rawa Ruska, en territoire polonais, en vue d’extermination.

 

La seconde rafle (action) de la Gestapo, conjointement avec la police « 3chupo » et la police ukrainienne, fut effectuée le 30 juillet 1942, sous la direction du chef de la Gestapo, l’Oberscharführer Speit. Ao moment de la rafle, on arrêta et envoya à la ville de Belzec, « à l’usine de la mort », plus de 2 000 personnes, hommes, femme et enfants. Les biens des juifs détenus étaient pillés par les bourreaux allemands fascistes.

 

En été 1942, les autorités allemandes de la ville de Rawa Ruska organisèrent un camp juif, dit GHETTO. Dans la partie centrale de la ville de l’édifice de la poste à la place du Marché, on délimita quelques quartiers où l’on proposa à tous les juifs des autres quartiers de la ville de s’installer. En même temps, dans le même ghetto, on rassembla la population juive des villes : Nemirow, Uhnow, Lagierow. De cette manière, on réunit plus de 18 000 personnes dans le ghetto.

Les quartiers du ghetto étaient entourés de fils barbelés à partir de décembre 1942, le ghetto était gardé par la police. L’entrée et la sortie du ghetto étaient interdites. Les contrevenants à ce régime étaient fusillés sur place.

 

La population du ghetto, se trouvait dans des conditions effrayantes et pénibles. Les gens vivaient dans une exiguité incroyable, à raison de 20 familles dans une seule pièce, les produits alimentaires étaient inexistants. Tous les jours, les gens mouraient d’épidémies, de maladies, et principalement du typhus.

Les exactions des allemands fascistes s’acharnaient d’une manière extraordinaire sur la population innocente, qui se trouvait au ghetto.

 

Les témoins oculaires des bestialités fascistes allemandes, habitants de la ville de Rawa Ruska, Klager Moïse, fils de Juda et Weinfeld Abram, fils de Dawis ont raconté :

 

En été 1942, le Chef de la Gestapo, l’Oberscharführer Speit, alors Commandant du ghetto, fit conduire dans la rue Sobko, des jeunes femmes et filles, là il les fit entièrement déshabiller, ensuite ils photographiaient les femmes et les jeunes filles nues dans différentes poses obscènes. Finalement, les fascistes fusillaient chacune de ces femmes et jeunes filles, en tirant dans les organes sexuels. Des scènes de ce genre, le bourreau Speit en organisait souvent et il a fait ainsi exterminer plusieurs centaines de jeunes femmes et de jeunes filles.

 

Le témoin Weinfeld Abram, fils de Dawid, a raconté encore que :

 

« En 1942, dans la ville de Rawa Ruska, le gendarme Maert, sous mes yeux, fusillait les gens de la façon suivante : il plaçait cinq hommes l’un derrière l’autre et dans le but d’essayer la force de tir de son pistolet, il tirait dans le visage du premier. Quand il avait fusillé un groupe de cinq, le bourreau Maert replaçait à nouveau cinq autres innocents ».

 

La 3ème rafle qui a duré du 7 décembre au 10 janvier 1943, était le plus cruel des massacres sanguinaires. Au cours d’un mois, il a été exterminé plus de 14 000 personnes, hommes, femmes et enfants et sur ce nombre, près de 2 000 personnes étaient envoyées dans la ville de Belzec, à « l’usine de la mort », quant aux autres, elles étaient fusillées.

 

Pour procéder à ce massacre sanglant, de la ville de Lwow à la ville de Rawa Ruska, étaient venus : l’Obersturmführer S.S. Hildebrand, L’Obersturmführer S.S. Wielhaus (Commandant du camp de Janow, à Lwow). Le Strümführer Rotika, qui avec six chefs fascistes Speit, Klein, Hager, Holz, Struchholz, Liaski, Gromikita, et d’autres pendant la durée d’un mois entier, fusillaient la population juive et en définitive le ghetto fut entièrement liquidé. A cette opération ont pris part environ 800 hommes de la police et de la gendarmerie.

 

Au cours de ce massacre, les rues étaient jonchées de cadavres et le sang coulait à flots. Pour fusiller les gens, on les transportait principalement en auto dans la forêt de Sedlinka, près Selysko, où il a été fusillé près de 10 000 personnes et au cimetière juif, où il a été fusillé environ 2 000 personnes et en outre à ce cimetière, il a été amené, pour être enterrés, environ 1 000 cadavres fusillés au ghetto.

 

Après la liquidation du ghetto, il a été placé au camp de « Rata » 650 personnes, qui ont également été fusillées au mois de mars 1943. En avril 1943, le camp de la ville de Mosty Wielke, dans lequel se trouvaient plus de 1 200 personnes juives fut transféré dans la ville de Rawa Ruska. Dans la nuit du 10 novembre 1943, les bourreaux fascistes ont entouré le camp, et ont transporté tous les gens à « Borowe », au soviet rural politique, et ils ont tous été fusillés et les cadavres ont été enterrés dans une grande fosse.

 

En outre, il se trouvait près de 1 500 personnes juives au camp de Kamionka-Lipcyk, district de Rawa Ruska.Les allemands les ont également tous fusillés et ont enterré les cadavres dans des fosses dans la forêt de Sedlinka, près Selysko.

 

Tout cela a été confirmé par l’interrogatoire de 20 personnes et témoins oculaires. Au nombre des témoins oculaires interrogés, Cwiklia Piort, fils d’André, raconte :

 

En 1943, au printemps, dans l’établissement de bain, où se trouvait le Commandant du ghetto, le chef de la Gestapo Speit, la police ukrainienne a amené 3 juifs, Wasserman, Goberman, et une femme. Wasserman et Goberman ont demandé à Speit de leur laisser la vie sauve. Le bourreau Speit, s’adressant à Wasserman, lui a dit : « Voilà, je te donne la vie », et d’un fusil automatique il lui a tiré dans les yeux. Wasserman est tombé et s’est relevé ensuite, alors Speit a déchargé sur lui deux rafales de fusil à répétition. Aussitôt après, Speit a fusillé Goberman et la femme. En février 1943, je suis passé près de la maison du juif Schafel. A ce moment, les policiers ont découvert dans la cour de Schafel un coffre où se trouvaient cachés quatre enfants. Le policier prenait les enfants par les pieds et les tuait un par un, contre le mur. »

 

Le témoin Socha Maria, fille de Abram a déposé comme suit :

 

« Au mois de décembre 1942, j’ai vu personnellement comme un agent de la Gestapo a fusillé une juive, Scheifer Anna. Quant à son bébé de trois mois, le gestapiste l’a saisi par les pieds, et, en lançant sa tête contre le mur, l’a tué. »

 

III LE CAMP DES PRISONNIERS DE GUERRE

 

Dans la banlieue de la ville de Rawa Ruska, dans les anciennes casernes de l’Armée Rouge, au mois de juin 1941, le commandement allemand a créé un camp pour les prisonniers de guerre soviétiques. Du mois de juillet 1941 au mois d’avril 1942, d’après les éléments des dépositions des témoins, il se trouvait dans ce camp plus de 18 000 hommes, prisonniers de guerre soviétiques.

 

Les installations du camp, le régime et les conditions étaient calculés pour exterminer systématiquement les prisonniers de guerre.

A L’entrée des prisonniers de guerre au camp, on leur enlevait chaussures et vêtements. On ne donnait presque pas de nourriture aux prisonniers de guerre. Rarement on leur donnait une soupe d’épluchures de pommes de terre ou on les nourrissait de pommes de terre gelées, pourries. Les prisonniers de guerre tombaient d’inanition, de faim. Les prisonniers n’ayant plus la force d’avancer, étaient obligés d’avancer sous les coups de bâtons, de fusils à répétition, pour se rendre au travail. La plupart d’entre eux mouraient là, sous les coups reçus. En période d’hiver, les prisonniers de guerre sous escorte, se rendaient au travail, sans vêtements et sans chaussures. Beaucoup allaient au travail pieds nus, dans la neige, et gelaient en route, et ces malheureux, les allemands les fusillaient.

 

Etant affamés, les prisonniers de guerre se jetaient sur les cadavres de leurs camarades, dépeçaient les cadavres, faisaient cuire la chair humaine et la mangeaient.

 

Un témoin habitant de la ville de Rawa Ruska, Golubenko Piort, fils de Ivan, qui s’est trouvé pendant cinq mois dans ce camp comme prisonnier de guerre a fait savoir :

 

« Au camp de Rawa Ruska, où je me trouvais, les régimes et les conditions étaient affreusement pénibles. Les prisonniers de guerre étaient enfermés dans des baraquements dont les allemands, en hiver, laissaient spécialement les portes et les fenêtres ouvertes pendant toute la journée, afin que les gens, dans ces baraquements, meurent gelés. De la nourriture, on ne nous en donnait presque pas, les prisonniers de guerre, de faim, dépeçaient les cadavres des prisonniers de guerre morts de faim, ils les faisaient cuire et mangeaient cette chair humaine. Les officiers allemands voyaient tout cela et s’en gaussaient de rire.

Moi-même j’ai vu de mes yeux cuire 12 cadavres de prisonniers de guerre. Les fusillades et les coups emportaient 150 à 200 hommes par jour. Les cadavres des prisonniers de guerre étaient enlevés sur des remorques de tracteurs dans la forêt de Wolkowice, où ils étaient jetés dans une fosse spécialement creusée par les prisonniers de guerre eux-mêmes. »

 

Les faits d’anthropophagie au camp de prisonniers de guerre sont confirmés par les témoins oculaires : Stiagowa Paulina, fille de Ivan, domiciliée dans la ville de Rawa Ruska 70 rue Nieckiewicz, et Lange Joseph, fils de Jacob, domicilié dans la ville de Rawa Ruska, rue Fredo N°23, et d’autres.

 

Quant aux tortures que les allemands infligeaient aux prisonniers de guerre, de nombreux citoyens, témoins oculaires en ont fait part à la commission.

 

Par exemple : Koczak Basile, fils de Stéphane, domicilié au village de Enicza, district de Magiercw :

 

« J’ai travaillé au camp de prisonniers de guerre soviétiques du mois de décembre 1941 au mois d’avril 1942. Au cours de cette période, les allemands ont exterminé par la faim, le froid et les fusillades près de 15 000 hommes, prisonniers de guerre.

Les cadavres des morts et des fusillés étaient emportés sur des remorques de tracteurs, dans la forêt de Wolkowice. Les prisonniers de guerre affamés et épuisés, quant on les ramenait sur le terrain du camp, se jetaient sur les tas de pommes de terre pourries et gelées, ce pourquoi les convoyeurs les fusillaient sur place.

J’ai vu faire sortir des prisonniers de guerre, entièrement nus, les ligoter à l’aide de ficelles, à un mur ou à un poteau, et les tenir là, en hiver jusqu’à ce qu’ils meurent gelés. »

 

Le témoin Enycz Trophime, fils de Basile, du village de Enycza, district de Rawa Ruska a rapporté que :

 

« Pendant la période où j’ai travaillé au camp des prisonniers de guerre, j’ai vu exterminer de façon bestiale les prisonniers de guerre. Parmi de nombreux cas, j’en citerai un : lorsque les prisonniers de guerre allaient manger et qu’ils arrivaient à un angle, ils recevaient brusquement un coup de planche sur la tête. De cette manière, en un jour, on tuait plusieurs dizaines de prisonniers de guerre. »

 

Il a été établi par la Commission qu’au camp des prisonniers de guerre, on entretenait les maladies épidémiques, dont 50 hommes au moins mouraient chaque jour.

De cette manière on établissait un régime de conditions inhumaines, par les massacres, la faim et le froid, sur les 18 000 prisonniers de guerre qui se trouvaient au camp, seuls 180 hommes, atteints du typhus, furent dirigés sur le camp de prisonniers de guerre de Lwow, quant aux autres, ils furent exterminés au camp de Rawa Ruska.

 

Après l’extermination de tous ceux qui se trouvaient au camp de prisonniers de guerre, dans ces mêmes baraquements, au mois d’avril 1942, on placa des prisonniers de guerre français, qu’on amena au nombre de 20 000 hommes. Les prisonniers de guerre français se trouvaient également dans de mauvaises conditions et mouraient souvent de faim et de froid. En fait foi le cimetière de la forêt de Wolkowice, où de nombreux prisonniers de guerre ont été inhumés. (voir dossier d’inspection du cimetière).

 

Les envahisseurs fascistes allemands obligeaient les prisonniers de guerre français à un travail au dessus de leurs forces, les faisaient mourir de faim, les tenaient dans des baraquements non chauffés et les punissaient pour la moindre infraction au règlement du camp.

Tout cela a été rapporté par le témoignage de deux prisonniers français : Emile Léger et Georges Le Foul, qui étaient détenus au camp de prisonniers de guerre de la ville de Rawa Ruska, d’où par la suite ils se sont évadés.

 

En 1944, à la suite de l’offensive de l’Armée Rouge, les envahisseurs allemands fascistes ont évacué les prisonniers de guerre du camp de Rawa Ruska sur le camp de prisonniers de guerre français de Cracovie.

 

De cette manière, la Commission de District a établi que les envahisseurs allemands fascistes, dans le district de Rawa Ruska, au cours de l’occupation, ont exterminé :

 

  • Populations civiles : 17 500 personnes

 

  • Au camp de prisonniers de guerre (stalag 325) : 18 000 personnes

  • Déportés du district vers Belzec : 6 000 personnes

 

Au total il a été exterminé 41 500 personnes

 

La Commission a établi que les coupables de tous les crimes décrits et qui doivent en porter les responsabilités sont :

 

  • Le Kreishauptman HAGER

  • Le bourgmestre-stadtkommissar LIASKI

  • Le chef de la Gestapo et commandant du ghetto, Oberscharführer SPEIT

  • Le chef de la gendarmerie et commandant de la ville de Rawa Ruska KLEIN

  • L’Obersturmführer S.S. HILDEBRAND

  • L’obersturmführer S.S. WIELHAUS

  • L’officier de la gendarmerie TRIGNER

  • L’officier de la gendarmerie, adjudent MAERT

  • L’officier de la gendarmerie FREINTOCK

  • L’obersturmführer S.S. GRONIKITA

  • Le Commandant du camp de Kamionka Lipnek Scharführer GJINYK

  • Le commissaire aux affaires juives allemandes HOLZ

  • Le commissaire aux affaires juives STRUCHOLZ

  • L’Obersturmführer S.S. ROTIKA

  • Le commandant de la police ukrainienne OSIDACZ

  • Le commandant du camp de prisonniers de guerre, commandant GASSINER

  • Le commandant du camp de prisonniers de guerre, commandant FISCHER

  • Le commandant adjoint du camp de prisonniers de guerre, commandant BEM

  • Le commandant du camp de prisonniers de guerre, commandant FLECKER

  • Le chef de la Gestapo du camp des prisonniers de guerre NOVARRO

  • Le Président du tribunal de police BRAUER

  • Le médecin du camp des prisonniers de guerre, Lieutenant NAUMANN

 

En plus des personnes coupables et responsables de ces atrocité, vient en premier lieu le criminel gouvernement allemand.

 

(suivent les signatures officielles)

 

 

Le devoir de mémoire

 

Les souffrances des anciens prisonniers du camp de Rawa Ruska ne furent pas reconnues au début. Ils ne pouvaient se prévaloir du titre de déportés, et leur statut de disciplinaires leur a d’abord valu la méfiance des autorités. Ce n’est qu’après des années de combat que les actes de résistance, évasions, sabotages qui avaient été si durement sanctionnés ont été valorisés.

 

Tous les descendants témoignent du fait que leur père ne leur parlait jamais ou très peu de cet épisode de leur vie. Ils avaient en cela la même réaction que les déportés.

 

Le camp de Rawa Ruska a été transformé en caserne par l’armée Russe, puis l’armée Ukrainienne.

 

Un premier monument à la mémoire des prisonniers français a été érigé dans les années 60. Le fils d’un ancien prisonnier, lors d’un voyage en Ukraine a constaté son mauvais état. Il en a fait part au Président de l’Association « Ceuxde Rawa Ruska ».

Naît alors le projet d’ériger un monument digne de ce nom, et de l’inaugurer en présence de survivants et descendants de prisonniers.

Ce projet a abouti en mai 2003. Plus de 80 personnes dont 16 survivants sont partis effectuer un pèlerinage sur les principaux lieux. Ils allèrent d’abord à Lviv (ancienne Lwow en Polonais, et Lemberg en Allemand) où la citadelle qui servait de camp existe toujours. Elle abrite le siège d’une banque.

Ils se rendirent ensuite à Tarnopol, sur le site de la carrière, et devant le camp, devenu caserne de l’armée ukrainienne.

 

Mais la journée la plus émouvante fut celle du 31 Mai 2003, jour de l’inauguration du monument et de la visite du camp.

Toute la population du village de Rawa Ruska s’est associée à la cérémonie, ainsi que les autorités locales.

Le camp a pu être visité puisque l’armée Ukrainienne devait quitter les lieux le lendemain. Les anciens ont ainsi pu désigner de mémoire l’emplacement des différentes parties du camp. La plupart des bâtiments en dur existent toujours, ainsi que la place d’appel. Certains ont même été en mesure de désigner l’emplacement du fameux unique robinet d’eau, des écuries,…

 

L’association ne connaît à cette date qu’un peu plus de 300 survivants. Il est à remarquer que parfois, les descendants se sont rapprochés de l’association alors que les prisonniers eux-mêmes étaient restés isolés dans leurs souvenirs.

 

Plusieurs sites existent qui racontent l’histoire du camp 325 et celle de ce voyage.

Leur liste a été reprise sur le site créé par Bernard PETIT : Http://monsite.wanadoo.fr/memorialRawaRuska

 

Rennes le 13 avril 1994.

Mes chers Camarades

La plupart des historiens de la guerre 1939-45 semblent ignorer l’ampleur de la résistance qui a été celle d’un nombre imposant de captifs parqués ou détenus non seulement à l’intérieur des frontières du Reich mais encore dans les territoires occupés par l’armée allemande dotée d’un “Général Gouvernement”

Ceux d’entre eux qui y ont fait allusion dans un contexte général, attachent trop peu d’importance au rôle de cette résistance. Ils ne semblent pas conscients des dangers encourus, des risques pris et du lourd tribut payé par ceux qui ont eu le malheur de se faire découvrir, trop souvent hélas victimes de la trahison.

Ils étaient en outre dépourvus de tout soutien comme par exemple celui d’un réseau de coordination. C’est compte tenu de cette constatation qu’il me parait opportun de citer quelques passages d’un ouvrage intitulé “ Guerre du XX ème siècle” écrit par une historienne anglaise, Suzanne Everett en collaboration avec le général britannique Peter Young et l’historien américain Robin Langley Sommer. Les écrits de ces trois historiens étrangers ne sauraient être taxés de partialité tant au sujet des faits que sur d’éventuelles motivations politiques qui n’avaient d’ailleurs pas cours dans les camps de soldats prisonniers dans lesquels j’ai personnellement séjourné.

Il a bien surgi, exceptionnellement, dans quelques stalags des organisations clandestines d’une certaine résistance, notamment au Pétainisme, qui ont même eu des prolongements parmi des évadés des camps rentrés en France. Il ne convient ni de les sous-estimer ni de leur donner plus d’importance qu’elles n’en ont eue au regard de la résistance en pays ennemi.

Dans la grande majorité des cas cette résistance était individuelle, souvent secrète et donc d’autant plus courageuse.

Pour en revenir a cet ouvrage, un premier paragraphe parait devoir être souligné. On y lit page 462 : “Une autre résistance plus héroïquement quotidienne fleurit également en Allemagne : celles des évadés, des saboteurs, des déportés. Jusqu’en 1944 les évasions des camps (de concentration bien sûr) sont extrêmement rares, elles sont plus nombreuses dans les stalags, les oflags et les commandos, du S.T.O. Le sabotage est pratiqué par les requis, les prisonniers, les déportés qui sont contraints de travailler pour l’industrie allemande. On peut saboter des munitions, des moteurs d’avion, des pièces de fusée, des appareillages électriques ou seulement des roulements à billes, provoquer des accidents ou simplement ralentir le travail. Il faut une grande habileté pour éviter les représailles, tous les retards, toutes les défectuosités doivent paraître accidentelles et un grand courage, en cas d’erreur il n’y a qu’une seule peine : la mort."

Dans le chapitre plus spécialement consacré aux Partisans on lit : "qu’ils soient guérilleros, saboteurs, partisans d’Europe Centrale, maquisards... tous encourent les mêmes risques, les lois et conventions internationales ne leurs sont pas appliquées. S’ils sont pris, ils sont torturés, exécutés sur place ou dans les meilleurs cas envoyés en camp de concentration (avec le durcissement de la guerre, les commandos opérant en uniforme et les évadés des stalags et oflags sont traités avec la même rigueur."

Si nombre d’historiens d’hier et d’aujourd’hui semblent si mal informés ou peu enclins à faire état de la Résistance en Allemagne, les dirigeants de cette époque, basés en Angleterre l’étaient eus informés que parmi les captifs un nombre croissant de rebelles aux règlements des stalags prenaient des risques et subissaient les rigueurs de la répression.

Bien sûr au cours des premiers mois qui ont suivi la défaite de 1.940, les prisonniers sont abasourdis, consternés, terrassés, intoxiqués par la propagande ; ils entendent bientôt une rumeur circuler subrepticement dans les stalags ; “les Anglais résistent partout, une armée Française se forme, elle a un Général à sa tête, inconnu jusqu’ici ; le général de Gaulle. Ne souriez-pas à cause du nom, disait-on, ce n’est pas une blague. Ce général qui commence à devenir célèbre à l’heure des bouteillons a adressé un message aux Français qui finit par faire son chemin d’un baraquement à l’autre: il a dit : "ou que soyez, organisez la résistance..." Les prisonniers de guerre se sentent concernés eux aussi. Ces nouvelles clandestines les aident à relever la tête, à serrer les mâchoires, un espoir surgit, la servilité des opportunistes commence à agacer, le sabotage se fait jour, les barbelés ne paraissent plus infranchissables, la voix qui venait de loin à porté.

Mais tous ne se laissent pas convaincre par cet appel, les attentistes, les détenteurs d’un bon petit boulot, sans adhérer pour cela au renouveau suspect de Vichy, trop complaisamment diffusé par les allemands, répugnent à prendre des risques et à troubler un mode de vie insupportable à bien des égard, mais qui pourrait non seulement faire perdre quelques avantages, mais devenir infernal.

Les saboteurs se font de plus en plus discrets et les candidats à l’évasion conspirent entre eux dans le plus grand secret, ils se sont rendus compte que tout groupement humain comporte son lot de mouchards et même de traîtres !

Malgré tout, au fil des semaines et des mois le nombre des évadés, en particulier, devient insupportable pour l’armée allemande obligée d’affecter de plus en plus de soldats à la garde des prisonniers alors qu’il lui faut de plus en plus de troupes pour satisfaire aux besoins des nouveaux fronts, assurer l’occupation des pays conquis, veiller aux frontières terrestres et maritimes sur une longueur jamais égalée.

Des mises en garde comminatoires sont diffusées dans les Stalags et les Oflags suivies de menace d’exécution sans sommation ; rien n’y fait, les sabotages subtils et surtout les évasions de plus en plus audacieuses se multiplient. Il importe donc de frapper un grand coup. Le 20 janvier 1942 le Général SS Heidrich assisté du Gouverneur Général de la Pologne et des territoires occupés Franck ainsi que de Keitel général de la Werhmacht organise à Wansee près de Postdam une réunion au cours de laquelle il est décidé à sévir contre les inadaptables au régime au régime Nazi et de trouver un moyen imparable pour lutter contre toute rebellion des éléments dangereux, en particulier, contre celle des prisonniers de guerre évadés et des saboteurs, tous gens considérés comme inassimilables.

C’est au cours de cette conférence que deux décisions importantes sont prises :

-1° la perte du statut de prisonnier de guerre pour cette catégorie de criminels “indignes de vivre au milieu d’une population saine et laborieuse”

-2° la déportation de ces indésirables hors des frontières du Reich au Vernichtung lager (camp d’anéantissement) 325 à Rawa-Ruska en Ukraine, ceci en violation des conventions de la Haye et de Genève applicables aux prisonniers de guerre dont les sbires allemands n’avaient que faire. Les sous-officiers prisonniers de guerre l’ont eux-aussi appris à leurs dépens. Ils ont eux-aussi été parqués dans un camp spécialement créé pour eux.

La décision prise à Wansee est rapidement suivie d’effet. Un ordre de O.K.W. daté du 9 avril 1942 consigné par le Général Keitel stipule que les ennemis du régime concernés devront être déportés à Rawa-Ruska. Seuls les prisonniers anglais seront épargnés car l’Angleterre détient des prisonniers allemands en contrepartie. Dès le 13 avril 1942 le premier convoi de prisonniers de guerre français et belges en situation de rebellion criminelle, au regard des allemands, après un parcours dans des conditions atroces, débarquaient des infects wagons à bestiaux au milieu des hurlements des gardiens et des chiens, sous les coups de crosse et de nerfs de boeuf. Ils étaient affublés d’uniformes disparates, en guenille, récupérés dans les résidus des armées vaincues de toute l’Europe.

Ils formaient un troupeau épuisé, affamé, sale, abruti, poussé dans ce camp de Rawa-Ruska englobé dans le Juden Kreis : zone d’extermination des juifs. Devant pareil accueil les dernières illusions tombaient. Seuls maintenaient debout la haine du bourreau et l’espoir de sa défaite.

Les premières semaines écoulées l’appel de la liberté redevient pressant, des emplacements qui paraissent propices au creusement de tunnels sont choisis et, sans plus tarder le travail de sape est entrepris. Hélas, cette activité n’est pas passée inaperçue, les évadés sont attendus à la sortie, les deux premiers sont sauvagement assassinés par les gardiens malgré leurs supplications. Ce mode d’évasion s’avère irréalisable.

Par contre, au cours de corvées à l’extérieur du camp quelques rares prisonniers, moins épuisés ou plus résistants tentent leur chance ; plusieurs repris sont fusillés mais quelques sujets exceptionnellement chanceux disparaissent dans la nature. Il en est parmi eux qui rejoignent les partisans polonais. L’un d’eux, Emile Liger, dont le parcours et le courage sont légendaires, se voit confier le commandement d’une unité de partisans polonais qu’il encadrera jusqu’à la fin des hostilités dans des combats de guérilla. Il s’est rendu célèbre parmi ses pairs sous le nom de Commandant Louis.

Cet exposé sans prétention a simplement pour but d’éviter que ne soit trop occultée une résistance à l’intérieur du Grand Reich, différente, très différente de celle plus connue qui a été menée en France et dans les territoires occupés ; une résistance plus individuelle certes mais pas sans moins de danger, celle qui a été la vôtre, que vous avez librement choisie...

A quoi bon s’étendre sur les sévices et les conditions misérables du camp de Rawa-Ruska, vous les connaissez, vous les avez vécues, elles hantent encore vos cauchemards de temps à autre. Pourquoi alors en évoquant cette résistance devant vous, évoquer Rawa-Ruska en particulier ? - D’abord parce que c’est une tranche inoubliable de votre vie qui a été l’aboutissement de votre engagement personnel à vous les quelques survivants d’aujourd’hui et c’est aussi pour que nos enfants n’oublient pas la féroce répression qui en a été la conséquence et c’est enfin parce que Rawa-Ruska demeure un symbole : celui de la résistance que des soldats prisonniers incarnèrent dans des conditions qu’ils savaient périlleuses à l’extrême. Vous figurez parmi les premiers résistants qui surgirent après la défaite de 1940. L’armée française prisonnière comptait 1 million 800.000 soldats ; à l’image de la France occupée elle a eu ses attentistes mais aussi ses résistants.

Il m’apparaît opportun de vous faire savoir ou de vous rappeler pour conclure, comment a été perçue votre résistance par des personnalités qui comptent pour vous :

quelques citations extraites de leurs écrits l’explicite / D’abord une phrase du Général de Gaulle :

"S’il y a eu pour toute l’armée prisonnière un haut lieu de courage, un symbole de la Résistance et de la Déportation ce fut Rawa-Ruska. "

Puis l’appréciation du Colonel Rémy :

"Rawa-Ruska: une résistance plus âpre et plus difficile que celle que j’ai connue aux avant-postes de la résistance."

Enfin la formule de Winston Churchill qui a donné une définition de ce camp gravée dans nos mémoires de survivants :

"Rawa-Ruska est situé dans la région qui détient le record de la souffrance en 1942. C’est le camp de la mort lente et de la goutte d’eau"

En terminant cet exposé sur la résistance au coeur du Reich, il m’apparaît opportun de vous redire, mes chers camarades : souvenez-vous que si vous n’avez pas été les seuls, loin de là, à mener ce combat obscur et trop peu connu, vous en étiez. Restez-en fiers.

Alfred Grimault

Secrétaire régional de l’association de Rawa-Ruska

 

Complément appoté par Alfred Grimault

Le nombre des captifs qui ont été internés au camp de Rawa-Ruska atteint 26.000.

Nous y sommes arrivés par convois successifs à dater du mois d’avril 1942. Au fur et à mesure que des « Kommandos » de travail avaient été réalisés, des unités de 60 – 80 – 100 ou 150 prisonniers étaient transférés dans des « Kommandos » de travaux forcés. Rawa-Ruska pouvait être comparé en quelque sorte à une maison mère avec une organisation administrative et son fichier central.

Au fur et à mesure de l’arrivée des convois les nouveaux débarqués avaient toujours tendance à se regrouper avec les camarades de leur région d’origine, ou avec ceux auxquels ils se sentaient des affinités professionnelles, intellectuelles ou encore religieuses. Je n’ai par contre pas eu connaissance de regroupements politiques à Rawa-Ruska.

Beaucoup de captifs ne séjournaient qu’un mois ou deux au camp principal avant d’être affectés à un « kommando », d’autres y séjournaient plus longtemps, notamment ceux qui étaient considérés comme des sujets particulièrement rebelles. Pour ce qui me concerne, j’ai été interné au camp principal du début de juin 1942 à la mi-novembre de la même année.